4/ L'auto-exclusion des familles
4.1/ Le sentiment de culpabilité et de honte
L'enquête a révélé que le
sentiment de culpabilité et de honte est omniprésent chez
l'ensemble des personnes interrogées. Cette culpabilité semble
amener les familles vers l'auto-exclusion de l'accès aux loisirs.
v Mme A. : « je me sens un peu
coupable. »
v Mr et Mme D. : « on s'est dit :
« pourquoi on a fait ça ? » »
v Mme E. : « c'est l'engrenage et on
réalise après les conneries qu'on a fait. »
v Mme B. : « j'ai honte. Je ne suis pas
très à l'aise quand même. »
v Mme C. semble être la plus
culpabilisée : « c'est de ma faute (...) C'est moi la
coupable (...) Comment j'ai pu être aussi stupide (...) J'ai honte (...)
C'est de ma faute (...) C'est de ma faute si j'en suis
là. »
La culpabilité et la honte semblent empêcher
« l'autorisation » d'accéder aux loisirs. En effet,
de par cette culpabilité omniprésente, les personnes ne
s'autorisent plus les dépenses de loisirs, sans doute par crainte de ne
pas être raisonnables. Ces personnes semblent vivre le plan conventionnel
et la restriction comme une punition, une injustice.
v Mme A. : « fallait
réfléchir avant et on a pas réfléchi donc on nous
sert la ceinture. On s'en mord les doigts. »
v Mr F. : « j'ai fait la bêtise
donc il faut que je répare les dégâts. »
v Mme B. : « j'avais l'impression
d'être traitée comme quelqu'un qui a commis un
crime. »
v Mr et Mme D. : « on se sent un peu
exclu de la consommation et c'est dur de voir tout le monde partir en vacances
mais on a mal géré donc il faut assumer, c'est comme
ça. »
v Mme E. : « je ne ressens pas
forcément un sentiment d'injustice car j'aurais pas dû faire de
crédits. C'est de ma faute, pas celle des autres. Mais, des fois, j'en
veux à la terre entière. En fait, je me sens exclue. J'aimerais
être comme eux, en terrasse. »
v Mme C. : « c'est injuste, oui et non.
Non parce que c'est de ma faute si j'en suis là, mais oui quand
même parce que là, je vis sans vivre. C'est pas facile à
expliquer. Je vis sans vivre parce que je survis. Y'a pleins de choses que je
ne peux pas faire. »
4.2/ Une illusion, un enfermement dans le
surendettement
a) Le surendettement, une situation tabou
Une grande majorité des personnes interrogées
font en sorte de ne pas montrer qu'elles sont en situation de
surendettement :
v Mme B. : « je n'ai pas prévenu
ma famille et mes enfants, j'évite de leur en parler. Les amis et les
collègues, c'est pareil. »
v Mme E. : « j'essaie de ne pas montrer
que je suis surendettée même si je sais qu'on n'est pas les seuls
(...) On a gardé tout à l'intérieur. »
v Mme A. : « personne n'est au courant.
Juste ma mère mais on en parle jamais. Ca me stresse d'en
parler. »
v Mme C. : « c'est pas facile de dire aux
gens. Les gens disent « ah mais tu dis que tu es seule mais tu ne
sors pas, on te propose des sorties, tu viens pas », mais j'ose pas
dire que j'ai un dossier de surendettement. C'est pas facile à
dire. »
Les personnes surendettées expriment leur
volonté de ne pas révéler leur surendettement.
Nous pouvons souligner que, dans leurs réponses, elles
n'expliquent pas pourquoi. Nous pouvons émettre l'hypothèse que
la honte est la raison principale. En effet, cette honte, cette gêne, est
évoquée par l'ensemble des personnes surendettées lors
d'une question suivante.
b) La restriction des relations familiales, amicales et
professionnelles
Même si les personnes surendettées ne souhaitent
pas révéler leur surendettement, il leur est difficile de ne pas
restreindre les relations familiales, amicales et professionnelles. Elles
expliquent ces restrictions du fait d'un budget obéré.
v Mr F. : « je préfère dire
que ce mois-ci, c'est un peu raide ou alors je trouve une excuse
« j'ai oublié ma carte bleue » ou « je
suis occupé aujourd'hui ». »
v Mme A. : « j'invite plus personne ou
alors ils participent au repas. »
v Mme E. : « on ne sort jamais sauf le
ciné quand c'est 3,5€ (...) Je m'oblige à être
casanière pour ne pas avoir à
dépenser. »
v Mr et Mme D. : « souvent, on n'a pas
d'argent donc on répond que ça ne nous intéresse
pas. »
v Mme C. : « je me force à
restreindre mes relations familiales, amicales et professionnelles parce que je
n'ai pas assez d'argent (...) Je mens parce que je peux pas dire que je ne peux
pas. Je dis souvent que je garde mes petits enfants. C'est pas
évident. »
Pour Mme B., il est indispensable de conserver les mêmes
relations.
v « il ne faut pas restreindre les relations
avec la famille et les amis. Il faut garder la tête haute. Il faut garder
des liens. »
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