2. Interprétations des
résultats de la recherche quantitative
Nous allons interpréter les résultats de
l'étude quantitative réalisée au moyen de questionnaires.
Cette partie nous amènera à comprendre si nos résultats
vont dans le sens ou non de nos hypothèses opérationnelles.
Tout d'abord, nous allons évoquer les impacts des
variables indépendantes sur la variable dépendante,
c'est-à-dire l'anxiété. Ensuite, nous verrons les liens
existants ou non entre les variables indépendantes elles-mêmes
ainsi qu'une étude sur des variables annexes présentes au sein du
questionnaire.
1.1 Analyse des
déterminants psychologiques sur l'anxiété de l'aidant
à l'annonce
Les déterminants de notre recherche sont la
connaissance, la menace perçue, le soutien social à l'annonce, le
statut du médecin et la qualité de l'annonce perçue par
l'aidant. Nous allons analyser les résultats en fonction de nos
hypothèses de départ :
§ Notre première hypothèse est que
l'anxiété éprouvée par l'aidant est plus importante
lorsque l'aidant perçoit l'annonce comme étant de mauvaise
qualité. Les résultats montrent qu'effectivement, plus
l'annonce est considérée comme de mauvaise qualité par le
sujet, plus son anxiété au moment de l'annonce, et par la suite,
sera élevée. Les questions de cette partie ont été
rédigées à partir des critères
énoncés par les auteurs sur ce thème (cf. partie
« ancrage théorique ») mais c'est la perception de
l'aidant sur la qualité de l'annonce que nous avons cherché
à comprendre. Un bémol peut cependant être apporté
ici : la régression multiple nous montre que la variable
« qualité de l'annonce » n'est que très peu
prédictrice de l'anxiété chez l'aidant : même
si la mauvaise qualité a un impact sur l'anxiété du sujet,
d'autres variables expliquent davantage l'anxiété des aidants.
§ Ensuite, nous avons émis l'hypothèse
selon laquelle la menace perçue a une influence sur
l'anxiété, dans le sens où plus l'aidant se sent
menacé par la maladie d'Alzheimer, plus son anxiété est
élevée à l'annonce de la maladie de son parent. Les
résultats de notre recherche vont dans le sens de cette
hypothèse : le score d'anxiété de l'aidant est plus
important lorsque son sentiment de menace est fort.
La régression multiple montre que la variable
« menace perçue » est fortement prédictrice
de l'anxiété comparé aux autres variables de notre
modèle. Cela suggère que pour notre étude, le sentiment de
menace perçue des aidants a un impact important sur leur
anxiété.
Nous pouvons ici réaliser un lien avec la
représentation héréditaire que certains sujets ont de la
maladie d'Alzheimer. Lorsque la démence de type Alzheimer est
annoncée à l'aidant, celui-ci se retrouve confronté non
seulement à la perte de l'identité antérieure de son
proche mais aussi par identification au risque qu'il encourt d'être
atteint de la même pathologie. L'anxiété serait alors due
à l'ensemble des difficultés liées au proche mais aussi
à ce que la maladie renvoie pour soi même et dans le futur, plus
ou moins proche selon l'âge du sujet. Cette réaction est
décrite par Pouillon (2003) comme une angoisse narcissique,
c'est-à-dire que l'aidant éprouve la crainte que la pathologie
soit héréditaire et laisse émerger son angoisse. [35].
Le troisième résultat concerne l'impact du
niveau de connaissance de la maladie d'Alzheimer sur
l'anxiété de l'aidant. Il montre que moins le niveau est bon
plus l'anxiété du sujet sera importante. Cela va dans le sens de
notre hypothèse opérationnelle : l'aidant ressent davantage
d'anxiété face à la maladie de son proche lorsqu'il a peu
d'informations. Pédinielli (1996, 1999), montre qu'il existe un
décalage entre les théories « profanes » et
les conceptions « savantes, biomédicales » au sein
de la population. Selon ce chercheur, les connaissances et l'expérience
subjective du sujet vont intervenir non seulement sur la compréhension
du diagnostic mais aussi sur l'acceptation de celui-ci. Attribuer une cause
scientifique, savoir quel est le fonctionnement de la maladie d'Alzheimer
permet aux aidants d'identifier, de s'approprier les troubles de la pathologie
de leur parent, et par suite d'apprivoiser une réalité souvent
effrayante. Les aidants possédant de bonnes connaissances sur la maladie
d'Alzheimer peuvent par conséquent ne pas être submergés
par l'anxiété à l'annonce. [31]
La régression multiple révèle que cette
variable est la plus prédictrice de l'anxiété parmi les 5
variables de notre études.
