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Le micro-crédit en droit français et en droit cambodgien

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par Vannak NHEAN
Université Jean Moulin Lyon 3 - DEA de Droit des affaires 2006
  

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INTRODUCTION

« Micro credit, a macro idea1 »

1. - « Micro credit, a macro idea ». Le slogan énoncé à l'occasion du Sommet mondial du micro-crédit en février 1997 à Washington2, explique parfaitement l'importance et la reconnaissance du micro-crédit comme étant une nouvelle forme innovante dont l'objectif est de permettre à des personnes exclues du système bancaire d'accéder à un crédit afin d'entreprendre une activité génératrice de revenus et de réduire, par conséquent, la pauvreté. Cette reconnaissance est doublement remarquée, d'une part, par l'adoption de l'année 2005 comme l'Année internationale du micro-crédit et par le Sommet global du micro-crédit en 2006 à Halifax3, et d'autre part, par l'attribution du 13 octobre 2006 du prix Nobel de la paix au professeur Mohamad Yunus4 et à sa banque, la Grameen Bank. Cet engouement a suscité beaucoup de réflexions sur la réalité de l'efficacité du microcrédit quant au rôle qui lui est confié. Economiquement et socialement utiles et séduisants, les débats ne portent pas, par ailleurs, clairement sur ses aspects juridiques, de sorte qu'on pourrait douter de la place du micro-crédit en droit positif. Malgré cette observation, le micro-crédit, inventé par les économistes, a pénétré implicitement dans le domaine juridique. Cette recherche constitue donc une contribution au débat politique législatif concernant le micro-crédit dans un contexte comparé entre le droit français et le droit

1. Hillary ClINTON : littérairement « le micro-crédit, une macro-idée » : V. « Le microcrédit du tiers-monde aux Etats-Unis », in Le monde, 10 juin 1997.

2 . Ce sommet est organisé à l'initiative de M. le professeur Yunus. Il a permis à des milliers de personnes engagées dans leurs pays, du Sud, de l'Est et du Nord, de prendre conscience de l'importance de leur action et de décider d'éradiquer la pauvreté du monde au moyen de micro-crédit. - V. Micro-credit Summit International, Février 1997, Plan of action, Washington, p. 40.

3. Ce Sommet s'est tenu du 12 au 15 novembre 2006 à Halifax, Nouvelle-Écosse, au Canada.

4. Professeur d'économie à l'université Chittagong et fonctionnaire à la Banque Mondiale et au FMI. Il a fait ses études de doctorat et son PHD aux Etats-Unis et a commencé à enseigner l'économie à l'Université de Chittagong en 1972. Le prix Nobel de la paix lui a été attribué et à sa Banque, le 13 octobre 2006. Le président du comité Nobel, Ole Danbolt Mjoes, a déclaré que « une paix durable ne peut pas être obtenue sans qu 'une partie importante de la population trouve les moyens de sortir de la pauvreté ». Ce prix contribue à la reconnaissance internationale du micro-crédit comme outil de lutte contre la pauvreté.

cambodgien.

2. - Que signifie le micro-crédit ? A priori, bien qu'il soit mondialement connu, aucune définition exacte du micro-crédit n'a été unanimement adoptée. Une définition du microcrédit est ainsi proposée : « le micro-crédit désigne un prêt de faible montant garanti par une relation de proximité et dont l'objet est de permettre à une ou des personnes économiquement faible(s), normalement exclue(s) du cycle de financement formel, de créer ou de développer sa propre activité économique (micro-crédit professionnel) ou de réaliser un projet personnel en vue de son insertion professionnelle et sociale (microcrédit social) ». On peut, ensuite, se demander d'où vient le micro-crédit ? L'historique du micro-crédit peut être mieux conçue à la suite d'une brève explication du dualisme du système de financement5. Ce dualisme résulte de la constatation de l'objet du secteur financier consistant à mettre en relation les agents à excédents de capitaux avec les agents à besoin de capitaux6. Les banques et le marché financier jouent parfaitement ce rôle. Selon la logique marchande un certain nombre d'agents économiques sont exclus de facto du système qui ne s'intéresse pas à eux. Exclus du système de financement formel, ils recourent donc dans la majorité des cas à un autre système de financement coûteux7 dit « informel ». Dans ces deux systèmes de financement, les choses ne se passaient pas de la même façon.

