2.1. Définition et
concepts
Les économistes ont reconnu depuis longtemps que
l'investissement est une importante source de productivité et de
croissance économique. Son importance fondamentale a suscité de
nombreux travaux de recherche (techniques et empiriques) qui ont exploré
le lien existant entre l'investissement, la productivité et la
croissance économique.
L'investissement est souvent considéré comme
étant l'achat de biens matériels qui contribuent à la
production actuelle et future. De ce fait, cette notion était
déjà présente dans les premiers travaux analytiques de
Cobb-Douglas (1928), de Tinbergen (1942), de Solow (1956, 1957). Ces derniers
ayant été parmi les premiers à utiliser une
« fonction de production» pour décrire la relation
existant entre la production d'une économie et les « intrants
primaire », c'est à dire le capital matériel et le
travail (STIROH, 2000). KOUADIO et al. (2000) abordent dans le
même sens en indiquant que l'investissement consiste en l'acquisition
d'équipements ou de main d'oeuvre supplémentaire par l'entreprise
en vue de maximiser son profit par une hausse de production dans le futur.
2.2. Investissements et
production agricole
L'investissement agricole consiste en l'acquisition de moyens
de production additionnels (équipements agricoles, capital fixe, capital
circulant ou main-d'oeuvre agricole) par l'exploitant agricole en vue d'une
augmentation de sa production (KOUADIO et al., 2000).
Les équipements agricoles sont constitués par le
petit outillage (daba, machette, lime, seau, sécateur, etc.) à
durée de vie limitée par rapport au cycle de production (moins
d'un an, en général). Le capital fixe est constitué par la
terre achetée (propriété définitive ou sur une
longue durée) et les équipements lourds ou durables à
durée de vie supérieure au cycle de production (plus d'un an en
général). Il s'agit, par exemple, des engins à traction
humaine, animale et à moteur et des bâtiments. Le capital
circulant est constitué par les fertilisants, les produits
phytosanitaires, les semences et les plants.
Les cultures du caféier, aussi bien dans leur phase
d'établissement que dans leur phase d'exploitation, sont des cultures
pour lesquelles les opérations agricoles peuvent être
effectuées entièrement avec le simple petit outillage d'un
agriculteur sans nécessiter d'investissement matériel
onéreux. Elles sont en cela parfaitement adaptées à la
culture familiale. La mécanisation et l'utilisation de gros
matériels ne peuvent intervenir que de manière très
limitée et ne peuvent intéresser que des exploitations
importantes. Il peut en particulier être fait appel à la
mécanisation pour certains travaux de préparation du terrain de
plantation (abattage, tronçonnage et débardage des arbres de la
forêt), mais l'entretien ultérieur de la plantation, de même
que la récolte, ne nécessite que de la main-d'oeuvre. Seuls les
traitements phytosanitaires, lorsqu'ils doivent être faits par le
planteur, exigent un équipement spécial. Mais cet
équipement ne réclame, pour la petite plantation familiale, qu'un
matériel de traitement très modeste.
Le traitement de la récolte enfin, en dehors des
transports qui justifient pour une plantation d'une certaine importance
l'utilisation de véhicules ou d'engins, n'implique d'investissement
important que pour le séchage lorsque l'utilisation de séchoirs
artificiels est nécessaire. Pour une exploitation familiale, le
séchage solaire est généralement satisfaisant et le
traitement de la récolte n'exige qu'une installation simple qui peut
être réalisée à très peu de frais avec des
matériaux locaux.
2.2.1.
Intensification
La notion d'intensification a une dimension très large.
Elle englobe l'environnement économique, financier, agronomique et
technique de nature à favoriser une augmentation de la production par
unité de ressource rare (NKENDAH, 1999). En agriculture de
manière générale, elle fait référence
à la quantité de capital ou de travail investie par unité
de surface cultivée (OUEDRAOGO, 2005).
L'intensification peut être décrite comme
étant le processus qui doit aboutir de façon durable à des
rendements agricoles plus élevés. Ce processus est
caractérisé par l'amélioration de l'efficacité de
l'utilisation des intrants internes (le travail, les engrais organiques) et les
intrants externes tels que les engrais minéraux (TEME et al.,
1996). L'intensification vise l'obtention de rendements élevés et
dépend donc des investissements menés pour améliorer la
qualité de la terre (NYEMECK al, Op. cit.). Pour AGKPO (2000)
l'intensification consiste en une utilisation rationnelle des facteurs de
production sur la base de l'utilisation des résultats du progrès
technique en agriculture en vue d'améliorer les rendements à
l'hectare.
En économie générale, on dit qu'une
technique est « intensive en travail » ou
« intensive en capital » si la quantité de travail
ou de capital utilisé par unité de production est importante
(AGKPO, 2000). Ainsi, pour Couty cité par OUEDRAOGO (op cit), une
agriculture intensive est celle qui utilise beaucoup de facteurs de production
autres que la terre. L'intensification correspond donc pour une quantité
de terre donnée, à un accroissement de travail et ou de capital.
On parlera alors d'un système de production intensif en travail
(respectivement en capital) lorsque pour accroître la production et donc
la productivité par unité de surface, on a recours à plus
de travail (respectivement plus de capital par unité de surface). Pour
les systèmes intensifs en travail et en capital, l'augmentation de la
production se fait par l'accroissement des deux facteurs. L'intensification
peut également se faire par l'augmentation de la productivité du
travail par l'accroissement du capital investi; c'est le cas pour les grandes
exploitations fortement mécanisées des zones
tempérées.
