3. Réactions,
réajustements psychologiques et anxiété de l'aidant
à l'annonce du diagnostic
3.1 Qui sont les
aidants ?
Selon le Dr Eprinchard (CHU Niort), l'aidant est
« une personne de la famille non formée, non
rémunérée et non reconnue, qui apporte une surveillance,
un soutien, une aide, un soin à une personne en perte
d'autonomie ». L'aide apportée à une personne
dépendante peut être formelle ou informelle. L'aide formelle est
produite par l'ensemble des professionnels et est encadrée par une
fonction objectivante. L'aide informelle provient du réseau familial ou
amical et est contractualisée par un réseau d'affects (Pitaud,
2006). Selon le Conseil de l'Europe (ENA, 2000), « les aidants
informels sont les personnes de la famille, amis, voisins ou membres
d'organisations, qui accompagnent une personne dépendante mais qui n'ont
pas de statut professionnel ». Pour Fior (2003), le terme d'aidant ne
peux renvoyer à une définition précise, mais des
critères peuvent permettre de les identifier : quantité d'aide
fournie, type d'aide, niveau et type d'incapacité de la personne malade.
Les études Pixel ont montré que les aidants sont les conjoints
pour 51%, les enfants pour 45% et 4% d'autres personnes (voisins, amis...).
[34] [9]
Enfin, Pitaud a mis en évidence qu'il existe dans les
familles un « enfant désigné ». Il s'agit
d'une désignation inconsciente dans une fratrie, de la personne qui fait
preuve de la plus grande disponibilité (sentimentale,
professionnelle...). Ce sujet est souvent, selon l'auteur, très fragile
narcissiquement et dépendant de ses parents. La personne
âgée a souvent choisi implicitement son aidant parmi ses enfants
et lui confère une responsabilité symbolique, ce qui va donner un
sens pour l'aidant. [34]
Selon Lavoie (2000), on ne peut pas parler d'assignation ou de
désignation dans l'accession au rôle d'aidant. L'auteur
évoque le concept de « responsabilisation » : selon
lui, des règles vont intervenir dans cette décision. Les
règles du statut familial, proximité affective, ressources
personnelles (sentimentales et financières), règle du genre
(relation mère/fille) vont obliger le sujet à
« faire » et permettre au reste de la famille de lui
« faire faire ». [20] Le groupe des conjoints aidants se
compose de deux tiers de femmes et le groupe des enfants de 72% de femmes.
Pitaud met en avant une certaine hiérarchisation dans l'aide : les
femmes, filles et belles-filles sont majoritaires dans les aidants, puis les
fils, membres de la famille plus éloignés et personnes
extérieures à la famille. [34]
La maladie d'Alzheimer possède un statut particulier
au sein des pathologies de la personne âgée. Effectivement, il
s'agit d'une maladie qui affecte le sujet au niveau social, comportemental,
cognitif et affectif mais elle représente également une
« maladie familiale ». La démence n'est pas
repérée comme telle d'emblée par l`entourage : elle
s'installe lentement par une suite d'événements : les signes
passent inaperçus parce qu'ils sont compensés par le sujet
(d'abord de manière préconsciente puis volontairement); ou alors
ils sont perçus mais sont banalisés. Cette banalisation s'appuie
sur une représentation déficitaire de la vieillesse qui permet de
ne pas pathologiser les troubles. Il s'agit ici de dénégation de
la part de l'entourage du patient. L'absence de preuve anatomique ou
biologique, les faibles modifications mnésiques du sujet au début
de la maladie, les pertes sociales perçues comme dues au vieillissement
naturel, sont autant de difficultés pour la famille à accepter le
diagnostic.
Selon le Dr Rousset (Congrès de
psychogériatrie, Pau, 2000), les conséquences de l'annonce du
diagnostic seront différentes selon les liens familiaux
antérieurs : le conjoint peut être dans la position de celui qui
sait sans savoir, ou de celui qui reste confronté uniquement à la
réalité du quotidien. L'enfant peut se positionner dans
l'effacement de l'inscription symbolique et alors resté dans la seconde
phase du stade du miroir. La fratrie peut voir dans le patient une sorte
d'anticipation imaginaire (bouleversements narcissiques car le sujet a peur de
devenir comme l'autre).
Globalement, une prise de conscience s'élabore petit
à petit chez le sujet âgé mais surtout chez ses proches.
Les études montrent que la demande de consultation est le fruit d'un
travail de maturation. De plus, le choix du professionnel consulté est
un indicateur des représentations que le demandeur a de la
démence (par exemple, le choix d'un neurologue peut traduire la
volonté de recevoir une prescription de médicaments, celui d'un
psychologue le souhait d'une évaluation ou d'une prise en charge
psychothérapeutique).
Le moment de la consultation, quelle qu'elle soit, est
chargé d'ambivalence quant au désir de savoir ou de ne pas
savoir.
Lors de l'annonce de la maladie à l'entourage, de
nombreuses réactions peuvent survenir de leur part. Agressivité,
déni, consternation et effondrement émotionnel... sont autant de
modes possibles de réactions. Cette annonce va attaquer les liens
familiaux, inverser les rôles dans la famille et confronter les aidants
à une grande souffrance psychique (nommé « stress
familial » par Pitaud, 2006). [34]
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