3. - Le financement formel. Le secteur formel est normalement financé par les banques. Les banques, qui font commerce de l'argent et qui sont donc en quête de rentabilité, peuvent parfaitement refuser le crédit en raison de l'absence du droit au crédit. Les emprunteurs dont la situation financière est très modeste et qui ne peuvent pas répondre aux critères de sélection des banques, n'avaient pas d'accès au financement. Pendant ce temps, les populations locales manquent d'argent pour développer des activités qui sont souvent informelles, certes, mais qui sont génératrices de revenus. Exclues du financement

5. OULD NEMINE Ahmed, Le rôle du micro-crédit dans le financement du développement, thèse de l'Université de Nice, 15 décembre 2004, p. 27 et 60-80 : « Il a été énoncé que ce dualisme de secteur est la conséquence de la répression financière, et la libéralisation financière est la mesure qui permet d'éradiquer le secteur informel. Toutefois, d'autres approches (les néo-structuralistes) concluent que l'existence en parallèle des deux systèmes est nécessaire, d'autant plus que ces systèmes sont plus complémentaires que concurrents ».

6 . Lettre verninmen.net, l'actualité micro-finance, Décembre 2006, n°53 ; Laurence SCIALOM, Economie bancaire, Collection repère, 1999.

7. E. LITTLEFIELD et R. ROSENBERG, « Une démarcation de plus en plus réduite entre la microfinance et secteur financier formel », in Le Rapport moral sur l'argent dans le monde, éd. Association d'économie financière, 2006, p. 139-149.

classique, elles sont tributaires du secteur de financement informel.

4. - Le financement informel. Force est de constater le rôle limité des banques. Soit elles sont peu présentes dans les campagnes, soit elles sont peu sollicitées parce que leurs services ne sont pas adaptés aux besoins de populations locales. Le secteur informel facilite alors l'accès au crédit. Le secteur informel du financement ne fonctionne pas selon les normes et les mécanismes du secteur dit formel. A côté de l'usurier proprement dit, on peut emprunter à la famille ou à des amis. On peut aussi se regrouper pour se prêter et s'emprunter les uns aux autres. Le développement du secteur informel est dû à l'impossibilité des banques d'étendre leurs activités au segment de la clientèle visée par le secteur informel. Il s'agit bien d'un secteur de financement puisqu'il permet aux personnes exclues du système bancaire classique d'avoir d'accès au crédit. Il est informel du fait qu'il n'est pas soumis au cadre juridique du système formel. Ce secteur informel n'existe qu'en marge du secteur formel qu'il ne prétend pas de remplacer. Il est par ailleurs complémentaire à ce dernier. Malgré cette constatation, on trouve que dans des pays en voie de développement, tels que le Cambodge, le secteur informel de financement est plus étendu que celui classique des banques. Il a été très pratiqué parce qu'il s'inscrit naturellement dans la vie de tous les jours.

Dans le secteur informel, les relations entre les débiteurs et les créanciers sont des relations personnelles résultant du lien de proximité, ce qui conditionne sa plus grande efficacité. Comme les personnes se connaissent bien, l'information sur la solvabilité des unes et des autres est suffisante. Il y a peu de risque de non remboursement. Bien qu'il présente cet aspect positif, le secteur informel de financement comporte, par ailleurs, des inconvénients pour l'emprunteur qui doit payer des coûts de crédit très élevés. Conscients de ce problème, les gouvernements et les Organisation non gouvernementales (ONG) ont mis en place des programmes de crédit rural. Mais le résultat était décevant notamment en ce qui concerne l'offre très limitée de crédit aux pauvres. C'est dans cette optique que l'idée de micro-crédit a été accueillie avec enthousiasme. Il s'agit d'une innovation importante qui a transformé la manière d'envisager l'octroi du crédit.

5. - L'innovation du micro-crédit. La logique financière tient les personnes démunies à l'écart du circuit bancaire parce qu'elles sont fragiles. Les besoins de ces populations ne sont pas couverts par le circuit classique. Cette exclusion financière constitue un obstacle

important pour les personnes désireuses de créer leurs activités indépendantes et donc de trouver leurs citoyennetés économiques8. C'est précisément cet obstacle et le souhait de faire de ces personnes des acteurs économiques comme les autres que le micro-crédit se propose de surmonter. Ce nouveau concept s'adresse donc aux personnes n'ayant pas accès au système financier classique. La compréhension du développement du concept de microcrédit réside dans son histoire.

