1.2 Etude des liens entre les
déterminants psychologiques
D'après les résultats quantitatifs de notre
étude, il existe un lien entre différentes variables
indépendantes de la recherche.
Nous avons montré que la connaissance de la maladie et
la connaissance perçue sont deux variables corrélées
positivement. Cela traduit que les sujets savent reconnaître leur niveau
de connaissances sur la maladie d'Alzheimer.
Ensuite, les résultats mettent en évidence que
plus la connaissance est élevée plus la menace perçue est
importante. Cela peut paraitre contradictoire par rapport à notre
analyse puisque nous avons vu que c'est la connaissance de la maladie qui
permet de diminuer l'anxiété de l'aidant. Nous pouvons cependant
donner une explication à ce résultat : la menace
perçue et l'anxiété sont deux variables
différentes. Il s'avère cohérent, selon les recherches
établi auparavant, qu'un manque de connaissance produise de
l'anxiété chez une personne, puisqu'elle se retrouve
confrontée à une maladie chez l'autre qu'elle ne peut pas
expliquer, qu'elle ne peut pas s'approprier. Lorsque le sujet réalise
des recherches et s'informe sur la maladie, l'anxiété de
l'inconnu va alors laisser place à d'autres sentiments : le sujet
entend parler d'hérédité dans la maladie d'Alzheimer, de
perte d'identité, de transmission...le sentiment de menace perçue
augmente au fur et à mesure des connaissances sur la maladie, notamment
sur ses causes et ses caractéristiques.
Parmi les différentes variables contenus dans le
questionnaire, nous nous sommes demandé si le statut du médecin
n'avait pas un impact sur la qualité de l'annonce. Les résultats
ne montrent cependant aucun lien significatif entre ces deux variables :
le statut du médecin n'influence pas la qualité de l'annonce au
sein de notre population. Cependant, comme nous l'avons lors de l'analyse de
cette variable indépendante sur l'anxiété, le pourcentage
d'annonce par le médecin généraliste est très
faible dans notre population.
1.3 Etude de l'effet des
variables sociodémographiques et du temps écoulé depuis
l'annonce sur l'anxiété et sur le sentiment de menace
perçue
Nous avons demandé aux sujets de spécifier le
lien de parenté existant entre eux et leur proche. Nous avons choisi de
nous intéresser en ce qui concerne les variables annexes à deux
groupes : les époux et les enfants car ils représentent
93,3% de notre population.
Nous avons voulons voir si le lien de parenté avait
une influence sur l'anxiété des aidants et sur leur sentiment de
menace perçue. Les résultats mettent en évidence que
le score d'anxiété est plus élevé pour les
époux des patients que pour les enfants. Cela peut être
expliqué tout d'abord par la proximité géographique entre
l'aidant et son conjoint, puisqu'ils vivent ensemble, alors que les enfants ont
le plus souvent leur propre domicile. Ensuite, nous pouvons supposer que les
enfants des patients ont fondé une famille, ils peuvent y trouver un
certain soutien lors de l'annonce de la maladie de leur parent, et leur
quotidien, même s'il change, peut conserver certaines habitudes. Les
époux, eux, sont souvent seuls avec le patient, les enfants ont
quitté le domicile, ils ont construit leur vie de famille et ils
doivent faire face à la perte de l'être aimé comme il
était auparavant. Cela peut expliquer que l'anxiété soit
plus importante pour les époux que pour les enfants des personnes
atteintes de la maladie d'Alzheimer. Le lien de parenté ne parait pas
avoir d'effet sur le sentiment de menace perçu car les résultats
ne sont pas significatifs. Nous observons tout de même un score
légèrement plus élevé concernant la menace
perçue pour les enfants que pour les époux. Cela parait logique
puisque la menace perçue est très souvent liée à la
notion d'hérédité dans la maladie d'Alzheimer et ce sont
les enfants qui sont directement concernés par cette peur. Les
époux peuvent également ressentir un sentiment de menace mais
lié à l'âge, souvent proche de celui de la personne
atteinte par la maladie.
