Le micro-crédit en droit français et en droit cambodgien( Télécharger le fichier original )par Vannak NHEAN Université Jean Moulin Lyon 3 - DEA de Droit des affaires 2006 |
INTRODUCTION« Micro credit, a macro idea1 » 1. - « Micro credit, a macro idea ». Le slogan énoncé à l'occasion du Sommet mondial du micro-crédit en février 1997 à Washington2, explique parfaitement l'importance et la reconnaissance du micro-crédit comme étant une nouvelle forme innovante dont l'objectif est de permettre à des personnes exclues du système bancaire d'accéder à un crédit afin d'entreprendre une activité génératrice de revenus et de réduire, par conséquent, la pauvreté. Cette reconnaissance est doublement remarquée, d'une part, par l'adoption de l'année 2005 comme l'Année internationale du micro-crédit et par le Sommet global du micro-crédit en 2006 à Halifax3, et d'autre part, par l'attribution du 13 octobre 2006 du prix Nobel de la paix au professeur Mohamad Yunus4 et à sa banque, la Grameen Bank. Cet engouement a suscité beaucoup de réflexions sur la réalité de l'efficacité du microcrédit quant au rôle qui lui est confié. Economiquement et socialement utiles et séduisants, les débats ne portent pas, par ailleurs, clairement sur ses aspects juridiques, de sorte qu'on pourrait douter de la place du micro-crédit en droit positif. Malgré cette observation, le micro-crédit, inventé par les économistes, a pénétré implicitement dans le domaine juridique. Cette recherche constitue donc une contribution au débat politique législatif concernant le micro-crédit dans un contexte comparé entre le droit français et le droit 1. Hillary ClINTON : littérairement « le micro-crédit, une macro-idée » : V. « Le microcrédit du tiers-monde aux Etats-Unis », in Le monde, 10 juin 1997. 2 . Ce sommet est organisé à l'initiative de M. le professeur Yunus. Il a permis à des milliers de personnes engagées dans leurs pays, du Sud, de l'Est et du Nord, de prendre conscience de l'importance de leur action et de décider d'éradiquer la pauvreté du monde au moyen de micro-crédit. - V. Micro-credit Summit International, Février 1997, Plan of action, Washington, p. 40.
cambodgien.
5. OULD NEMINE Ahmed, Le rôle du micro-crédit dans le financement du développement, thèse de l'Université de Nice, 15 décembre 2004, p. 27 et 60-80 : « Il a été énoncé que ce dualisme de secteur est la conséquence de la répression financière, et la libéralisation financière est la mesure qui permet d'éradiquer le secteur informel. Toutefois, d'autres approches (les néo-structuralistes) concluent que l'existence en parallèle des deux systèmes est nécessaire, d'autant plus que ces systèmes sont plus complémentaires que concurrents ». 6 . Lettre verninmen.net, l'actualité micro-finance, Décembre 2006, n°53 ; Laurence SCIALOM, Economie bancaire, Collection repère, 1999. 7. E. LITTLEFIELD et R. ROSENBERG, « Une démarcation de plus en plus réduite entre la microfinance et secteur financier formel », in Le Rapport moral sur l'argent dans le monde, éd. Association d'économie financière, 2006, p. 139-149. classique, elles sont tributaires du secteur de financement informel.
