1.2/ Conséquences sur l'utilisation du
« reste à vivre »
L'ensemble des professionnels s'accordent à dire que
les personnes surendettées passivement ont plus de facilité
à utiliser le reste à vivre laissé par la Banque de
France :
v Mme M., AS : « Les personnes
surendettées passivement, avant de déposer un dossier, n'avaient
plus cette somme mensuelle disponible pour faire face à leurs besoins.
(...) Dans le surendettement actif, les personnes doivent faire un travail de
réflexion sur elles-mêmes, sur leurs modes de
consommation. »
v Le responsable adjoint du service surendettement de la
Banque de France : « C'est clair que ceux qui avaient un
fort train de vie ont beaucoup plus de mal à vivre avec le forfait, le
reste à vivre, que les personnes surendettées passivement. C'est
beaucoup plus difficile. Il faudra plus de temps pour s'y habituer et apprendre
à le gérer. »
L'utilisation du reste à vivre serait donc
différente selon l'origine du surendettement. Il apparaît
important d'analyser les représentations du reste à vivre par les
familles surendettées.
2/ Les représentations du « reste
à vivre »
La majorité des personnes interrogées ont
longuement réfléchi avant de répondre à ma
question : « Que signifie le reste à vivre pour
vous ? »
Pour elles, il existe un décalage entre la
définition faite par la Banque de France et la
réalité :
v Pour Mme B. : « Le reste à
vivre, en principe, c'est alimentation, hygiène et habillement. Pour la
Banque de France, c'est suffisant mais dans la réalité, c'est
dur, c'est différent. En réalité, c'est plutôt
alimentation et hygiène, et encore, il faut se limiter au
minimum. »
v Mr et Mme D. : « Le reste à
vivre, c'est ce qu'il nous reste quand on a tout payé. Ben c'est pas
grand-chose, même si pour la Banque de France, c'est
assez. »
v Mme A. : « Je ne sais pas ce que
ça signifie exactement car normalement, le reste à vivre, c'est
un forfait qui doit nous permettre de subvenir à nos besoins, mais en
réalité, c'est différent. J'ai eu des réparations
de voiture, mais que voulez-vous que je fasse avec 200 euros par
mois ? »
Pour certaines personnes, ce forfait est mal
vécu :
v Mme A. : « Ce forfait représente
beaucoup de restriction. Pour la Banque de France, on doit y arriver. C'est
peut-être moi qui ne sais pas gérer. De toute façon, je
n'avais qu'à ne pas faire de bêtises. »
v Mr et Mme D. : « Avec ce forfait
imposé, car on nous l'impose, on a l'impression d'être des
gosses ! On sait gérer notre budget vous savez, et , même si
le dossier nous a aidé et surtout soulagé, on n'aurait pas
réparti notre argent comme ça, car là, heureusement qu'on
a l'épicerie sociale, sinon je me demande comment on
ferait. »
Pour d'autres, la question est moins
tranchée :
v Mme E. : « Pour moi, c'est quand
même rassurant de savoir qu'il nous reste tant par mois mais si je
n'avais pas accès à l'épicerie sociale, je serais pas bien
dans mes baskets, car là, ça me permet de pouvoir faire plaisir
à mes enfants, alors que sans cette aide, ce serait plus
restreint. »
v Mme C. : « D'un côté,
c'est rassurant mais c'est aussi source de restrictions, car ce n'est pas
assez. Pour vivre comme il faut, du moins pour manger comme il faut, il me
faudrait plus. »
v Mr F. : « Ben, c'est vrai que pour moi,
c'est les deux. J'aime pas faire les comptes, donc c'est rassurant de savoir
qu'il me reste la même somme d'argent chaque mois. Mais d'un autre
côté, tous les mois c'est la même somme et je suis
obligé de me restreindre. Je ne peux pas me dire, tiens ce mois-ci je
fais ci, ou ça, parce que tout est compté et tous les mois c'est
pareil. »
v Pour Mme B., il semblerait que bien que le reste à
vivre soit rassurant, il est également néfaste :
« Ben rassurant, je ne sais pas trop. C'est vrai qu'avec le plan,
c'est très clair mais c'est dur quand même, on ne peut même
pas partir en vacances. Ca fait 4 ans qu'on ne gère pas nous même
et ça, c'est dur pour moi. (...) On avait un train de vie quand
même élevé. C'est pour ça, le reste à vivre,
on a eu beaucoup de mal, c'était horrible. »
Il semblerait donc que le fait d'avoir un budget
préétabli soit rassurant pour ces personnes. Néanmoins, ce
forfait est source de restrictions et peut infantiliser certaines personnes qui
ont des difficultés à accepter qu'un budget leur soit
imposé. De par cette proposition de budget, certaines personnes ont le
sentiment de ne plus rien gérer, de ne plus gérer
elles-mêmes leur budget.
Le témoignage de Mme B. confirme les propos du
responsable adjoint du service surendettement de la Banque de France. Il
semblerait donc que les personnes surendettées activement, ayant eu un
train de vie assez confortable, aient plus de difficultés à
s'accommoder le « reste à vivre ».
Nous allons analyser les facteurs d'exclusion d'accès
aux loisirs.
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