6. - La genèse du micro-crédit. On a l'impression que tout a commencé en février 1997 quand s'est tenu à Washington le premier Sommet mondial du micro-crédit, sous le patronage de l'ex-Président Bill Clinton, qui a pour objectif d'atteindre cent millions de familles parmi les plus pauvres de la terre d'ici 2005. En réalité, même si on ne parle du micro-crédit que depuis ces vingt dernières années, il s'inscrit, en revanche, dans une histoire un peu plus longue. L'histoire de micro-crédit remonte aux années 1 8409. Mais il fut redécouvert dans les années 1970, cent ans après la naissance de première coopérative d'épargne-crédit initiée par Raiffeisen. Il est donc difficile d'en accorder la paternité au professeur Yunus.

F. W. Raiffeisen lança en 184810, en Rhénanie, la première coopérative de crédit pour lutter contre l'usure qui surchargeait les paysans. Contrairement aux Monts-de-Piété11 remontant au Moyen-âge en 1462, les coopératives d'épargne et de crédit ne sont pas des entreprises de prêt sur gage mais de véritables intermédiaires financiers. La première raison de cette coopérative était la prise en compte des pratiques usuraires. Ici comme ailleurs, les paysans empruntent, en argent ou en nature, surtout dans les mois qui précèdent la récolte, à un commerçant, à un prêteur professionnel, à des taux exorbitants pouvant atteindre 50 à 100% pour une durée qui n'importe pas mais qui est toujours courte. La coopérative avait pour premier but d'offrir des cautions mutuelles aux banques afin que ses membres puissent évoluer vers la collecte de l'épargne pour pouvoir prêter directement

8.Semaine du microcrédit, Lancement du Fonds de cohésion sociale, Mardi 5 avril 2005 : www.cohesionsociale.gouv.fr.

9. Jaques ATTALI, « La micro-finance, aujourd'hui », in Le rapport moral sur l'argent dans le monde, éd. Association d'économie financière, 2006, p. 153 ; Maria NOWAK, « Le micro-crédit en France et en Europe », in Le rapport moral sur l'argent dans le monde, éd. Association d'économie financière, 2003-2004, p. 429 (cet auteur précise que le micro-crédit tel qu'il s'est développé en Asie et en Amérique latine, depuis les années 1970, n'est qu'une résurgence des mêmes idées existantes et développées par Raiffeisen au milieu du XIXème siècle).

10 . Laurent LHERIAU, Précis de réglementation de la micro-finance, tome I : le droit financier et la micro-finance, AFD, 2005, p. 19-22.

11. Pour une histoire des Monts-de-Piété et du Crédit Municipal, voir le site Internet du Crédit Municipal de Paris : http://www.creditmunicipal.fr/.

à leurs membres. Elles furent à l'origine de toutes les banques mutualistes d'Europe.

La conception du micro-crédit fut redécouverte et s'est manifestée avec la création de la Grameen Bank12, une banque rurale bénéficiant d'un statut spécial, au Bangladesh en 1976. Après une terrible famine, un professeur d'université, Mohamed Yunus, a l'idée d'accorder de petits crédits13 à quelques groupes de femmes pauvres pour les aider à développer une activité qui leur procure un mode ste revenu. Accordé pour un an au taux de 20%, il commence à être remboursé dès la deuxième semaine par celle qui a emprunté ou par ses comparses, car le groupe comprenant cinq personnes « comme les cinq doigts de la main » avec la caution solidaire de tous les membres. Si l'une des femmes ne remboursait pas à l'échéance, le groupe devait le faire à sa place. Sinon, il était privé de tout autre crédit postérieur. Lorsque le premier crédit sera remboursé, une autre femme pourra emprunter à son tour, et ainsi de suite. Quand toutes auront emprunté et remboursé, elles pourront emprunter un peu plus. Cette formule est basée sur un groupe dont les membres se connaissent bien. La méthode de Grameen Bank s'adaptait parfaitement à la situation des zones rurales du Bangladesh. Il montre donc que les pauvres et notamment les femmes de paysans sans terre sont « un bon risque bancaire », c'est-à-dire que les pauvres, n'ayant pas d'autres alternatives, font tout pour rembourser correctement leur crédit, si on sait s'adapter à leurs conditions (petits crédits avec des montants progressant régulièrement si le remboursement s'effectue intégralement, etc.). Cette façon de faire le crédit a été reprise aussi bien dans beaucoup de pays du Sud que dans des pays du Nord. Le micro-crédit se développe rapidement et constitue désormais l'une des préoccupations de la communauté internationale qui proclame la mise en place d'un « système financier ouvert à tous ». Il fait aussi partie de la politique de l'Union européenne qui a, à travers la Commission européenne, adopté des mesures politiques pour promouvoir l'utilisation du micro-crédit en Europe à des fins d'inclusion sociale14. En 2003, un réseau européen de micro-finance qui regroupe à ce jour 28 institutions les plus diverses s'intéresse particulièrement au micro-crédit.

