Introduction
Au sortir de la seconde guerre mondiale, la Communauté
Européenne du Charbon et de l'Acier, puis le Marché Commun ont
été conçus comme des instruments du développement
économique et du maintien de la paix. L'interdépendance et le
rapprochement économique des différents pays concernés
apparaissaient comme des vecteurs majeurs de stabilité
géopolitique en Europe Occidentale. Imprégnés des vertus
du libre échange, les pays signataires du Traité de Rome avaient,
pour priorités économiques, l'abaissement progressif des
barrières au commerce et la réalisation d'un véritable
"marché commun". A l'exception de quelques secteurs particuliers,
principalement l'agriculture, nécessitant une politique publique forte,
l'intervention des autorités des "Communautés Européennes"
s'est longtemps limitée, pour l'essentiel, à la mise en place
d'un cadre légal et institutionnel favorisant le libre jeu de la
concurrence1.
L'enchaînement des élargissements a peu à
peu soulevé le problème des déséquilibres entre les
niveaux de développement des Etats membres. En effet, les
adhésions de l'Irlande en 1973, puis de l'Espagne et du Portugal en 1981
et enfin de la Grèce en 1986 ont considérablement creusé
les disparités de richesse entre régions de la Communauté
Européenne. En l'an 2000, les dix pour cent de régions
européennes les plus riches avaient un PIB/hab. 2,6 fois
supérieur au dernier décile du peloton2. A la veille
du passage à 25 Etats membres, près d'un quart de la population
vivait dans des régions dont le PIB/hab. est inférieur à
75% de la moyenne de l'Union. Et que dire depuis ce dernier
élargissement?
Une aggravation des inégalités de
développement pourrait constituer une menace pour la stabilité et
la progression de l'Union. En effet, de trop grands écarts de richesse
entre régions peuvent multiplier les situations conflictuelles. Mais la
capacité des régions plus défavorisées à
combler d'elles-mêmes leur retard est pourtant loin d'être
évidente. Face à l'ampleur du défi, l'Union
Européenne ne pouvait rester inactive: à la fin des années
quatre-vingt, elle s'est dotée d'un outil ambitieux de redistribution
des revenus et de correction des inégalités. Les Fonds
Structurels, dont la naissance formelle remontait à 1968, mais sans
moyens importants, ont alors pris leur véritable envol. A l'heure
actuelle, ils représentent probablement une des
1 Les missions principales assignées en ce sens aux
autorités européennes étaient alors la politique
anti-trust et le contrôle des aides d'Etat.
2 A titre indicatif, Puga (1999 et 2002) montre qu'aux
Etats-Unis, seuls deux Etats représentant 2% de la population totale ont
un revenu par habitant inférieur aux trois quarts de la moyenne
fédérale. Pour Boldrin & Canova (2001), les
inégalités régionales de l'Union Européenne sont
deux fois supérieures à ce qu'on rencontre aux Etats-Unis.
facettes de l'Union Européenne parmi les plus
médiatiques et les plus visibles du grand public. C'est en effet
à eux que l'on doit les innombrables panneaux annonciateurs de chantiers
estampillés du drapeau européen, qui jalonnent les routes du
Portugal, d'Irlande ou encore des îles grecques. C'est également
eux qui suscitent jalousie et convoitise au moment où la Commission
Européenne annonce sa sélection des régions retenues pour
bénéficier de ces aides.
Mais qu'en est-il de l'évolution des disparités
régionales au sein de l'Union Européenne? Peuton
reconnaître un rôle significatif à la Politique de
Cohésion dans cette évolution et si oui, lequel? Ce sont
là, les deux questions centrales de ce mémoire.
La première partie de notre travail s'articulera avant
tout autour du concept de convergence économique. Nous
présenterons les débats théoriques sur le sujet, puis nous
chercherons à cerner l'évolution des disparités
régionales dans l'Union Européenne au cours des dernières
décennies. Nous espérons alors être en mesure de
déterminer si nous sommes, à l'heure actuelle, dans une dynamique
de convergence ou de divergence.
Dans une seconde partie, nous nous consacrerons à
l'examen de la Politique de Cohésion dans son rôle de
réduction des disparités régionales. Après une
présentation de l'outil, nous essayerons de voir si des théories
économiques cautionnent cette intervention publique d'envergure. Enfin,
en combinant divers angles d'approche, nous tenterons d'évaluer de
manière critique l'impact des Fonds Structurels sur l'évolution
des inégalités de richesse entre les régions
européennes.
PREMIÈRE PARTIE
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