2.3. Déterminants
potentiels des investissements en production agricole
La littérature a permis d'identifier plusieurs facteurs
susceptibles d'expliquer la décision des producteurs d'investir ou non
dans la production agricole. Ils ont été classés selon
leur nature.
2.3.1. Déterminants
sociaux
Age du planteur
L'âge de l'exploitant peut avoir une influence sur la
probabilité d'utilisation des intrants et de la plantation dans les deux
sens. Selon MAROU (1999) les paysans âgés ont
généralement plus d'expérience, à même de les
pousser à essayer une nouvelle technologie. Mais l'age avancé
peut être source de réactions réfractaires à tout
changement. Les jeunes sont généralement les premiers adoptants
de nouvelles technologies à cause de leur courage et leur goût de
l'aventure (MAROU, op. cit.). L'âge peut jouer un rôle important en
ce sens que les plus jeunes, ayant très peu de charges en
général seraient plus aptes à prendre des risques pour
l'acquisition de certains inputs.
Par contre, certains auteurs comme SYLLA (2000) estiment que
les producteurs les plus âgés, en plus de leur expérience,
détiennent un capital plus solide et sont donc capables de
réaliser des investissements dans leurs plantations. De plus, les
études menées par AGKPO (2000), sur l'adoption des produits agro
pharmaceutiques par les cacaoculteurs des régions de Montagnes, du Haut
Sassandra et du Bas Sassandra, ont montré que les plus grands
utilisateurs d'intrants étaient les plus âgés.
Origine ethnique du planteur
HAIDARA (2001), dans son étude sur les
déterminants de l'adoption des pesticides en caféiculture et en
cacaoculture a montré que la variable origine du planteur était
la plus importante dans la décision du paysan d'utiliser les produits
agro pharmaceutiques. En outre, être non originaire de la zone de
production augmenterait significativement la probabilité d'emploi des
pesticides ainsi que leur quantité probable utilisée par hectare.
Par contre, selon SYLLA (op. cit.), les autochtones font l'objet de plus
d'égard vis à vis de la vulgarisation et surtout des politiques
en vigueur ; ce qui contribuerait à stimuler l'investissement dans
leurs parcelles.
Le niveau d'instruction
Pour NYEMECK et al. (2001) l'instruction peut agir
sur l'efficacité technique des exploitants, mais aussi sur le choix
d'allocation des facteurs entre les différents emplois. Selon YIFU
cité par ATSE (1997), le niveau d'instruction du paysan peut lui
permettre de mieux apprécier les éléments qui accompagnent
l'adoption d'une technologie et d'être à l'abri de certaines
erreurs. Aussi, SYLLA (op. cit.) affirme qu'un paysan instruit a une
capacité à mieux comprendre et à appliquer de nouvelle
technique qu'un paysan analphabète.
2.3.2. Déterminants
économiques
Accessibilité de la terre
La création de nouvelles plantations passe avant tout
par une disponibilité de terre ou de forêt. Autrement dit, un
exploitant peut projeter d'augmenter ses surfaces cultivées tant qu'il
dispose de portion de forêt ou tant qu'il peut s'en procurer
(HAÏDARA, 2001). Aussi, RUF et ALLAGBA (2001), dans leur étude sur
les difficultés de replantation en cacaoculture en côte d'Ivoire,
ont montré qu'au cours des années 50, le premier
déterminant de la plantation est l'accès à la forêt.
Accès au crédit
Le crédit concourt à l'accroissement de la
disponibilité financière en début de campagne. Il permet
ainsi de desserrer les contraintes financières qui pèsent souvent
sur les producteurs pour l'acquisition de certains inputs (HAIDARA, 2001). Le
crédit peut par conséquent accroître la probabilité
d'utilisation d'intrants agricoles et de Main d'oeuvre salarié.
La relation positive entre l'accès au crédit et
l'adoption de nouvelles technologies est appuyée par SHAKA et FLINN
cités par ATSE (op. cit.). Ils concluent, aux termes de leur
étude, que la probabilité d'adoption des fertilisants passe de
0,66 à 0,34 lorsqu'on supprime le financement extérieur
Prix
La baisse des prix au producteur est un facteur très
déterminant dans l'utilisation des produits phytosanitaires sur les
plantations de cacao (FLEISHER et al.,1998).
Ainsi, HAÏDARA (2001), dans son étude sur les
Déterminants socio-économiques des investissements en
caféiculture et cacaoculture ivoirienne, a montré que le niveau
des investissements en produits agro pharmaceutiques avait baissé entre
1998/1999 et 1999/2000, après la chute des prix du cacao. FLEISHER (Op.
ci.) souligne que cette chute des prix au niveau des producteurs a
freiné l'expansion des surfaces cultivées.
Dans leur étude sur l'analyse des filières des
pesticides en Côte d'Ivoire, FLEISHER et al., (Op. cit.)
indiquent que les augmentations des prix servent à inciter les
producteurs à intensifier leur production et à renouveler leurs
investissements. Cependant, certains auteurs tel que RUF pensent que la baisse
des prix au producteur contribue surtout à faire défricher les
forêts et créer de nouvelles parcelles. Dans ce cas, cette baisse
conduirait aux mêmes effets que la hausse : la course à la
forêt.