important pour les personnes désireuses de créer leurs activités indépendantes et donc de trouver leurs citoyennetés économiques8. C'est précisément cet obstacle et le souhait de faire de ces personnes des acteurs économiques comme les autres que le micro-crédit se propose de surmonter. Ce nouveau concept s'adresse donc aux personnes n'ayant pas accès au système financier classique. La compréhension du développement du concept de microcrédit réside dans son histoire. 6. - La genèse du micro-crédit. On a l'impression que tout a commencé en février 1997 quand s'est tenu à Washington le premier Sommet mondial du micro-crédit, sous le patronage de l'ex-Président Bill Clinton, qui a pour objectif d'atteindre cent millions de familles parmi les plus pauvres de la terre d'ici 2005. En réalité, même si on ne parle du micro-crédit que depuis ces vingt dernières années, il s'inscrit, en revanche, dans une histoire un peu plus longue. L'histoire de micro-crédit remonte aux années 1 8409. Mais il fut redécouvert dans les années 1970, cent ans après la naissance de première coopérative d'épargne-crédit initiée par Raiffeisen. Il est donc difficile d'en accorder la paternité au professeur Yunus. F. W. Raiffeisen lança en 184810, en Rhénanie, la première coopérative de crédit pour lutter contre l'usure qui surchargeait les paysans. Contrairement aux Monts-de-Piété11 remontant au Moyen-âge en 1462, les coopératives d'épargne et de crédit ne sont pas des entreprises de prêt sur gage mais de véritables intermédiaires financiers. La première raison de cette coopérative était la prise en compte des pratiques usuraires. Ici comme ailleurs, les paysans empruntent, en argent ou en nature, surtout dans les mois qui précèdent la récolte, à un commerçant, à un prêteur professionnel, à des taux exorbitants pouvant atteindre 50 à 100% pour une durée qui n'importe pas mais qui est toujours courte. La coopérative avait pour premier but d'offrir des cautions mutuelles aux banques afin que ses membres puissent évoluer vers la collecte de l'épargne pour pouvoir prêter directement 8.Semaine du microcrédit, Lancement du Fonds de cohésion sociale, Mardi 5 avril 2005 : www.cohesionsociale.gouv.fr. 9. Jaques ATTALI, « La micro-finance, aujourd'hui », in Le rapport moral sur l'argent dans le monde, éd. Association d'économie financière, 2006, p. 153 ; Maria NOWAK, « Le micro-crédit en France et en Europe », in Le rapport moral sur l'argent dans le monde, éd. Association d'économie financière, 2003-2004, p. 429 (cet auteur précise que le micro-crédit tel qu'il s'est développé en Asie et en Amérique latine, depuis les années 1970, n'est qu'une résurgence des mêmes idées existantes et développées par Raiffeisen au milieu du XIXème siècle). 10 . Laurent LHERIAU, Précis de réglementation de la micro-finance, tome I : le droit financier et la micro-finance, AFD, 2005, p. 19-22. 11. Pour une histoire des Monts-de-Piété et du Crédit Municipal, voir le site Internet du Crédit Municipal de Paris : http://www.creditmunicipal.fr/. à leurs membres. Elles furent à l'origine de toutes les banques mutualistes d'Europe. La conception du micro-crédit fut redécouverte et s'est manifestée avec la création de la Grameen Bank12, une banque rurale bénéficiant d'un statut spécial, au Bangladesh en 1976. Après une terrible famine, un professeur d'université, Mohamed Yunus, a l'idée d'accorder de petits crédits13 à quelques groupes de femmes pauvres pour les aider à développer une activité qui leur procure un mode ste revenu. Accordé pour un an au taux de 20%, il commence à être remboursé dès la deuxième semaine par celle qui a emprunté ou par ses comparses, car le groupe comprenant cinq personnes « comme les cinq doigts de la main » avec la caution solidaire de tous les membres. Si l'une des femmes ne remboursait pas à l'échéance, le groupe devait le faire à sa place. Sinon, il était privé de tout autre crédit postérieur. Lorsque le premier crédit sera remboursé, une autre femme pourra emprunter à son tour, et ainsi de suite. Quand toutes auront emprunté et remboursé, elles pourront emprunter un peu plus. Cette formule est basée sur un groupe dont les membres se connaissent bien. La méthode de Grameen Bank s'adaptait parfaitement à la situation des zones rurales du Bangladesh. Il montre donc que les pauvres et notamment les femmes de paysans sans terre sont « un bon risque bancaire », c'est-à-dire que les pauvres, n'ayant pas d'autres alternatives, font tout pour rembourser correctement leur crédit, si on sait s'adapter à leurs conditions (petits crédits avec des montants progressant régulièrement si le remboursement s'effectue intégralement, etc.). Cette façon de faire le crédit a été reprise aussi bien dans beaucoup de pays du Sud que dans des pays du Nord. Le micro-crédit se développe rapidement et constitue désormais l'une des préoccupations de la communauté internationale qui proclame la mise en place d'un « système financier ouvert à tous ». Il fait aussi partie de la politique de l'Union européenne qui a, à travers la Commission européenne, adopté des mesures politiques pour promouvoir l'utilisation du micro-crédit en Europe à des fins d'inclusion sociale14. En 2003, un réseau européen de micro-finance qui regroupe à ce jour 28 institutions les plus diverses s'intéresse particulièrement au micro-crédit. 