2.2. Guérilla, street, viral, buzz... : quel
cafouillis !
Il est difficile de classer les actions de marketing
alternatif dans des catégories bien distinctes. De fait, elles
s'entremêlent et les effets attendus par ces techniques sont identiques.
Au cours de nos recherches, nous avons constaté qu'il existait
différentes conceptions de ces termes, ce qui provoque une certaine
confusion que nous tenterons d'éclaircir.
Plus qu'un phénomène de mode, le guérilla
marketing est une réponse aux problèmes que rencontre l' «
interruption marketing ». En 1982, Jay Conrad Levinson fut le premier
à utiliser le terme de « guérilla marketing » dans un
ouvrage du même nom. D'après lui, il s'agit « d'atteindre
des objectifs de marketing classiques [...] avec des méthodes non
conventionnelles » (LEVINSON, 08.07.2007). Christophe Da Silva,
consultant en stratégie webmarketing, étaye cette
définition en précisant qu'il s'agit d' « une
stratégie commerciale visant à obtenir le maximum d'impact
(visibilité et efficacité) pour un minimum d'investissement
(toutes proportions gardées, bien évidemment) » (DA
SILVA, 03.2007). Toute la subtilité du guérilla marketing
réside dans la capacité de « faire de la pub sans en
avoir l'air, tout en marquant les esprits » (Soir (Le), 02.12.2006).
Il se présente sous la forme d'un « teasing » qui renvoie, la
plupart du temps, sur un site Internet complètement indépendant
de celui de l'annonceur. En effet, si le consommateur était
relayé sur le site Internet de la marque, il s'agirait d'une
publicité classique. Par contre, lorsqu'une forme de mystère est
maintenue autour de la marque, il se pose des questions, se renseigne et attend
avec impatience la fin de la campagne qui lui révèlera le nom de
l'annonceur. Ce maintien dans l'attente est nommé marketing viral que
nous définirons plus tard dans le présent travail.
Dans le grand ensemble des techniques regroupées sous
le nom de guérilla marketing, se retrouve le street marketing. Les
spécialistes de la communication commerciale s'accordent sur son mode
d'utilisation : « les marques descendent dans la rue »
(WIZMAN, 28.10.2006) afin de se rapprocher de leur cible. Les hommes-sandwich
arpentaient déjà, il y a quelques décennies, les rues,
arborant des cartons publicitaires. Le street marketing mêle des
techniques promotionnelles très variées telles que la
distribution de flyers ou d'échantillons, mais aussi « la
théâtralisation de cette distribution en passant par l'implication
du consommateur » (VALEMBERT, cité par WIZMAN, 28.10.2006).
« Il s'agit d'un véritable canal qui mixe toutes les techniques
de communication » (HÉRY, cité par Journal du Net,
10.2003). Rencontrer le consommateur
« au bon endroit, au bon moment pour diffuser le bon
message » (VALEMBERT, cité par WIZMAN, 28.10.2006) est le type
d'action qui connaît un franc succès. Si la marque attise la
curiosité de sa cible, celle-ci se sent titillée et
émettra le désir d'en savoir plus.
Guérilla et viral4 marketing sont parfois
utilisés conjointement. Attirer l'attention du consommateur et
éveiller sa curiosité est déjà ambitieux, mais
maintenir cet état de questionnement relève d'un challenge. C'est
par ce moyen que l'annonceur a la possibilité d'établir une
réelle relation avec le consommateur. Ensuite, une fois que le
consommateur est convaincu par la marque, cette dernière devra
entretenir l'interactivité qu'elle aura développée. Mais
avant de nous étendre plus longtemps là-dessus, illustrons
à l'aide d'exemples ce qu'est le marketing viral.
Voici deux exemples récents de guérilla marketing
en Belgique : la naissance de Brussels Airlines d'une part et SOS Mambo de
Renault d'autre part.
Il s'agit ici de l'opération de street marketing
menée en novembre 2006 pour annoncer la naissance de la compagnie
aérienne Brussels Airlines. De grandes tétines furent
disséminées un peu partout dans la Belgique pour attirer
l'attention des consommateurs. Seul indice laissé par l'annonceur : un
site Internet.
4 Brièvement, il s'agit d'un événement
autour duquel est maintenu une sorte de mystère. Il s'agit d'une forme
de bouche-à-oreille où le consommateur est
considéré comme vecteur de communication. Nous nous y attarderons
plus en détails plus loin dans le travail.
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Voici l'affiche placardée partout en septembre 2006
pour annoncer l'évasion de Mambo, l'éléphanteau
âgé de deux ans. À nouveau, seul un site Internet permet au
consommateur curieux d'en savoir plus.
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Le site Internet ne fournit pas forcément plus
d'informations sur l'opération en cours. Dans le cas de Brussels
Airlines, il s'agissait d'une compilation de vidéos
hébergées sur YouTube où un savant-fou élaborait
toutes sortes de théories pour expliquer le phénomène de
l'apparition de ces tétines. Le suspense était ainsi
conservé. Le visiteur pouvait d'ailleurs, grâce au logiciel Google
Earth, deviner où la prochaine tétine tomberait. Quant à
la campagne guérilla de Mambo, le site Internet proposait un jeu
interactif pour retrouver l'éléphanteau dans le cirque. Au fur et
à mesure du jeu, l'animal révélait des indices sur
l'endroit où il se trouvait. L'internaute avait également la
possibilité de participer à un concours où celui-ci devait
deviner où Mambo se cachait. Nous constatons alors que dans toutes ces
actions, le consommateur est maintenu dans une forme d'attente, ce qui favorise
un lien continu avec lui.