7. - Le développement du concept du micro-crédit : de micro-crédit à la micro-finance.

12 . Le site officiel de la Grameen Bank (en anglais) : www.grameen-info.org.

13 . M. YUNUS a donc décidé de prêter « de sa poche » l'équivalent de 24 € (27 $) à un échantillon de 42 femmes parmi les plus pauvres, à la condition qu'elles rentrent dans un cycle économique générant un revenu quotidien. L'expérience fût un succès puisque la totalité des débitrices remboursèrent leur prêt grâce à leur activité.

14 . Commission européenne, Des mesures politiques pour promouvoir l'utilisation du micro-crédit en Europe à des fins d'inclusion sociale, Conclusions des études politiques, 2005.

Pour beaucoup de personnes et pour le grand public en particulier, la micro-finance se confond avec le micro-crédit. Si le micro-crédit demeure l'instrument de base, son succès entraîne de nouveaux besoins. C'est ici qu'entre en jeu la micro-finance. La micro-finance recouvre, désormais une gamme de services plus large, l'ensemble des services financiers offerts aux pauvres, aux populations mal desservies. Auparavant, les services de microfinancement étaient essentiellement axés sur l'octroi de prêts très modiques (le micro-crédit) aux pauvres pour les aider à entreprendre des activités productives. Mais au fil du temps, les services de microfinancement se sont étendus pour couvrir un large éventail de services financiers pour répondre aux besoins de personnes mal desservies. Les besoins de ceux qui empruntent ne sont pas seulement un besoin d'argent, à des conditions ou selon des modalités qui peuvent varier sensiblement. C'est un besoin d'autres services qui sont habituellement associés au crédit. Il en est trois qui accompagnent le micro-crédit et qui constituent avec lui la micro-finance15. Ce sont la micro-épargne, la microassurance16 et le transfert de l'argent. C'est l'ensemble de ces services qui définit la micro-finance. Elle signifie la distribution de services financiers notamment le crédit et les épargnes aux familles pauvres, familles ayant des revenus modestes et les petites entreprises17. Toutefois, la micro-finance se résume pratiquement dans les pays industriels, comme en France, à l'octroi du micro-crédit. Il s'agit d'un système financier hybride qui combine à la fois les caractéristiques du secteur formel et celles du secteur informel.

8. - La transposition du modèle Grameen Bank. Grâce à son immense succès, le modèle Grameen Bank a été imité par plusieurs pays. Aujourd'hui, l'idée de micro-crédit est une préoccupation internationale et s'est étendue dans d'autres pays en Europe notamment en France. Contrairement aux pays du sud, cette adoption a été très lente.

9. - Le contexte comparé du micro-crédit en France et au Cambodge. Le micro-crédit appliqué au Bangladesh a été reproduit aussi bien en France qu'au Cambodge. Il est très important de remarquer que reproduire la Grameen Bank ne consiste pas à reprendre in extenso le modèle, à tenir compte des caractéristiques du milieu et de l'adapter au contexte

15. M. LEPART, De la finance informelle à la microfinance, éd. Archives contemporaine, AUF, 2005, p. 53.

16 . Marie CADOUX, « l'assurance au service des microentrepreneurs », l'argus de l'assurance, n°7006, 22 décembre 2006.

17 . L'article 2 du Prakas (arrêté de la Banque Nationale du Cambodge) n°7-01-49 Prorkor du 25 février 2002 sur l'agrément et l'enregistrement des IMF, qui remplace le PraKas n° 700-06 Pror Kor du 11 janvier 2000 sur l'attribution de l'agrément aux établissements de micro-finance (J.O du 15 janvier 2000, n° 2, page 66).

du pays. Il s'agit tout simplement de revenir à son essence, à son objectif, à son formidable esprit d'initiative et d'innovation. Le micro-crédit est importé en France dans un contexte de chômage, d'exclusion financière, alors qu'il est importé au Cambodge dans un contexte de pauvreté et surtout dans le cadre du programme de développement.