7. - Le développement du concept du micro-crédit : de micro-crédit à la micro-finance. 12 . Le site officiel de la Grameen Bank (en anglais) : www.grameen-info.org. 13 . M. YUNUS a donc décidé de prêter « de sa poche » l'équivalent de 24 € (27 $) à un échantillon de 42 femmes parmi les plus pauvres, à la condition qu'elles rentrent dans un cycle économique générant un revenu quotidien. L'expérience fût un succès puisque la totalité des débitrices remboursèrent leur prêt grâce à leur activité. 14 . Commission européenne, Des mesures politiques pour promouvoir l'utilisation du micro-crédit en Europe à des fins d'inclusion sociale, Conclusions des études politiques, 2005. Pour beaucoup de personnes et pour le grand public en particulier, la micro-finance se confond avec le micro-crédit. Si le micro-crédit demeure l'instrument de base, son succès entraîne de nouveaux besoins. C'est ici qu'entre en jeu la micro-finance. La micro-finance recouvre, désormais une gamme de services plus large, l'ensemble des services financiers offerts aux pauvres, aux populations mal desservies. Auparavant, les services de microfinancement étaient essentiellement axés sur l'octroi de prêts très modiques (le micro-crédit) aux pauvres pour les aider à entreprendre des activités productives. Mais au fil du temps, les services de microfinancement se sont étendus pour couvrir un large éventail de services financiers pour répondre aux besoins de personnes mal desservies. Les besoins de ceux qui empruntent ne sont pas seulement un besoin d'argent, à des conditions ou selon des modalités qui peuvent varier sensiblement. C'est un besoin d'autres services qui sont habituellement associés au crédit. Il en est trois qui accompagnent le micro-crédit et qui constituent avec lui la micro-finance15. Ce sont la micro-épargne, la microassurance16 et le transfert de l'argent. C'est l'ensemble de ces services qui définit la micro-finance. Elle signifie la distribution de services financiers notamment le crédit et les épargnes aux familles pauvres, familles ayant des revenus modestes et les petites entreprises17. Toutefois, la micro-finance se résume pratiquement dans les pays industriels, comme en France, à l'octroi du micro-crédit. Il s'agit d'un système financier hybride qui combine à la fois les caractéristiques du secteur formel et celles du secteur informel.
15. M. LEPART, De la finance informelle à la microfinance, éd. Archives contemporaine, AUF, 2005, p. 53. 16 . Marie CADOUX, « l'assurance au service des microentrepreneurs », l'argus de l'assurance, n°7006, 22 décembre 2006. 17 . L'article 2 du Prakas (arrêté de la Banque Nationale du Cambodge) n°7-01-49 Prorkor du 25 février 2002 sur l'agrément et l'enregistrement des IMF, qui remplace le PraKas n° 700-06 Pror Kor du 11 janvier 2000 sur l'attribution de l'agrément aux établissements de micro-finance (J.O du 15 janvier 2000, n° 2, page 66). du pays. Il s'agit tout simplement de revenir à son essence, à son objectif, à son formidable esprit d'initiative et d'innovation. Le micro-crédit est importé en France dans un contexte de chômage, d'exclusion financière, alors qu'il est importé au Cambodge dans un contexte de pauvreté et surtout dans le cadre du programme de développement. 10. - Le contexte du micro-crédit en France18. Si la France est un pays fortement bancarisé, 80% des ménages français ont recours pour tout paiement supérieur à 100 euros à des moyens de paiement, une partie de la population, estimée à près de cinq millions d'habitants19, reste en situation d'exclusion bancaire. Une partie importante de la population n'a pas accès au crédit. Or, l'accès au crédit est un moyen déterminant de la citoyenneté économique. Le marché français de micro-crédit est jugé sous-dimensionné par rapport aux besoins. Désormais, le micro-crédit piétine en France. La crise dans les banlieues de novembre 2005 a suscité l'implication du gouvernement dans le projet d'exclusion financière. En outre, le prix Nobel de la paix attribué au M. Yunus constitue un nouvel élan de lutte contre l'exclusion financière. 