3. Les théories de l'écart technologique
D'autres auteurs, parmi lesquels Fagerberg & Verspagen
(1996)8, pensent que les caractéristiques de bien public de
la connaissance peuvent jouer en faveur des économies moins
développées. L'idée de base, d'influence
schumpetérienne, est assez simple : il est plus facile de copier que
d'inventer. Les régions plus défavorisées peuvent ainsi
adapter, imiter et utiliser les technologies élaborées dans les
régions les plus riches sans avoir à réinventer
ellesmêmes. Les régions en retard de développement
progressent donc par imitation et par ingénierie inverse. Ainsi, dans le
même ordre d'idée que la théorie néoclassique, plus
une région présente un retard technologique important, plus elle
dispose d'opportunités de combler son retard. Le processus de
convergence est donc ici aussi automatique. La seule politique
interventionniste envisageable serait alors de promouvoir le progrès
technologique local et d'investir dans la recherche de haut niveau pour
favoriser l'exploitation des technologies développées
ailleurs.
B. Les théories pessimistes de la polarisation
régionale
A ces modèles relativement optimistes annonçant
une convergence automatique des niveaux de revenu, on peut opposer une
série de théories prévoyant plutôt une polarisation
économique et une divergence accrue des niveaux de développement
des régions. Dans de tels
8 Voir aussi Cappelen, Castellacci, Fagerberg & Verspagen
(2003).
cadres théoriques, une politique régionale
proactive est absolument indispensable si on veut parvenir à une
répartition plus équilibrée des richesses entre les
régions. Voyons brièvement les lignes essentielles de ces
courants de pensée plus "pessimistes".
1. La théorie de la causalité cumulative
Déjà dans les années cinquante, Myrdal
(1957) considérait la croissance comme un processus spatial cumulatif
susceptible d'accroître les disparités régionales et
conduisant à une polarisation spatiale de l'économie. Selon lui,
les effets des économies d'agglomération et les rendements
d'échelle croissants conduisent à un processus cumulatif de
croissance créant des différences entre régions et
engendrant un cercle vicieux. Ce processus de renforcement de la richesse ou de
la pauvreté donne lieu à des effets de remous9
(l'agglomération draine vers elle les ressources aux dépens
des autres régions) mais aussi à des effets de
propagation10 de la croissance qui, eux, profiteraient aux
régions périphériques. C'est l'observation empirique de la
polarisation de l'économie qui pousse Myrdal à conclure que les
effets de remous dominent finalement les effets de propagation.
Vanhove (2000) rappelle que dans les années septante,
des auteurs tels que Nevin (1972) et Stahl (1974) entretenaient le pessimisme
ambiant quant à l'évolution de l'intégration
européenne. Ils prévoyaient alors que l'Union monétaire
provoquerait une migration massive du capital et du travail vers un nombre
restreint de pôles économiques. Ce phénomène aurait
dû accroître les salaires dans les régions
défavorisées sans que la productivité ne suive la
même évolution. Par ailleurs, considérant les puissantes
disparités au sein de l'Union Européenne et après avoir
énuméré les différents facteurs de divergence et de
convergence, Vanhove (2000) conclut que les forces agissant actuellement en
faveur de la convergence sont plus faibles que les forces creusant les
écarts.
Une telle conclusion débouche naturellement sur la
nécessité d'une politique régionale tentant d'inverser le
processus d'accumulation qui s'opère en faveur des régions
riches. La priorité devrait ainsi être donnée au
développement des infrastructures dans les régions
défavorisées, à la concentration des investissements
productifs sur de nouveaux pôles de croissance et à la
discrimination fiscale positive de ces régions pour les rendre plus
attractives pour les investisseurs.
9 Ces forces centripètes ou << Backwash effect
>> résultent essentiellement d'externalités technologiques
positives, d'effets du marché du travail ou de relations
commerciales.
10 Ces forces centrifuges ou << Spread effect >>
proviennent pour l'essentiel des effets de congestion, de la pollution ou de la
concurrence pour les facteurs immobiles (coût du terrain...).
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