10. - Le contexte du micro-crédit en France18. Si la France est un pays fortement bancarisé, 80% des ménages français ont recours pour tout paiement supérieur à 100 euros à des moyens de paiement, une partie de la population, estimée à près de cinq millions d'habitants19, reste en situation d'exclusion bancaire. Une partie importante de la population n'a pas accès au crédit. Or, l'accès au crédit est un moyen déterminant de la citoyenneté économique. Le marché français de micro-crédit est jugé sous-dimensionné par rapport aux besoins. Désormais, le micro-crédit piétine en France. La crise dans les banlieues de novembre 2005 a suscité l'implication du gouvernement dans le projet d'exclusion financière. En outre, le prix Nobel de la paix attribué au M. Yunus constitue un nouvel élan de lutte contre l'exclusion financière.

10-1. - La dynamique française du micro-crédit qui conjugue la mise à la disposition d'un financement et d'un accompagnement personnalisé a déjà prouvé son efficacité à travers des structures comme l'Association pour le droit à l'initiative économique (ADIE)20, France Active, France Initiative Réseau et le Réseau Entreprendre21. En France, avant la création de l'Association pour le droit à l'initiative économique, il n'y avait aucune association de micro-crédit ou de lutte contre l'exclusion financière. Au début, l'ADIE travaillait en partenariat avec les établissements de crédit en partageant avec ces derniers les risques du crédit à hauteur de 70%. En cas de défaillance du débiteur, l'ADIE s'engage à racheter la part du risque supporté par les banques. Cette forme de partenariat est toujours encouragée du fait qu'il procure des avantages incontestables. De nouvelles

18 . Maria NOWAK, on ne prête pas (que) aux riches, JC Lattès, 2005, p. 142 et s.

19 . in Le monde du 10 juin 2004.

20 . L'Association pour le droit à l'initiative économique est une association qui a été créée suivant le modèle de la loi de 1901. Son rôle est exercé conformément à la disposition dérogatoire au monopole bancaire en matière d'opérations de crédit. Il s'agit d'un principal acteur du micro-crédit, créé en 1989 à l'initiative de madame Maria NOWAK. Elle a accordé 6 740 crédits en 2005, en hausse de 20% mais ne répondant qu'à environ 10% des demandes.

21 . Ces organismes sont des organismes de finance solidaire. La finance solidaire désigne l'ensemble des dispositifs de financement destinés à soutenir la création ou le développement d'activités socialement utiles, à partir des instruments de l'épargne et de l'investissement solidaires. Ces opérateurs de la finance solidaire mettent en fait à la disposition des créateurs des quasi-fonds propres destinés à servir de levier au crédit bancaire. V. Sylvain ALLEMAND, La microfinance n 'est plus une utopie !, édition Autrement, 2007, p.1 92.

formes de mécénat ont été mises en place22. Avec l'amendement de l'article 11 de la loi bancaire de 198423, elle peut désormais emprunter pour reprêter à ses clients directement. Cet amendement encourage le développement du micro-crédit.

10-2. - En raison de la montée en puissance du micro-crédit en France, le gouvernement veut bâtir une politique publique pour lutter contre l'exclusion financière et mobiliser les grandes banques. Le lancement du Fonds de cohésion sociale (FCS) créé par la loi Borloo du 18 janvier 200524 à l'occasion de la Semaine du micro-crédit montre bien cette politique. Cette loi crée une nouvelle typologie du micro-crédit, dite de micro-crédit social. La naissance en France du micro-crédit social, appelé par certains, des « prêts à la consommation sociaux25» est une avancée, modeste mais incontestable dans la lutte contre l'exclusion financière. Toutefois, le débat sur le surendettement des particuliers ne manque pas puisque les particuliers, bénéficiaires de ces crédits sociaux, sont déjà, par définition, en situation financière très difficile26. Cette invention suppose en plus de revoir la définition du micro-crédit. Le lancement de la Semaine du micro-crédit en avril 2005 constitue bien une promotion du micro-crédit en France.