10-1. - La dynamique française du micro-crédit qui conjugue la mise à la disposition d'un financement et d'un accompagnement personnalisé a déjà prouvé son efficacité à travers des structures comme l'Association pour le droit à l'initiative économique (ADIE)20, France Active, France Initiative Réseau et le Réseau Entreprendre21. En France, avant la création de l'Association pour le droit à l'initiative économique, il n'y avait aucune association de micro-crédit ou de lutte contre l'exclusion financière. Au début, l'ADIE travaillait en partenariat avec les établissements de crédit en partageant avec ces derniers les risques du crédit à hauteur de 70%. En cas de défaillance du débiteur, l'ADIE s'engage à racheter la part du risque supporté par les banques. Cette forme de partenariat est toujours encouragée du fait qu'il procure des avantages incontestables. De nouvelles 18 . Maria NOWAK, on ne prête pas (que) aux riches, JC Lattès, 2005, p. 142 et s. 19 . in Le monde du 10 juin 2004. 20 . L'Association pour le droit à l'initiative économique est une association qui a été créée suivant le modèle de la loi de 1901. Son rôle est exercé conformément à la disposition dérogatoire au monopole bancaire en matière d'opérations de crédit. Il s'agit d'un principal acteur du micro-crédit, créé en 1989 à l'initiative de madame Maria NOWAK. Elle a accordé 6 740 crédits en 2005, en hausse de 20% mais ne répondant qu'à environ 10% des demandes. 21 . Ces organismes sont des organismes de finance solidaire. La finance solidaire désigne l'ensemble des dispositifs de financement destinés à soutenir la création ou le développement d'activités socialement utiles, à partir des instruments de l'épargne et de l'investissement solidaires. Ces opérateurs de la finance solidaire mettent en fait à la disposition des créateurs des quasi-fonds propres destinés à servir de levier au crédit bancaire. V. Sylvain ALLEMAND, La microfinance n 'est plus une utopie !, édition Autrement, 2007, p.1 92. formes de mécénat ont été mises en place22. Avec l'amendement de l'article 11 de la loi bancaire de 198423, elle peut désormais emprunter pour reprêter à ses clients directement. Cet amendement encourage le développement du micro-crédit. 10-2. - En raison de la montée en puissance du micro-crédit en France, le gouvernement veut bâtir une politique publique pour lutter contre l'exclusion financière et mobiliser les grandes banques. Le lancement du Fonds de cohésion sociale (FCS) créé par la loi Borloo du 18 janvier 200524 à l'occasion de la Semaine du micro-crédit montre bien cette politique. Cette loi crée une nouvelle typologie du micro-crédit, dite de micro-crédit social. La naissance en France du micro-crédit social, appelé par certains, des « prêts à la consommation sociaux25» est une avancée, modeste mais incontestable dans la lutte contre l'exclusion financière. Toutefois, le débat sur le surendettement des particuliers ne manque pas puisque les particuliers, bénéficiaires de ces crédits sociaux, sont déjà, par définition, en situation financière très difficile26. Cette invention suppose en plus de revoir la définition du micro-crédit. Le lancement de la Semaine du micro-crédit en avril 2005 constitue bien une promotion du micro-crédit en France. 11. - Le contexte du micro-crédit au Cambodge27 . Le système bancaire cambodgien a été réduit à néant à l'époque des Khmers rouges (1975-1979). 90% de la population n'a pas accès au prêt classique. Aucune banque de développement n'existait à la sortie du régime Khmer rouge. Ainsi, dans les années 90 après les Accords de Paris en 1991, les ONG ont commencé à proposer des services de micro-crédit aux populations démunies des zones rurales, dans le cadre du programme de développement. La plus importante ONG spécialisée dans le financement de proximité est l'Association des agences de développement économique local, mieux connue sous l'acronyme anglais ACLEDA28, qui a été créée en 1993 avec le soutien du PNUD (Programme des Nations Unies de 22 . Patrick SAPY, « Réseaux bancaires et micro-crédit : vers de nouvelles formes de mécénat », Banque, juin 2005, p. 27-28. 23 . L'article 19 de la loi n°2001 -420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques (NRE) modifiant l'article L.51 1-6 du Code monétaire et financier (J.O 16 mai 2001). 24 . L'article 80-III de la loi n°2005-32 du 18 janvier 2005 de Programmation pour la cohésion sociale (J.O du 19 janvier 2005, modifié par l'article 26 de la loi n°2006-339 du 23 mars 2006 (J.O 24 mars 2006). 25. Anne MICHEL, « Naissance en France des prêts à la consommation sociaux », in Le monde, 6 janvier 2006 26 . V. infra, n° 76-77. 27 . « Micro finance of Cambodia », National Bank of Cambodia, 2006. 28 . Pour en savoir plus : www.gdrc.orf/icm/country/acleda-base.html (page sur ACLEDA). développement). Elle est devenue une banque spécialisée en 2000. Il est à noter que le micro-crédit mené par les ONG dans les années 90 n'était pas réglementé puisqu'il est appliqué avant l'adoption même de la loi sur les institutions bancaires et financières du 18 novembre 1999. Aujourd'hui, le micro-crédit est affiché comme une priorité du gouvernement et sa réglementation constitue une question d'actualité. 