Ensuite, nous avons cherché à savoir s'il
existait un lien entre le sexe de l'aidant et son
anxiété à l'annonce de la maladie d'Alzheimer du
proche. Les résultats pour ces variables ne sont pas significatifs, il
n'y aurait par conséquent pas d'influence du sexe du sujet sur son score
d'anxiété. Cependant, un élément paraît
important à souligner : lorsque nous croisons les variables
« lien de parenté » et « sexe »,
nous pouvons nous apercevoir qu'au sein du groupe des époux, le score
d'anxiété est beaucoup plus élevé pour les hommes
que pour les femmes. On en déduit que les époux ressentent de
fortes inquiétudes face à la pathologie de leur femme. Nous
pouvons émettre plusieurs hypothèses ici : l'épouse
serait peut-être plus à- même de développer des
stratégies de coping de type soutien, en recherchant des informations et
la présence de ses proches (enfants, amis, activités...), alors
que le mari se renfermerait davantage sur ses propres émotions, sans
arriver à les partager et essaierait de maîtriser le
côté pratique, matériel, lié à la maladie.
Les sujets de notre étude ont été
interrogés à des temps très
hétérogènes depuis l'annonce de la maladie d'Alzheimer de
leur proche. Ce temps varie de 6 mois à parfois plus de 10 ans. Nous
nous sommes demandé si ce temps écoulé depuis
l'annonce a un impact sur l'anxiété du sujet au
moment où il remplit le questionnaire. Les résultats ne sont pas
significatifs concernant ces données, ce qui montre qu'il n'existe pas
de lien, dans notre étude, entre le temps écoulé et
l'anxiété. Cependant, nous pouvons expliquer cette non
significativité par différents éléments : les
sujets à qui l'annonce a été faite il n'y a pas
très longtemps ressentent une anxiété liée à
l'affrontement de ce qui a été dit. Nous verrons plus tard que
cela se traduit par exemple par un effondrement émotionnel. Ensuite,
avec le temps, nous pouvons supposer que l'anxiété toujours
présente se déplace sur l'évolution de la maladie,
c'est-à-dire les troubles du comportement certainement de plus en plus
importants chez le proche. Notre hypothèse sur le temps
écoulé est qu'il n'influence pas le score d'anxiété
de façon quantitative mais qu'il a peut être un impact sur le
déplacement de l'anxiété sur d'autre domaines par rapport
au moment de la découverte de la maladie. Nous nous étions
posé cette question puisque selon Selmés et Derouesné
(2007), le temps joue un rôle essentiel en ce qui concerne les
réactions des aidants à l'annonce. Les premières
réactions sont dîtes « émotionnelles »
et sont dues au choc d'apprendre qu'il s'agit d'une maladie d'Alzheimer. Ces
réactions sont à différencier avec celles qui traduisent
la prise de conscience et l'assimilation de ce que va représenter la
maladie dans la vie de l'aidant et de celle du malade. Dans le cadre de notre
étude, le temps n'a pas d'effet sur l'anxiété des aidants
mais cela n'exclut pas que le temps puisse avoir un impact sur le type de
réaction des sujets.
En conclusion sur l'analyse des résultats de
l'étude quantitative, nous pouvons dire qu'au sein de la population
étudiée, le niveau de connaissance et le sentiment de menace
perçue ont un impact sur l'anxiété de l'aidant à
l'annonce du diagnostic de la maladie d'Alzheimer de son parent. Effectivement,
plus le niveau de connaissance est faible, plus l'anxiété du
sujet est importante et plus la menace perçue est importante plus
l'anxiété du sujet est élevée. Concernant les
autres variables indépendantes, le statut du médecin n'aurait
aucun impact sur l'anxiété de l'aidant, mais la mauvaise
qualité de l'annonce jouerait un rôle pour expliquer
l'anxiété, même si celui-ci est minime comparé aux
autres variables de l'étude. Les variables étudiées sont
prédictrices de l'anxiété en expliquant 43% de la
variance, ce qui signifie que d'autres variables ont un impact sur
l'anxiété de l'aidant à l'annonce. Nous avons mis en
évidence par notre étude que le lien de parenté pouvait
jouer un rôle par exemple, en montrant que les époux sont plus
anxieux que les enfants. Par contre, le sexe de l'aidant ne parait pas avoir
d'influence sur l'anxiété de celui-ci. Il serait alors
intéressant de chercher quelles autres variables pourraient avoir un
effet sur l'anxiété de l'aidant à l'annonce du diagnostic
de la maladie d'Alzheimer du proche. Pour tenter de répondre à
cette question, nous allons analyser les résultats de l'étude
qualitative. Cependant, de futures recherches quantitatives pourraient avoir
comme objectif de mettre en évidence de nouvelles variables.
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