La convergence régionale au sein de
l'Union Européenne : Eclairages
théoriques et empiriques
L'enjeu majeur de cette première partie sera de cerner
progressivement les concepts et les outils permettant d'appréhender la
convergence économique. Nous synthétiserons d'abord les
principaux courants théoriques traitant de la convergence. Ensuite, nous
les confronterons aux observations empiriques de la convergence
régionale au sein de l'Union Européenne au cours de ces
dernières décennies. A cette occasion, nous comparerons les
résultats obtenus à l'aide de différents tests de
convergence en coupe transversale. Cela devrait nous permettre
d'apprécier la capacité prédictive des différentes
théories, mais surtout de découvrir le sens des évolutions
actuelles: les disparités sont-elles en train de se creuser ou bien
sommes-nous pris dans un processus de convergence régionale?
Chapitre 1 : Les différentes théories de
convergence ou
divergence économique : un aperçu
général
Face aux disparités régionales persistantes et
à une intégration économique toujours plus poussée,
que dit la théorie économique ? Existe-t-il des alternatives
à la pensée néoclassique? Peut-on espérer une
croissance plus rapide des régions les plus pauvres ? Les régions
convergent-elles, au moins à long terme, vers un même niveau de
revenu par habitant ?
On peut grossièrement scinder l'ensemble des
théories économiques en deux vastes courants divergents. D'un
côté, nous présenterons les théories plutôt
optimistes pour lesquelles la convergence est une question de temps et de
conditions favorables à réunir. De l'autre, nous verrons un
ensemble de théories nettement plus pessimistes selon lesquels
l'évolution naturelle est à la divergence régionale.
A. Les théories optimistes de convergence
automatique
Certaines théories économiques, notamment
néo-classiques, annoncent une convergence régionale automatique
et soutenue. Ces courants "optimistes" considèrent, au mieux,
l'intervention redistributive au niveau européen comme potentiellement
utile mais certainement pas indispensable. Dans le pire des cas, elle peut
même avoir de graves effets pervers à cause du détournement
de ressources qu'elle provoque.
1. La théorie néoclassique du commerce
international
Eli Heckscher (1919) et Bertil Ohlin (1933) dans leur
théorie des avantages comparatifs prédisent, sous certaines
conditions assez contraignantes, une amélioration automatique de la
convergence économique ainsi qu'une égalisation du prix des
facteurs de production. Selon ce modèle, l'avantage comparatif d'un pays
provient de sa dotation relative en facteurs de production. En outre, la
technologie est considérée comme un bien commun, accessible
à tous et à rendements constants3.
Deux pays passant de l'autarcie au libre-échange sont
amenés à se spécialiser dans la production du bien qui
utilise le plus intensément le facteur de production dont ils sont, l'un
et
3 L'hypothèse de rendements d'échelles non
croissants est essentielle pour l'égalisation des productivités
marginales des facteurs et donc de leur rémunération.
l'autre, le mieux dotés. Il exportera ce bien qu'il
produit, en échange du bien dont il a cessé la production. Les
deux économies devraient alors assister à la convergence de leurs
productivités marginales et de leurs revenus ainsi qu'à une
amélioration générale du bien-être.
Dans un tel cadre conceptuel, la taille d'un pays n'a pas
d'influence sur ses avantages comparatifs et le commerce des biens pouvant se
substituer au mouvement des facteurs de production, ceux-ci n'ont pas
d'incitation à migrer. Par hypothèse du modèle, les
facteurs de production sont donc immobiles entre pays.
Si toutefois, il devait y avoir mobilité parfaite des
facteurs (comme c'est partiellement le cas au sein de l'Union
Européenne), toute différence spatiale de
rémunération disparaîtrait spontanément du fait de
leurs déplacements et les conclusions de convergence du modèle ne
seraient pas altérées. Si l'on tient compte des coûts de
transport, la convergence n'est plus parfaite mais ne disparaît pas pour
autant. Par contre, la présence de taxes ou de subsides sur les
échanges internationaux ne peut que réduire l'augmentation de
bien-être global. A moins d'aider à la suppression des
barrières à la mobilité, toute politique régionale
est inutile dans un tel contexte.
Si les résultats prévus par le
théorème sont loin d'être observés dans la pratique,
c'est largement dû au caractère relativement restrictif de
certaines hypothèses. C'est notamment le cas pour les hypothèses
de plein emploi, d'homogénéité des facteurs de production,
de fonctions de productions identiques ou encore de concurrence
parfaite4.
Néanmoins, dans un tel cadre de réflexion
théorique, que la mobilité des facteurs de production soit
parfaite ou nulle, les inégalités entre revenus moyens par
habitant ne peuvent être que passagères. La convergence est
réelle et automatique et toute politique régionale en faveur des
régions défavorisées est relativement inutile. Les
obstacles à cet équilibre naturel étant liés aux
entraves posées à la mobilité des biens, du capital, de la
main-d'oeuvre ou de la connaissance, la seule politique européenne
envisageable revient alors à des mesures de dérégulation
et à la réalisation de programmes d'investissements en
matière de transport.
4 Gazon J. 2001-2002, "Economie Internationale", notes de cours,
Université de Liège, Faculté d'Economie, de Gestion et de
Sciences Sociales.
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