12. - Le micro-crédit doit-il être soumis au régime du droit commun du crédit ou faut-il adopter une réglementation spécifique ? L'ADIE ne pouvait que fonctionner en vertu du deuxième alinéa de l'article L. 511-6 du Code monétaire et financier. Elle ne pouvait donc pas emprunter pour prêter. Cette possibilité est reconnue par l'article 19 de la loi NRE du 15 mai 200129 qui ajoute un alinéa 5 à l'article L. 511-6 précité. Cette loi traduit la reconnaissance de l'importance du micro-crédit par le législateur. Toutefois, il n'a pas utilisé la terminologie du micro-crédit. Il en est de même en droit cambodgien. L'article 2 du Prakas n°7-01-49 Prorkor du 25 février 2002 « sur l'agrément et l'enregistrement des Institutions de la micro-finance (IMF) », qui dispose que « la micro-finance signifie la distribution des services financiers notamment le crédit et les épargnes aux familles pauvres, familles ayant des revenus modestes et aux petites entreprises », utilise simplement le mot « crédit ». De cette constatation on peut déduire que le législateur n'a pas voulu adopter une règle spécifique pour le micro-crédit. Ce dernier doit être intégralement soumis au droit commun. Cependant, il exerce une influence très importante dans le changement de la politique législative surtout en matière de taux d'usure. La libéralisation des taux d'intérêts des crédits aux entreprises individuelles constitue une mesure typiquement du micro-crédit30. Le législateur cambodgien comprend mal qu'il est très libéral sur ce point. En effet, l'interrogation sur l'applicabilité du Prakas du 15 mars 1995 sur la libéralisation des taux d'intérêts pour les banques commerciales aux opérateurs du micro-crédit permet de comprendre que le taux d'intérêt du micro-crédit est touj ours plafonné en droit cambodgien. Toutefois, la libéralisation de taux d'intérêt en matière de crédit constitue un atout principal pour les opérateurs du micro-crédit. En pratique, le taux d'intérêt du micro-crédit est beaucoup plus élevé que celui pratiqué par les banques classiques. On peut donc se demander pourquoi ce taux est si élevé si l'objectif du micro- 29 . Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques (J.O n° 11 3 du 16 mai 2001 page 7776). Cet article est intégré dans l'article L. 511-6 du Code monétaire et financier. 30. Sénat - Séance du 13 juin 2005 et l'exposé des motifs de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises (J.O n° 179 du 3 août 2005 page 12639). crédit est d'aider les personnes dont la situation financière est très modeste à sortir de la pauvreté ou du chômage. Toute la difficulté de la réglementation consiste donc à concilier deux objectifs qui sont apparemment contradictoires : l'objectif social et la recherche de la viabilité financière.
et doit avoir un effet de levier sur la réduction de la pauvreté et du chômage notamment par la création d'emplois et de revenus, ce qui caractérise l'impact économique du microcrédit. Or, cet impact économique n'est pas significatif au Cambodge en raison du très faible montant des prêts qui ne permet pas un investissement important et du comportement même des emprunteurs. Il permet à des personnes normalement exclues du financement ou des systèmes financiers d'y avoir accès. L'impact financier n'est donc pas non plus négligeable dans un contexte où les banques commerciales ne s'implantent pas dans les zones rurales. Le micro-crédit peut également contribuer au renforcement de liens sociaux et au pouvoir des femmes. Or, le débat sur la prévention de surendettement est grand du fait que les bénéficiaires du micro-crédit sont par hypothèse des personnes dont la situation financière est très modeste. Ce débat est alimenté par l'innovation du micro-crédit social, qualifié de micro-crédit à la consommation par opposition au micro-crédit professionnel. 15. - L'énoncé du plan. L'importance de l'étude de l'aspect juridique du micro-crédit consiste à expliquer juridiquement de quoi il s'agit parmi les catégories juridiques existantes de crédit. S'il n'est pas autre chose que le prêt qui a une affectation spéciale déterminée par la loi, comme indiqué dans les textes légaux, le micro-crédit doit être distingué du prêt d'honneur ou du prêt à la création d'entreprise (PCE). Ainsi, la connaissance de la notion de micro-crédit est un préalable indispensable avant de procéder à la recherche des règles qui lui sont applicables. Cet énoncé permet de conduire l'étude du micro-crédit sous deux angles qui sont consacrés, d'une part, à l'analyse de la notion de micro-crédit (Première Partie)
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