3.2.3 Types de réactions des aidants à
l'annonce du diagnostic
L'annonce peut être vécue sur le mode d'une
catastrophe, d'un effondrement émotionnel. L'entourage va alors
se faire un devoir de soutenir le patient en étant fort.
Pouillon montre que les sujets peuvent pleurer, avoir des
paroles conjuratoires (« c'est pas possible »), exprimer le
besoin de sortir du bureau, ou émettre un flot de questions
angoissées pour tenter de (re)prendre le contrôle de la situation.
[35]
Des angoisses peuvent alors émerger chez la
famille. Il peut s'agir d'angoisses narcissiques : l'entourage éprouve
la crainte que la pathologie soit héréditaire et pose alors au
praticien la question de la transmission (qui témoigne de la
manière dont ils perçoivent le lien à travers la
filiation). Le cas particulier du conjoint met en évidence que le
vieillissement de l'autre sert de modèle à la
représentation du vieillissement propre : il existe une dimension
narcissique du deuil de l'autre du passé. Des angoisses de type
objectales peuvent également survenir. L'expression d'inquiétudes
proches des dimensions concrètes de la réalité peuvent
permettre de contenir les angoisse en leur donnant un espace psychique et une
représentation ainsi qu'en citant des réponses opératoires
ou des actions pour s'approprier ce qui arrive.
L'aidant peut recevoir un « choc » lors de
l'annonce car celle-ci peut être trop soumise à une approche
médico-technique, à un discours objectivant, excluant le sujet de
sa singularité. L'aidant cherche alors dans une démarche de
réassurance, à trouver une cause à la
déchéance, soit en projetant sur le malade l'origine de la
démence (mode de vie) ou sur des événements (deuil par
exemple). Cette rationalisation montre le désir de l'aidant de
réintroduire du maîtrisable dans une situation qui lui
échappe complètement. L'annonce est ressentie dans ce cas par
l'aidant comme un véritable choc traumatique. Un trauma qui est une
blessure narcissique importante où se trouve bouleversé le jeu
des identifications, des images incorporées idéalisées
pendant l'enfance.
Nous pouvons observer un mouvement de régression de
l'appareil psychique familial vers des positions psychiques
indifférenciées, traduit par un refus plus ou moins
actif du diagnostic. Cette régression aura pour but de garder le
sujet au sein de la famille, de le mettre à l'abri de certains des
membres. Le problème de cette dédifférenciation
(symbiose), selon Talpin (1999), est qu'elle fait émerger chez les
non-déments la menace d'une contamination de la démence. Ce
fantasme peut conduire à des mouvements contradictoires de sur et
désinvestissements. [39]
Le déni du diagnostic est considéré par
Pouillon comme le refus de la maladie (l'entourage va dire « c'est la
vieillesse »). Une agressivité et/ou une agitation motrice
peuvent alors apparaître lors de la consultation et l'entourage peut
demander des explications exhaustives ou même menacer le praticien
d'aller chercher un deuxième avis. [35]
La démence semblerait survenir pour la famille sans
qu'elle ne s'y attende. Certaines familles refuseraient alors dans ces
conditions « volontairement » ou non de se
préparer à cette déchéance annoncée, il
s'agirait d'une forme de déni.
L'acquiescement passif est une autre
réaction possible qui se traduit par le blocage des affects, une sorte
d'état de sidération du sujet. Pouillon montre que cet
acquiescement est rarement dépassé. Il peut traduire
différents affects : un soulagement, un effondrement intérieur,
Un refus d'admettre la réalité, une incompréhension...Le
diagnostic qui constitue une blessure narcissique pour le groupe familial
s'accompagne de honte, la famille se replie sur elle même. [35]
Certains sujets, face à l'annonce d'une maladie grave,
vont chercher à réorganiser la vie du patient et la leur, montrer
une volonté de lutte contre les effets de la pathologie et
élaborer de nouveaux projets. Des changements positifs se
mettent alors en place.
Selon le Dr. Ponticaccia (CHU de Montpellier, 2004), un stress
chronique et intense peut être observé chez les aidants à
tous les stades, et ceci dès l'annonce du diagnostic. Cette
anxiété est très fréquente (jusqu'à
96% de sujets atteints selon les études) et semble liée à
deux facteurs : la multiplication des tâches après l'annonce et la
dégradation progressive du patient. Une anxiété
généralisée peut être vécue par certains
aidants déclenchée lors de l'annonce mais qui s'observe au sein
de toutes les étapes après ce moment difficile. Selon les
critères du DSM IV, l'anxiété appartient aux troubles
anxieux. Cette notion s'accompagne de soucis excessifs qui surviennent la
plupart du temps durant au moins 6 mois, concernant un certain nombre
d'événement ou d'activités. [44]
L'anxiété généralisée se
caractérise par des préoccupations difficiles à
contrôler et d'au moins trois symptômes parmi l'agitation, la
fatigabilité, un trouble de la concentration, une irritabilité,
une tension musculaire et des troubles du sommeil. L'anxiété
altère la vie sociale, familiale et professionnelle de la personne, et
ceci de manière significative. Le terme
« anxiété » est relativement flou dans la
littérature psychologique. La plupart du temps, l'anxiété
est perçue par l'individu et son entourage comme un trait de
personnalité. On évoque alors dans ce cas une
caractéristique figée, alors que le trouble anxieux correspond
à une tendance mouvante.
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