Handicap psychique et insertion professionnelle, enjeux humains et institutionnels, un changement nécessaire( Télécharger le fichier original )par Nadine LE NUZ IRIS, Institut Régional en Intervention sociale - CAFERUIS 2008 |
3.4 Favoriser l'expression des usagersLa plupart des institutions accueillant des personnes n'ayant pas ou peu accès au langage se heurtent à cet aspect de la loi 2002 parce qu'elles ne savent pas comment donner une place à la parole de l'usager quand le handicap restreint sa capacité à se faire entendre. A l'ESAT, la problématique se situe à un autre niveau que celui du langage et de la compréhension. Pour moi, et dans ce contexte particulier, favoriser l'expression des usagers va au delà de la mise en oeuvre des outils prévus par la loi 2002. Elle nécessite de repenser les modes de communication et de modifier la conception que les professionnels se font de l'usager et du rôle qu'il a à jouer dans son parcours et dans l'institution. Les travailleurs de l'ESAT ont démontré, par l'intermédiaire du questionnaire et par la participation de certains à la grille d'évaluation et l'élaboration de leur projet, qu'ils étaient en capacité de comprendre et d'analyser les pratiques de la structure et en mesure de se poser en tant qu'acteur de leur parcours même si cela nécessitait un ajustement par rapport à leur pathologie. La mise en place de telles actions ont fait surgir des réticences et résistances de quelques membres de l'équipe à l'égard d'un mode relationnel qui nécessite le développement de réponses particulières du fait de sa nouveauté. Les réticences formalisées sont à entendre et comprendre car elles s'appuient sur l'observation continue de personnes fragilisées par les fluctuations de la maladie. Les résistances sont apparues parce que l'introduction de telles pratiques remet en cause les bases du rapport aidant/aidé, inscrit dans le champ du médico-social depuis des décennies. La libération de la parole de l'usager et le renforcement de ses droits exposent le salarié à un contre pouvoir et « interroge en profondeur les modalités et la nature de la relation entre professionnels et usagers »33(*). Mon rôle de cadre intermédiaire est d'entendre et comprendre les réticences et de faire tomber les résistances car le cadre définit par la loi se doit d'être appliqué même s'il nécessite des ajustements. De plus, j'ai démontré que ce mode de communication avec l'usager, sur les différentes prestations proposées, apportait des informations qualitatives et construisait une relation plus équitable ne remettant pas en cause, pour le moment, le rapport usager/salarié. Les travailleurs de l'ESAT ont simplement révélé des ressources qui ne demandaient qu'à être utilisées et valorisées. Cependant à terme, les nouvelles conditions de prises en charge vont avoir des conséquences sur la responsabilisation de l'usager. La loi 2002 est très claire à cet égard en indiquant que « la participation directe de l'usager à la conception et à la mise en oeuvre du projet d'accueil et d'accompagnement qui le concerne sera recherchée ». De plus le contrat de soutien et d'aide par le travail va modifier considérablement les rapports entre usagers et professionnels et ces derniers doivent les intégrer comme un nouveau processus relationnel parce qu'il leur est demandé de modifier leurs représentations et leurs pratiques. * 33 Diriger un établissement ou un service en action sociale et médico-sociale, ouvrage collectif coordonné par M.JAEGER, éditions Dunod, avril 2007, page 234 |
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