2. La théorie néoclassique de la
croissance
Solow (1956), dans sa théorie de la croissance,
reconnaît l'existence de disparités régionales initiales
mais prévoit à terme le même type de convergence que la
théorie néoclassique du commerce international. Partant des
hypothèses de rendements décroissants du capital et
d'exogénéité du progrès technique, chaque
région convergera vers un taux de croissance du revenu par tête de
long terme : le taux d'état stationnaire. "L'état
stationnaire est un phénomène important à deux
égards ... une économie qui l'a atteint ne bouge plus5
... et une économie qui ne l'a pas atteint tend vers lui. L'état
stationnaire représente l'équilibre de longue période de
l'économie." (Mankiw, 2001, p. 101)
Le modèle de Solow se développe autour de deux
équations : une fonction de production et une fonction d'accumulation du
capital. De leur interaction avec le progrès technique (exogène
et librement disponible pour tous) résulte cet état stationnaire
de longue période. La production par tête est donc parfaitement
déterminée par le taux de croissance de la population active
ainsi que par la productivité et le taux d'accumulation du capital
physique et humain. Le progrès technique étant postulé
exogène6, la formation de la main-d'oeuvre et le taux
d'épargne sont les déterminants clés du stock de capital
de l'état stationnaire. A l'état stationnaire, l'économie
est en équilibre : la production par travailleur progresse exactement au
même taux que le progrès technique, le long d'un chemin de
croissance équilibrée. Le taux de croissance du revenu par
tête y est alors complètement déterminé par la
technologie, exogène au modèle.
A cause des rendements décroissants du capital, le
principe de dynamique transitionnelle veut qu'une économie se trouvant
en dessous de son état stationnaire connaîtra temporairement un
taux de croissance supérieur à celui qui prévaudrait en
état stationnaire. En outre, plus une économie se trouve en
dessous de son état stationnaire plus elle convergera rapidement vers
celui-ci. Il faut néanmoins préciser que cet état
stationnaire n'est pas nécessairement identique pour toutes les
économies7. Il dépend en effet des
caractéristiques fondamentales de l'économie en question qui
peuvent la différencier de façon structurelle d'une autre
économie. Par exemple, plus le taux d'investissement en capital humain
et physique sera important et plus le taux de croissance de la population sera
bas, plus l'état stationnaire du niveau de
5 A l'état stationnaire, il n'y a plus de variation du
taux de croissance: le revenu par tête et le progrès techniques
(exogène) croissent exactement au même rythme.
6 "Le progrès technique de Solow est une "manne
tombée du ciel" car son action est automatique et indépendante
des circonstances économiques" (Jones, 1999, p. 41)
7 On parle alors de « convergence conditionnelle ».
revenu par tête sera élevé. Dans ce
modèle, en modifiant le taux d'investissement ou en améliorant la
formation de la main-d'oeuvre de l'économie en retard, une politique
publique pourra affecter le taux de croissance et le faire dévier de son
taux d'état stationnaire initial, mais uniquement temporairement,
jusqu'à un nouvel état stationnaire. Ceci revient à
accélérer ponctuellement un processus automatique. Des pays aux
économies structurellement semblables sont condamnés à
converger et l'accumulation de capital est l'outil de réduction des
différences de productivités.
Selon ces deux approches néoclassiques, la politique
d'assistance financière aux régions défavorisées
est donc relativement inutile et certainement pas indispensable à la
convergence. Au mieux, en augmentant le stock de capital physique, elle peut
accélérer temporairement le taux de convergence des
régions en retard mais sans en modifier l'état stationnaire de
long terme.
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