Selon RUF et STESSELS (1986), l'intensification en
caféiculture ivoirienne ne s'amorce effectivement qu'en situation de
« blocage foncier ». Cette intensification selon ROUX et
DURIS (1995), est avant tout exigeante en main d'oeuvre, mais nécessite
également le respect des itinéraires techniques.
Au niveau de la main d'oeuvre, les besoins se
répartissent au niveau de :
· la pépinière (en année N-1 et N1)
qui représente 20 à 30 journées de travail (JT). Elle
exige un travail soigné afin d'obtenir des plants vigoureux.
· -l'installation de la plantation (en année N1
à N3). C'est la phase la plus exigeante en main d'oeuvre, surtout pour
la préparation du terrain et la plantation avec 100 à 200 JT/ha.
Les 2 ou 3 années suivantes, le nombre de journée de travail est
compris entre 50 et 60.
· l'exploitation (à partir de N3) : à
ce stade, deux types de travaux sont à prévoir ; à
savoir :
-les travaux d'entretien et d'égourmandage (40 à
60 JT/ha) qui sont constants chaque année. A cela, il faut ajouter les
travaux de recepage toutes les 5 récoltes, soit 10 à 15 JT/ha
pour le recepage et 5 à 7 JT/ha pour la coupe du tire sève et la
sélection des rejets.
-les travaux de récoltes qui sont directement
proportionnels à la production et peuvent donc nécessiter de la
main d'oeuvre supplémentaire.
Au niveau de l'itinéraire technique, l'ANADER
préconise la conduite en croissance libre avec recépage avec une
densité de plantation de 1 333 pieds/ha. L'application d'intrants est un
élément déterminant pour l'accroissement des rendements.
Ces intrants sont de différents types : les herbicides, les
produits phytosanitaires et les engrais (cf 1.2.3.).
2.2.2.
Replantation-plantations
La replantation consiste à remplacer une plantation, a
priori âgée, déclinante, par une nouvelle (RUF F 2000).
Elle prend également en compte l'installation de plantations
après défrichement de jachère. RUF F et ALLAGBA
(2001) définissent donc la replantation comme une plantation
privée de « rente forêt » (sols appauvris, pression
d'adventices, attaques de termites et pression parasitaire accrue).
Il existe deux méthodes principales de replantation en
caféiculture qui sont : la replantation par phases et la
replantation par arrachage total. La replantation par phases ou progressive
consiste à replanter par phases une même exploitation sous de
vieux caféier. Les anciens pieds ne sont pas abattus et servent
d'ombrage aux nouveaux plants jusqu'aux premières récoltes.
Après quoi, ils sont détruits jusqu'à ce que la
caféière soit totalement renouvelée. Cette méthode
de replantation permet le maintien d'un rendement de transition, mais est
techniquement plus difficile à réaliser. Aussi, la propagation de
maladies et d'insectes y est plus facile et pourrait anéantir tous les
efforts consentis.
La replantation par arrachage total consiste en un
défrichement total de l'ancienne plantation de caféiers puis
l'installation d'une nouvelle en remplacement. Avec cette méthode, l'on
abandonne des revenus existants pour attendre les premières
récoltes après trois (3) ou quatre (4) ans. Toutefois, les
bananiers et autres cultures qui servent d'ombrage fournissent des
compléments alimentaires d'une grande importance et souvent des revenus
non négligeables. Cette technique est assez onéreuse et demande
de grande disponibilité en plants et en temps de travail. Elle a
cependant le mérite de permettre une renouvellement rapide de l'ancienne
plantation et donc l'obtention d'une augmentation de production en un laps de
temps assez court.
La replantation est une pratique très peu
utilisée par les paysans. Ces derniers préfèrent toujours
les extensions de parcelles, ce qui pourrait justifier le niveau
élevé de destruction de la forêt ivoirienne (NYEMECK et
al, op. Cit). Aussi, la décision de replantation intervient
rarement avant que les forêts accessibles ne soient totalement
défrichées Les raisons qui poussent les paysans à
étendre leur parcelle sont diverses. Parmi ces raisons, on peut citer le
besoin de sécurisation foncière, l'attente de revenu plus
élevé et le vieillissement des parcelles de caféier.
En effet, tant que la terre et la forêt sont
accessibles, la durabilité des revenus est assurée par de
nouvelles plantations créées après défrichement de
forêt. C'est l'époque de migrations et des « fronts
pionniers » avec deux grands avantages. Tout d'abord la terre est en
général facile d'accès, peu chère : la rente
foncière est donc faible et il y a peu de barrières à
l'investissement humain dans les cultures pérennes. Ensuite, la
forêt apporte le plus souvent des garanties de croissance rapide des
cultures pérennes à moindre coût (peu de mauvaises herbes
après le défrichement, matière organique disponible,
protection contre le vent et les aléas climatiques, bonne
pluviométrie utile, souvent peu de maladies et de dégâts au
premier cycle de plantation, etc.). C'est la « rente forêt
», ayant pour fonction de diminuer les coûts de l'investissement
dans la culture pérenne et d'augmenter les rendements, donc les revenus.
Cependant, l'établissement de nouvelles parcelles ne
peut se faire sans aucune contrainte. La raréfaction des terres
cultivables et des forêts, comme c'est le cas dans l'EST de la côte
d'ivoire, en est le premier obstacle. Aussi, faut-il ajouter que, même en
présence de terre, la disponibilité et le coût de la
main-d'oeuvre constituent des facteurs déterminants au lancement de
cette opération (HAÏDARA Op. Cit).
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