11. - Le contexte du micro-crédit au Cambodge27 . Le système bancaire cambodgien a été réduit à néant à l'époque des Khmers rouges (1975-1979). 90% de la population n'a pas accès au prêt classique. Aucune banque de développement n'existait à la sortie du régime Khmer rouge. Ainsi, dans les années 90 après les Accords de Paris en 1991, les ONG ont commencé à proposer des services de micro-crédit aux populations démunies des zones rurales, dans le cadre du programme de développement. La plus importante ONG spécialisée dans le financement de proximité est l'Association des agences de développement économique local, mieux connue sous l'acronyme anglais ACLEDA28, qui a été créée en 1993 avec le soutien du PNUD (Programme des Nations Unies de

22 . Patrick SAPY, « Réseaux bancaires et micro-crédit : vers de nouvelles formes de mécénat », Banque, juin 2005, p. 27-28.

23 . L'article 19 de la loi n°2001 -420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques (NRE) modifiant l'article L.51 1-6 du Code monétaire et financier (J.O 16 mai 2001).

24 . L'article 80-III de la loi n°2005-32 du 18 janvier 2005 de Programmation pour la cohésion sociale (J.O du 19 janvier 2005, modifié par l'article 26 de la loi n°2006-339 du 23 mars 2006 (J.O 24 mars 2006).

25. Anne MICHEL, « Naissance en France des prêts à la consommation sociaux », in Le monde, 6 janvier 2006

26 . V. infra, n° 76-77.

27 . « Micro finance of Cambodia », National Bank of Cambodia, 2006.

28 . Pour en savoir plus : www.gdrc.orf/icm/country/acleda-base.html (page sur ACLEDA).

développement). Elle est devenue une banque spécialisée en 2000. Il est à noter que le micro-crédit mené par les ONG dans les années 90 n'était pas réglementé puisqu'il est appliqué avant l'adoption même de la loi sur les institutions bancaires et financières du 18 novembre 1999. Aujourd'hui, le micro-crédit est affiché comme une priorité du gouvernement et sa réglementation constitue une question d'actualité.

12. - Le micro-crédit doit-il être soumis au régime du droit commun du crédit ou faut-il adopter une réglementation spécifique ? L'ADIE ne pouvait que fonctionner en vertu du deuxième alinéa de l'article L. 511-6 du Code monétaire et financier. Elle ne pouvait donc pas emprunter pour prêter. Cette possibilité est reconnue par l'article 19 de la loi NRE du 15 mai 200129 qui ajoute un alinéa 5 à l'article L. 511-6 précité. Cette loi traduit la reconnaissance de l'importance du micro-crédit par le législateur. Toutefois, il n'a pas utilisé la terminologie du micro-crédit. Il en est de même en droit cambodgien. L'article 2 du Prakas n°7-01-49 Prorkor du 25 février 2002 « sur l'agrément et l'enregistrement des Institutions de la micro-finance (IMF) », qui dispose que « la micro-finance signifie la distribution des services financiers notamment le crédit et les épargnes aux familles pauvres, familles ayant des revenus modestes et aux petites entreprises », utilise simplement le mot « crédit ». De cette constatation on peut déduire que le législateur n'a pas voulu adopter une règle spécifique pour le micro-crédit. Ce dernier doit être intégralement soumis au droit commun. Cependant, il exerce une influence très importante dans le changement de la politique législative surtout en matière de taux d'usure. La libéralisation des taux d'intérêts des crédits aux entreprises individuelles constitue une mesure typiquement du micro-crédit30. Le législateur cambodgien comprend mal qu'il est très libéral sur ce point. En effet, l'interrogation sur l'applicabilité du Prakas du 15 mars 1995 sur la libéralisation des taux d'intérêts pour les banques commerciales aux opérateurs du micro-crédit permet de comprendre que le taux d'intérêt du micro-crédit est touj ours plafonné en droit cambodgien. Toutefois, la libéralisation de taux d'intérêt en matière de crédit constitue un atout principal pour les opérateurs du micro-crédit. En pratique, le taux d'intérêt du micro-crédit est beaucoup plus élevé que celui pratiqué par les banques classiques. On peut donc se demander pourquoi ce taux est si élevé si l'objectif du micro-

29 . Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques (J.O n° 11 3 du 16 mai 2001 page 7776). Cet article est intégré dans l'article L. 511-6 du Code monétaire et financier. 30. Sénat - Séance du 13 juin 2005 et l'exposé des motifs de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises (J.O n° 179 du 3 août 2005 page 12639).

crédit est d'aider les personnes dont la situation financière est très modeste à sortir de la pauvreté ou du chômage. Toute la difficulté de la réglementation consiste donc à concilier deux objectifs qui sont apparemment contradictoires : l'objectif social et la recherche de la viabilité financière.