Cependant, il paraît important de souligner que la
variable « connaissance » ne se traduit pas uniquement par
le questionnaire en terme de « bonnes » ou de
« mauvaises » connaissances sur la maladie
d'Alzheimer : avoir un savoir erroné sur les
caractéristiques de la maladie est différent que de ne pas savoir
du tout. Nous avons ainsi cherché à savoir quelle part
l'ignorance représente au sein du questionnaire pour la variable
« connaissances ». Les résultats montrent que le
taux d'ignorance représente un tiers des réponses des sujets.
L'anxiété pourrait être expliquée pour notre
population par des connaissances erronées sur la maladie mais aussi par
une ignorance des symptômes et du fonctionnement de la pathologie.
Ce taux d'ignorance varie selon les questions. Nous avons pu
montrer par le graphique au sein de la partie résultats que pour
certaines questions le taux d'ignorance était particulièrement
élevé et qu'à l'inverse il était très faible
pour d'autres questions. D'après ces résultats, les sujets
ignorent majoritairement les aspects médicaux de la maladie
d'Alzheimer. Les théories scientifiques sous-jacentes à ces
affirmations ne paraissent pas connues par ces aidants. Un autre des taux
d'ignorance élevé porte sur le risque génétique au
sein de la maladie d'Alzheimer. Nous pouvions supposer que les aidants avaient
des connaissances sur le risque génétique de la maladie, surtout
les enfants des patients. Cela est contradictoire avec les taux de menace
perçue : les aidants n'ont pas d'informations sur le risque
génétique de la maladie mais ils ressentent souvent une menace
importante de la développer.
D'autres éléments sur la maladie d'Alzheimer
présentent au contraire un score d'ignorance très bas. Les
affirmations sur les symptômes de la maladie d'Alzheimer ont un taux
d'ignorance très bas. Les sujets possèdent de ce fait des
connaissances (erronées ou non) sur les premiers symptômes
apparaissant dans cette maladie. En analysant ces réponses, nous pouvons
nous apercevoir que les aidants ont d'ailleurs souvent de bonnes connaissances
sur ces éléments.
§ Une autre des variables présente au sein de
notre étude est le soutien social de l'aidant au moment de
l'annonce. Notre hypothèse est que l'anxiété du sujet
à l'annonce est moins importante lorsque celui-ci a
bénéficié d'un soutien social, c'est-à-dire qu'un
proche ou un autre professionnel était présent lors de la
consultation. Les résultats de notre étude ne vont pas dans ce
sens car ils montrent que le soutien social augmente l'anxiété de
l'aidant à l'annonce. Cette infirmation peut être expliquée
par le manque de sujets dans notre recherche ayant reçu un soutien
social : lorsque nous analysons de plus près les données des
questionnaires, nous pouvons mettre en évidence que la population ayant
reçue un soutien social ne comporte que 6 personnes sur les 30
interrogées, c'est-à-dire 20%. Cela implique que
l'anxiété pourrait être expliquée par d'autres
variables.
§ Enfin, notre dernière hypothèse porte sur
le statut du médecin à l'annonce. Nous supposons que
l'anxiété éprouvée par l'aidant à l'annonce
est plus importante lorsqu'elle est réalisée par un
gériatre ou un neurologue que par le médecin
généraliste. La comparaison de moyenne utilisée pour
établir les résultats de notre recherche montre que le statut du
médecin n'a pas d'effet sur l'anxiété de l'aidant à
l'annonce de la maladie d'Alzheimer de son proche car le test n'est pas
significatif. Par conséquence, ce résultat ne va pas dans le sens
de notre hypothèse et l'infirme. De même, la régression
multiple montre que la variable « statut du
médecin » n'est pas prédictrice de
l'anxiété de l'aidant. Cependant, seul 20% des sujets ont
été informés de la maladie de leur proche par le
médecin généraliste, ce qui explique peut-être que
le résultat ne soit pas significatif.
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