3.3 Réajustements
psychologiques des aidants : mécanismes de défenses et
stratégies de coping
Ø Mécanismes de défense
Selon Ionescu (2005), les mécanismes de défense
sont souvent désignés comme des « processus
psychologiques automatiques et inconscients ». [16]
Nous pouvons mettre en évidence deux propositions de
définitions, la première relevant du dynamisme psychanalytique et
la seconde évoquée par le DSM IV (American Psychiatric
Association, 1994-1996). Tout d'abord, pour Widlöcher (1971), la
défense apparaît comme l'ensemble des opérations dont la
finalité est de réduire un conflit intrapsychique en rendant
inaccessible à l'expérience consciente un des
éléments du conflit. Dans le DSM IV, les mécanismes de
défense sont définis comme « des processus
psychologiques automatiques qui protègent l'individu de
l'anxiété ou de la perception de dangers ou de facteurs de stress
internes ou externes ». Il s'agirait de ce fait de médiateurs
de la réaction du sujet aux conflits émotionnels et aux facteurs
de stress. [44]
Hekmiboulet (1998) montre que les mécanismes de
défense chez l'aidant lors de l'annonce sont plus ou moins
opérants selon l'intensité des conflits et des liens entre
patient et aidant. Ces réajustements peuvent aller de
l'éloignement teinté d'agressivité au maternage intensif
de la personne malade. Le groupe familial développe des réactions
(mis en oeuvre d'un système inconscient de méta-défenses)
pour se protéger en tant que structure humaine constituée. La
famille se conduit psychiquement comme tout groupe humain en appareil psychique
groupal (Kaës, 1982). [14] [19]
Le déni de la réalité est une
forme de méta-défense, il s'agit d'incapacité
fonctionnelle à entendre un diagnostic et ses conséquences. La
famille attribue alors les troubles du sujet à toute autre cause
qu'à celle de la maladie (Pitaud, 2006). « Je n'y crois pas,
le médecin s'est trompé » traduit le refus de
reconnaître le diagnostic, souvent parce que l'aidant a en tête des
images négatives de la maladie d'Alzheimer. [34]
Un autre mode de défense relève du
clivage. La banalisation du déficit permet à la famille
de ne pas concevoir le patient comme malade mais comme victime d'une
difficulté temporaire. Nous observons que les familles réalisent
un écart entre l'incapacité du proche et ce qui se passe au sein
de son cerveau.
Attribuer la maladie à une cause externe
constitue un troisième type de mécanisme de défense.
Cela permet de maintenir l'isomorphie du groupe familial.
L'aidant peut utiliser à l'annonce la fonction de
« bouc émissaire » pour désigner un
individu comme étant la cause des difficultés. La surprotection
du malade et les anticipations sur ses incapacités sont souvent le
support de ce mécanisme de désignation. Ici, l'aide
apportée devient la cause de l'incapacité (Pitaud, 2006). [34]
D'autres mécanismes de défense comme
l'humour, l'anticipation, la recherche de soutien envers
des proches...peuvent être utilisés car tout dépend
des caractéristiques propres de l'individu, de l'environnement qui
l'entoure et des interactions qui s'effectuent entre les deux.
Ø Stratégies
de coping
Trois types de stratégies de Coping (stratégies
de « faire face ») peuvent émerger, en lien ou non
avec l'utilisation des mécanismes de défense. Pour Lazarus et
Folkman (1984), le terme de coping fait référence à
l'ensemble des efforts cognitifs et comportementaux destinés à
maîtriser, réduire ou tolérer les exigences internes ou
externes qui menacent ou dépassent les ressources d'un individu. Les
stratégies de coping auraient deux fonctions principales : elles
peuvent permettre à l'individu de modifier le problème qui est
à l'origine du stress ou lui permettre de réguler les
réponses émotionnelles associées à ce
problème. [23]
Il existe différents types de coping (Paulhan et
Bourgeois, 1995) :
- Coping centré sur le
problème : Ce coping permet la résolution du
problème de manière immédiate si une possibilité
existe ainsi que l'affrontement de la situation. Il peut s'agir de la recherche
d'informations, de l'élaboration de plans d'actions, des efforts et des
actions directes. Par exemple, l'introduction progressive d'un aidant
professionnel ainsi que l'élaboration d'un projet institutionnel va
avoir pour effet de diminuer l'angoisse face à l'avenir (dépend
de nombreux facteurs comme par exemple l'aisance financière des
familles, car la prise en charge par des professionnels s'avère
être onéreuse).
- Coping centré sur
l'émotion : peut se manifester par une minimisation de la
menace, une prise de distance (ex : j'ai fait comme si rien ne
s'était passé), une réévaluation positive
(ex : je suis sortie plus forte...), l'auto-accusation, le recherche de
soutien émotionnel et social.
- Coping évitant : les aidants qui
utilisent cette stratégie ne fuient pas en général la
situation problématique mais nient en revanche souvent sa
gravité ainsi que leur épuisement. Le sujet utilise des
stratégies passives (évitement, déni,
résignation...) pou réduire la tension émotionnelle.
- Coping vigilant : les aidants vont
développer des stratégies actives (par la recherche
d'informations, de soutien social, de moyens...) d'affronter la situation pour
la résoudre. [30]
Nous pouvons considérer que ces défenses et
stratégies de coping font parties d'un continuum défensif allant
de mécanismes inconscients à des stratégies volontaires et
conscientes. Il n'existe pas de ligne de démarcation précise les
séparant.
Le parent malade et l'aidant doivent vivre avec la souffrance.
Pour échapper à la douleur, l'accompagnant peut aussi utiliser
une organisation basée sur le mode opératoire : le
« faire » domine la rencontre et tient à
l'écart les émotions douloureuses, l'agir et le factuel
l'emportent sur l'empathie et insensiblement la relation se
« dépsychise » et se
« déshumanise » parfois jusqu'à la
maltraitance (Pitaud, 2000). [34]
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