2.2 Les
spécificités de l'annonce de la maladie d'Alzheimer
En grande Bretagne, une enquête a pu montrer que le
choix de l'annonce dépendait du stade de la maladie et de
l'interlocuteur. Les médecins annoncent d'avantage le diagnostic au
stade précoce de la pathologie : annonce systématique au stade
précoce pour 37% des patients contre 7% lors d'un stade
évolué.
Le Réseau Sentinelles (INSERM, 2003)
met en évidence que neuf médecins
généralistes sur dix annoncent les résultats des tests
à la famille en disant clairement qu'il s'agit de la maladie
d'Alzheimer. Ce n'est pas la même chose pour le patient : seulement un
malade sur deux apprend son diagnostic, souvent celui d'une «
altération de la mémoire ».
Le tableau 1 mettant en évidence les résultats
de l'étude « Sentinelles », montre que la
nomination de la maladie est beaucoup plus systématique dans le cas de
l'annonce à la famille (78% pour la famille contre 22% pour les
patients). Cependant, les médecins parlent d'avantage d'
« altération de la mémoire » aux patients
(70% contre 10% à la famille).
Tableau 1 : Termes utilisés lors de l'annonce
réalisée au patient ou à la famille
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Annonce
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Au patient
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A la famille
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Altération de la mémoire
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70%
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10%
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Démence
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2%
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10%
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Maladie d'Alzheimer
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22%
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78%
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Autre
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6%
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2%
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Source: Inserm, 2003.
2.3 Les méthodes
existantes autour de l'annonce du diagnostic
Selon le Dr. Pepinster (2006), il existe trois types
d'attitudes médicales face à l'annonce de la
vérité. [33]
Tout d'abord, le mode
« Américain » selon lequel on doit
« tout dire à tout le monde », quelques soient les
circonstances. Ce mode ne permet pas de chercher quelles pourraient être
les réactions du sujet et ce dont il est capable d'entendre.
Le second mode, qualifié de
« Français », propose de ne « jamais
rien dire ». Cette méthode ne permet pas de se demander si le
sujet est en recherche de vérité ou non. Selon l'auteur, cette
technique est une source de diminution de l'angoisse du soignant mais ne traite
pas le problème de l'annonce lui-même.
Enfin, le dernier mode consiste à se demander
comment s'y prendre pour annoncer la vérité. Mais le Dr.
Pepinster explique que cette approche, beaucoup plus Humaine, est tout aussi
« fausse » car celui qui se demande comment s'y prendre
pense qu'il existe une technique pour annoncer ce type de diagnostic difficile.
Selon l'auteur, c'est l'inattendu qui compte dans ces situations.
- Le protocole d'annonce en six étapes selon
Buckman (1994) [4]
« L'outil d'éducation pour la santé du
patient », réalisé par l'INPES, propose une
démarche adaptée du protocole en six étapes
recommandé par Buckman pour l'annonce des « mauvaises
nouvelles » en médecine.
Etape 1 - les préliminaires :
Selon certains médecins, l'annonce du diagnostic de la maladie
d'Alzheimer constitue un des moments les plus délicats de la prise en
charge (Gallarda, 2003). Certains préliminaires peuvent contribuer
à faciliter l'annonce, comme le fait de solliciter la présence
d'un autre soignant pendant la consultation (infirmier, psychologue...) pour
prendre le relais en cas de besoins, prévoir du temps...
De plus, le choix du lieu et du moment est important dans le
processus d'annonce. [11]
Etape 2 - Se demander ce que sait
déjà la personne : Le médecin cherche à
explorer la manière dont le sujet perçoit et vit la maladie ou
les troubles qui y sont associés. Il s'agit ainsi de comprendre quelles
sont les représentations sociales et les croyances du patient et de son
entourage sur la maladie et la santé.
Etape 3 - Se demander ce que la personne veut
savoir.
Etape 4 - Communiquer des informations :
diagnostic, pronostic, traitement, soutien : Le médecin sera
attentif au ressenti de la personne et en offrant des solutions : traitement,
soutien...
Etape 5 - Offrir de répondre aux sentiments
du sujet et de son entourage.
Etape 6- Réaliser des propositions de
traitements et de suivis : Le but sera alors de clore la consultation
en s'assurant d'avoir répondu aux principales inquiétudes des
personnes et en synthétisant et planifiant les prochaines étapes
du suivi.
- Les recommandations lors de
l'annonce selon Hoerni (L'annonce du diagnostic difficile, séminaire de
gérontologie, Pepinster) [33]
Selon cet auteur, il est important d'essayer de rester simple
sans donner trop de détails techniques ainsi que de tenir compte de ce
que le sujet sait déjà. Un contexte calme permet de transmettre
de manière sereine les informations aux sujets. Hoerni recommande
également de fragmenter les nouvelles et d'attendre les questions
complémentaires des sujets. Enfin, l'auteur pense qu'il n'est pas
préconisé de discuter de ce que le sujet semble refuser de
connaître, cela pourrait créer un blocage. En fin d'entretien, le
médecin demandera aux personnes si elles ont bien compris et si elles
désirent des informations supplémentaires. Lors de l'ensemble de
l'entretien, le praticien fera attention de ne pas supprimer tout espoir,
autant pour le patient que pour son entourage.
- L'annonce du diagnostic, un acte
thérapeutique selon Bachkine
Pour cet auteur, l'annonce du diagnostic se déroule
selon trois étapes. Avant l'annonce, le médecin se prépare
(choix du lieu, renseignement sur le patient...). Pendant l'entretien, le
praticien doit savoir comment délivrer une information et savoir
gérer les réactions émotionnelles. Enfin, après le
moment d'annonce, il cherche à suivre l'état émotionnel
des sujets et à répéter les informations importantes.
[33]
Selon Buckman, l'annonce peut être faite par le
médecin spécialisé (en consultation mémoire par
exemple), le médecin traitant ou de manière fortuite
(informations sur les médicaments, courrier,
« gaffe » d'un soignant).
Les termes recevables sont ceux qui qualifient la personne
malade, parlent de maladie et non pas d'état, parlent de la maladie
d'aujourd'hui, expliquent la maladie, proposent des solutions, parlent de la
prise en charge, permettent un dialogue.
Exemples de termes pour parler de la maladie :
maladie d'Alzheimer, maladie de la mémoire, perte de mémoire,
trouble de la mémoire.
Les termes souvent mal reçus sont ceux qui parlent de
stade terminal, qui évoquent une maladie proche de la folie, le jargon
médical et le vocabulaire dépassé et humiliant.
Exemples de termes mal reçus : démence,
démence sénile, dégénérescence,
dégradation intellectuelle, dépendance, gâtisme,
incurabilité.
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