RUF et STESSELS (1986), quant à eux soutiennent qu'un
relèvement du prix au producteur ne favorise pas le choix d'investir
dans du matériel sélectionné. Ainsi, l'augmentation de
prix ne jouerait pas en faveur d'une intensification par modification des
techniques d'entretien et augmentation du temps de travail à
l'unité de surface. Ils justifient leur position par le fait que
l'augmentation de prix améliore dans les mêmes proportions les
taux de rentabilité de l'extensif et du semi intensif. Il ne peut, donc
pas à lui seul, favoriser un processus d'intensification.
Revenu du planteur
La disponibilité financière des producteurs est
très déterminante dans la capacité à traiter ou non
les parcelles. Théoriquement cette variable encouragerait le paysan dans
sa pratique agricole. Selon DIARRA cité par AGKPO (op. cit.), plus le
paysan perçoit un revenu agricole important, plus sa propension à
accroître sa production, donc à investir est grande. Selon SYLLA
(2000), le revenu du paysan lui permet de faire face à un ensemble de
dépenses nécessaires pour l'adoption d'une nouvelle technologie.
Plus le revenu du paysan est important, plus il est à l'aise pour
adopter l'innovation.
Accessibilité de la main
d'oeuvre
Elle prend en compte la main d'oeuvre salarié ainsi que
la main d'oeuvre familiale participant aux activités agricoles. Selon
HAÏDARA (op. cit.), la création de nouvelles parcelles se heurte
souvent à un manque de force de travail dans l'exploitation. Or, c'est
une opération qui exige précisément un nouvel
investissement en travail. Ainsi les exploitations disposant d'une
main-d'oeuvre abondante seraient plus motivées à étendre
leur superficie que les exploitations « pauvres » en
main-d'oeuvre. Cette idée est soutenue par SYLLA (op. cit.) qui pense
que le nombre d'actifs agricoles peut être un frein à la
création d'une nouvelle parcelle sachant que la plantation demande un
effort important pour l'entretien.
RUF (1980) a montré que au centre ouest de la
Côte d'Ivoire, le désherbage des vieilles caféières
par les Bétés ne se faisait que l'année où ils
disposaient d'une main d'oeuvre contractuelle plus importante. CHALEARD (1989)
quand à lui, dans son étude sur les risques en agriculture de
plantation à Agboville (Côte d'Ivoire), a montré que
l'inaccessibilité de la main d'oeuvre avait contribué à
une baisse de près de 10 % de la production de café et de cacao.
Il ajoute par ailleurs que la l'accessibilité de la main d'oeuvre influe
particulièrement sur la production de café à cause de
l'exigence de cette culture en travail.
Nous nous attendons à ce que la disponibilité de
la main d'oeuvre influence positivement la décision du paysan d'investir
dans l'entretien de ses plantations de café.
Age de la
plantation
Avec l'age, les rendements des plantations connaissent une
baisse naturelle. L'on pourrait alors penser que les propriétaires des
parcelles les plus âgées, seraient beaucoup plus enclins à
investir dans leurs vieilles plantations pour en améliorer la
productivité. De plus, les veilles plantations étant plus
exposées aux maladies et attaques d'insectes, seraient beaucoup plus
enclins à utiliser les produits phytosanitaires que les
détenteurs de jeunes parcelles de cacaoyer.
Taille de la
plantation
A travers leurs études effectuées respectivement
dans la province Shoa en Ethiopie, KEBEDE et al. cités par ATSE
(op. cit), , ont trouvé que la taille des exploitations est la variable
significative dans la décision du paysans d'utiliser e des pesticides et
des fertilisant.
Toutefois, vu le coût élevé des produits
phytosanitaires, il nous paraît plus simple pour les petits exploitants
(ayant besoin de petites quantités) d'acheter les intrants contrairement
aux grands propriétaires. Cependant les petits propriétaires
(avec les rendements faibles observés) disposant de revenus très
faibles seraient-ils en mesure de se procurer les produits.
Cultures concurrentes
Depuis leur première diffusion en Côte d'Ivoire
en tant que plantation, le café et le cacao sont devenus des cultures
complémentaires et concurrentes (RUF et STESSELS ,1986). Aussi, le
« boom cacao » des années 1970 a eu pour corollaire
un déclin de la production de café. Ils expliquent cela par le
prix du café trop faible par rapport au prix de la culture concurrente
qu'est ce cacao. Ils ont par ailleurs montré que les temps de travaux
par hectare et par tonne de produit, étaient plus élevés
pour le café que pour le cacao (environ 40%). Il s'en donc suivi une
conversion des extensions café au profit des extensions cacao.
Avec la crise que traverse le café, on assiste à
l'avènement d'autres cultures concurrentes du café. Les plus
importants sont le palmier à huile et l'hévéa (LMC, 1997).
L'impact de ces cultures sur le café est variable d'une région
à l'autre mais est plus prononcé dans le sud ouest de la
Côte d'Ivoire (BNETD, 2004). Ainsi, il ressort de l'étude de
NYEMECK et al.(op. cit.) que les paysans préfèrent
allouer prioritairement les temps de travaux familial et les groupes d'entraide
en faveur des cultures qu'ils jugent plus rentables. Cela ne permettait pas
d'effectuer certaines activités liées au café et affectait
négativement l'efficacité technique des exploitations.
CAPITRE 2 :
PRESENTATION DU DEPARTEMENT D'ABOISSO
|