Le marketing viral est, selon Emmanuel Vivier, expert en viral
et buzz marketing, une « action marketing cherchant à propager
et amplifier rapidement un message entre les consommateurs de manière
exponentielle » (VIVIER, 07.11.2006, 13). Son nom fait
référence à une « propagation similaire à
un virus » (VIVIER, 07.11.2006, 13) : une fois qu'une personne
l'attrape, elle le transmet à d'autres. Pour en revenir au marketing
viral, c'est le phénomène très connu du
bouche-à-oreille qui est, de nos jours, « multiplié par
mille grâce à Internet » (HASSEL, cité par
Groupement Romand du Marketing, 08.02.2006). En effet, il existe de nombreux
supports qui facilitent cette
propagation d'informations. Nous pouvons notamment citer
« [les] mini-sites, [les] blogs, [des] « chats », [les]
forums, [les] cartes virtuelles, [les] newsletters, [les] sondages en ligne,
[les] vidéos, [les] coupons rabais, [les] jeux, [les] concours etc.
» (HASSEL, cité par Groupement Romand du Marketing,
08.02.2006) parmi les moyens de communication les plus répandus sur
Internet. Ceux-ci présentent un avantage non négligeable : la
mesurabilité. Ils permettent, d'une part, « de mesurer
l'efficacité des campagnes publicitaires ou la popularité d'un
produit » (HASSEL, cité par Groupement Romand du Marketing,
08.02.2006), d'autre part, « de s'informer sur les opinions des
consommateurs [...] qui s'expriment sur les blogs ou les forums »
(HASSEL, cité par Groupement Romand du Marketing, 08.02.2006). Tout
ceci, en temps réel !
Bien que le marketing viral soit souvent assimilé au
buzz marketing, Emmanuel Vivier les considère comme différents.
En effet, d'après lui, le buzz marketing est la « diffusion de
l'information vers le consommateur grâce à un
événement ou une action spectaculaire, originale et
mémorable associée à une marque » (VI VI ER,
07.11.2006, 13). Sur un site Internet élaboré par les agences de
communication et de web management, respectivement Cible et Defimedia : «
Chuuuut... Le marketing de la rumeur Buzz », une extension de
cette définition est proposée. Une campagne de buzz marketing
repose sur « le principe que les prospects sont impliqués dans
une sorte de jeu, de suite d'événements leur permettant de se
rapprocher de plus en plus du produit qu'on cherche à leur vendre, de la
marque qu'on cherche à leur faire adopter » (Cible &
Defimedia, 09.07.2007). Lorsqu'elle est réussie, ce type d'action «
génère du bouche-à-oreille et des retombées
média » (VIVIER, 07.11.2006, 13). Ce fut notamment le cas pour
la « fuite » de Mambo. Alexandre Bouglione, directeur du
cirque5, « s'est plaint ouvertement » (Libre
Belgique (La), 12.09.2006) à propos de cette action car beaucoup de gens
l'ont contacté pour lui demander des nouvelles de Mambo.
D'après Emmanuel Vivier, une campagne de buzz marketing
doit répondre à certains critères pour être
efficace. Dans la conférence qu'il a tenue le 7 novembre 2006, il a
énoncé sept best practices (VIVIER, 07.11.2006, 23-35). Nous ne
les citerons pas exhaustivement pour éviter de paraître
redondants. Parmi les points qui nous semblent encore non
évoqués, citons notamment le fait que certaines opérations
de buzz marketing proposent aux consommateurs de s'impliquer dans la campagne.
Le spécialiste du buzz marketing va plus loin dans sa réflexion
et suggère aux entreprises de donner les moyens aux consommateurs de
réagir à travers un blog d'entreprise, par exemple.
5 L'action de guérilla s'est effectivement
déroulée pendant la période où les cirques
s'installent en ville.
Pour le reste, Andreas Hassel, directeur général
d'une agence de webdesign suisse (Prezenz), considère, quant à
lui, qu'il existe deux techniques virales : la recommandation et
l'encouragement. La première « incite à relayer
spontanément l'information » (HASSEL, cité par
Groupement Romand du Marketing, 08.02.2006). Ce procédé ne
fonctionne qu'à la seule condition que « l'information [soit]
de qualité exclusive, humoristique et novatrice » (HASSEL,
cité par Groupement Romand du Marketing, 08.02.2006). La seconde «
est une forme de rétribution » (HASSEL, cité par
Groupement Romand du Marketing, 08.02.2006). Celle-ci doit être «
à la hauteur de l'investissement, valoriser le rôle du
transmetteur ainsi que faciliter la participation et la transmission
» HASSEL, cité par Groupement Romand du Marketing,
08.02.2006).
Malgré la confusion qui existe entre les termes
désignant certaines actions propres au marketing alternatif, nous nous
sommes attachés à leur fournir une définition afin de les
différencier. Cependant, nous constatons toujours une forte ressemblance
entre guérilla et street marketing, de même qu'entre buzz et viral
marketing.
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