3/ Les facteurs d'exclusion de l'accès aux
loisirs
Ces différents facteurs peuvent être facilitant
ou limitant par rapport à l'accès aux loisirs.
3.1/ Les facteurs limitant
a) Une capacité d'épargne
La capacité d'épargne représente un
atout majeur dans l'accès aux loisirs. L'enquête a
révélé que 4 personnes sur 6 avaient réussi
à se constituer une petite épargne. Cependant, seule une personne
possède une épargne sans être bénéficiaire de
l'épicerie sociale. Celle-ci est la seule à avoir
déposé un dossier de surendettement suite à une baisse de
ressources. Nous pouvons donc d'ores et déjà affirmer que l'aide
alimentaire augmente les possibilités d'épargner.
Les raisons évoquées pour justifier l'absence
d'une épargne sont identiques :
v Mme B. : « Non, je ne peux pas, je
n'ai pas assez d'argent. »
v Mme C. : « Non, pas du tout, par manque
de moyens financiers. »
Cependant, il semblerait que les sommes
épargnées ne soient pas consacrées aux loisirs :
v Mme A. : « Oui, j'essaie de mettre 15
euros par mois. Je veux qu'ils soient prélevés directement mais
je ne veux pas y toucher, car si je commence à taper dedans, j'aurais du
mal à les remettre. »
v Mr et Mme D. : « Ben on met de temps en
temps. Ca varie en fonction de nos dépenses, mais souvent on essaie de
mettre 30 euros. C'est une poire pour la soif. »
v Mme E. : « Je mets 30 euros tous les
mois sur un livret. Je fais comme si je ne les avais pas. On ne sait jamais
quelle galère il peut encore m'arriver. »
v Mr F. : « Je m'oblige à mettre
au moins 20 euros. Comme ça, si j'ai des frais de voiture, je pourrais
dormir tranquille. »
Nous pouvons voir ici que les sommes sont nettement
supérieures pour les personnes bénéficiant d'une aide
alimentaire. La crainte d'un imprévu est la raison principal de la
constitution d'une épargne.
La capacité d'épargne est donc un facteur
limitant l'accès aux loisirs. Même si elle est envisageable, elle
reste néanmoins assez faible et ne permet pas aux personnes de la
consacrer aux loisirs.
b) Le traumatisme causé par le dossier de
surendettement
Les conséquences du dossier de surendettement sur les
personnes est un thème récurrent lors de mes entretiens. Il est
intéressant de constater l'ambivalence des réactions. En effet,
toutes les personnes interrogées s'accordent à dire que le
dépôt du dossier et la mise en place du plan conventionnel ont
été un soulagement :
v Mme A. : « le dossier nous a
soulagé. On n'y arrivait plus, on était coincé. Avec le
dossier, il n'y avait plus de harcèlement donc moins de
problèmes. »
v Mme C. : « oui, le dossier m'a
soulagé. Je ne dormais plus, j'avais peur d'aller ouvrir la boîte
aux lettres. J'étais harcelée (...) même la nuit (...)
C'était pas facile de dire aux gens « j'ai besoin
d'argent » (...) Dès le dépôt, je n'étais
plus harcelée donc j'étais bien (...) Je peux dormir
tranquille. »
Cependant, il semble que le dossier de surendettement soit
traumatisant :
v Mr F. : « le dossier de surendettement
est la pire chose qui pouvait m'arriver. Je suis marqué à vie et
je souhaite à personne de vivre ça. »
v Mme B. : « j'ai très mal,
très très mal vécu le dépôt du dossier.
J'avais l'impression d'être traitée comme quelqu'un qui a commis
un crime. »
v Mr et Mme D. : « le dépôt
était très difficile car ça veut dire aussi qu'on n'a pas
géré, qu'on est nul. Et vous savez, à notre âge,
c'est difficile à encaisser. On a vraiment eu l'impression d'être
des gosses et qu'on nous avait surpris en train de faire des bêtises.
C'est vraiment humiliant. »
v Mme E. : « j'ai été
rassurée, c'est sûr, mais vis-à-vis de mes enfants, c'est
dur (...) C'est dur de se dire on dépose un dossier de surendettement,
ça veut dire qu'on n'a pas su jouer notre rôle de père et
de mère de famille. »
Le dossier de surendettement, de par son image
négative, est un facteur limitant l'accès aux loisirs.
v Mme B. : « on a mal géré
donc il faut assumer, c'est comme ça (...) Quand on a
déposé un dossier, il faut se dire « restrictions,
restrictions », il faut assumer. »
v Mr F. : « avec le dossier, on n'ose
plus rien faire, ça nous refroidit ! »
v Mr et Mme D. : « avant le dossier, on a
mangé le pain blanc, maintenant, on mange le pain
noir. »
v Mme A. : « depuis que j'ai un dossier
de surendettement, j'évite les sujets sur l'argent. J'écoute mais
je ne participe pas. A quoi bon parler argent alors que j'en n'ai pas. Mais en
même temps, je n'avais qu'à pas faire des crédits.
Maintenant, les dépenses, c'est en stand-by. »
v Mme E. : « même si
l'épicerie sociale me permet quand même de faire un peu plaisir
à mes enfants, depuis le dossier de surendettement, j'ai du mal à
me dire que j'ai le droit de dépenser. J'ai toujours l'impression que
quand je dépense un peu, c'est mal car j'ai des dettes à
rembourser, un dossier de surendettement sur le dos. »
v Mme C. : « si j'en suis là,
c'est de ma faute (...) Je ne peux pas me permettre de dépenser 50 euros
dans les sorties (...) C'est mes bêtises donc c'est
normal. »
Après avoir évoqué les facteurs limitant
l'accès aux loisirs, nous allons voir les facteurs facilitants.
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