13. - D'ailleurs, une réglementation spécifique des opérateurs du micro-crédit semblait être une voie adoptée par le législateur des deux pays. Cette spécificité de la réglementation répond à la question soulevée : comment créer un cadre institutionnel et réglementaire favorable au développement du micro-crédit ? Il s'agit, en fait, d'une dérogation à des règles régissant la profession bancaire notamment en ce qui concerne le capital social minimum, les autres règles prudentielles. Cela montre que certaines spécificités sont accordées au micro-crédit. Bien que la réglementation spécifique soit une voie choisie par ces deux systèmes juridiques, le statut juridique des opérateurs du microcrédit différemment encadré par ces derniers montre leur différente perception de la notion du micro-finance ainsi que des risques liés au micro-crédit. Il faut reconnaître que la réglementation en droit cambodgien est à la fois souple et flexible. Mais, les conséquences sur le comportement des opérateurs du micro-crédit ne manquent pas. Ce changement du comportement en raison d'une obligation de se transformer en IMF peut être aussi bien un avantage qu'un désastre pour les bénéficiaires du micro-crédit. En revanche, il ne serait pas opportun ni en droit français, ni en droit cambodgien, d'imposer une réglementation prudentielle aux associations de micro-crédit qui ne peuvent jamais mobiliser les épargnes. Dès lors qu'elle est mise en place, la réglementation prudentielle applicable aux banques doit être ajustée pour répondre aux besoins du micro-crédit. Ainsi, il est important de remarquer que certaines règles prudentielles imposées aux établissements de crédit ne peuvent pas être appliquées purement et simplement aux opérateurs du micro-crédit en raison de la pondération de risques qui sont liés au produit du micro-crédit.

14. - Enfin, l'implication du législateur constitue un élan important du développement du micro-crédit. Cela n'est qu'un reflet de ses impacts positifs qui ne doivent pas être niés. On peut, en revanche, douter de la réalité des impacts du micro-crédit. Une littérature très abondante s'est développée ces dernières années. La recherche des indicateurs de l'évaluation des impacts du micro-crédit constitue un premier centre d'intérêt. Malgré certaines littératures niant la réalité des effets du micro-crédit, il faut reconnaître qu'il avait

et doit avoir un effet de levier sur la réduction de la pauvreté et du chômage notamment par la création d'emplois et de revenus, ce qui caractérise l'impact économique du microcrédit. Or, cet impact économique n'est pas significatif au Cambodge en raison du très faible montant des prêts qui ne permet pas un investissement important et du comportement même des emprunteurs. Il permet à des personnes normalement exclues du financement ou des systèmes financiers d'y avoir accès. L'impact financier n'est donc pas non plus négligeable dans un contexte où les banques commerciales ne s'implantent pas dans les zones rurales. Le micro-crédit peut également contribuer au renforcement de liens sociaux et au pouvoir des femmes. Or, le débat sur la prévention de surendettement est grand du fait que les bénéficiaires du micro-crédit sont par hypothèse des personnes dont la situation financière est très modeste. Ce débat est alimenté par l'innovation du micro-crédit social, qualifié de micro-crédit à la consommation par opposition au micro-crédit professionnel.

15. - L'énoncé du plan. L'importance de l'étude de l'aspect juridique du micro-crédit consiste à expliquer juridiquement de quoi il s'agit parmi les catégories juridiques existantes de crédit. S'il n'est pas autre chose que le prêt qui a une affectation spéciale déterminée par la loi, comme indiqué dans les textes légaux, le micro-crédit doit être distingué du prêt d'honneur ou du prêt à la création d'entreprise (PCE). Ainsi, la connaissance de la notion de micro-crédit est un préalable indispensable avant de procéder à la recherche des règles qui lui sont applicables. Cet énoncé permet de conduire l'étude du micro-crédit sous deux angles qui sont consacrés, d'une part, à l'analyse de la notion de

micro-crédit (Première Partie) avant d'envisager, d'autre part, sa
réglementation (Seconde Partie).

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand