La théorie des pôles de croissance
Pour François Perroux (1958), l'instauration du
marché commun devait conduire à l'accroissement des
disparités régionales et à une polarisation de
l'activité économique. Selon lui, certains secteurs exercent un
pouvoir d'attraction sur d'autres activités. Le pouvoir d'attraction de
ces entreprises pilotes se trouve ensuite renforcé par des effets
multiplicateurs locaux. La croissance économique se localiserait alors
dans certains points privilégiés de développement
actuel et virtuel au détriment des régions
défavorisées.
La politique régionale optimale serait d'investir
prioritairement dans des pôles à fort potentiel de croissance au
sein même des régions pauvres en acceptant un creusement
momentané des inégalités régionales dans l'espoir
de générer des bénéfices à plus long terme
pour l'ensemble de la région par effet de contagion.
Cette politique est, par exemple, poursuivie en Irlande dans
le cadre de la << National Spatial Strategy >> qui identifie des
<< Hubs >> et des << Gateways >> comme pôles
d'investissement privilégiés et prioritaires11. Le
développement de la région de Dublin a suivi, avec un certain
succès, cette logique durant les années 1990. La capitale devait
alors servir de locomotive pour l'ensemble de l'économie nationale.
Les théories de la croissance endogène
Romer (1986, 1990), Grossman et Helpman (1991), et les autres
théoriciens de la croissance endogène pensent que
l'intégration économique creuse les divergences
économiques entre pays et régions. Ces auteurs critiquent la
vision néoclassique du progrès technique en intégrant au
modèle les forces économiques qui l'induisent. Le progrès
technique est considéré comme le moteur de la croissance
économique et le profit que les entrepreneurs espèrent retirer de
l'innovation en est le carburant12. Le taux de rendement du capital
est ici non décroissant, notamment parce que le concept de <<
capital >> est, cette fois, élargi au capital humain, public et
technologique. D'après Aschauer (1989) et Barro (1990), en
considérant le capital humain ou public comme un input de la fonction de
production, la théorie reconnaît à une politique
finançant par exemple des infrastructures publiques ou améliorant
la formation de la main d'oeuvre, la possibilité d'améliorer la
productivité marginale du capital privé et
11 Pour plus de détails, voir Internship Report,
Defourny (2004), p. 32.
12 Jones (1999), p. 163-165.
ainsi de soutenir la croissance. Une telle politique peut rendre
les investissements suffisamment rentables pour garantir une croissance
continue du stock de capital.
Dans les modèles de croissance endogène, des
disparités dans la croissance économique de long terme peuvent
être expliquées par des efforts inégaux en recherche et
développement et en innovation technologique. Ceci est
particulièrement important si on considère que le taux de
rendement de la connaissance et de la technologie est croissant. Cela implique
que le fossé entre les régions défavorisées et les
régions plus développées aura touj ours tendance à
s'accroître, les régions les plus riches étant
vraisemblablement plus à même de gonfler leur stock
technologique.
Pour inverser cette tendance, les modèles de croissance
endogène préconisent dès lors une politique en mesure
d'aider les régions les plus pauvres à combler leur retard
puisqu'elles ne sont pas à même de le faire seules. Les efforts
politiques devraient donc être concentrés en priorité dans
le développement de nouvelles technologies au sein des régions
défavorisées. Plus généralement, les pouvoirs
publics doivent mettre en place des infrastructures et un environnement propice
au développement économique qui permettent notamment aux
chercheurs et aux entrepreneurs de tirer profit de leurs innovations et de
leurs investissements.
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