1.2. Les études économétriques
Malgré l'intérêt grandissant pour la
convergence régionale en Europe, les études
économétriques de l'impact des Fonds Structurels sur la
croissance régionale sont relativement peu nombreuses. Parmi celles qui
présentent des résultats résolument positifs, on retiendra
surtout les suivantes :
100 Voir parmi d'autres: Hallet (2002), Sosvilla-Rivero,
Bajo-Rubio & Díaz-Roldán (2004), Gaspar & Pereira (1992),
Pereira (1999), Goybet & Bertoldi (1994) ou encore Bradley, Herce &
Modesto (1995)
101 Voir 6ème rapport périodique sur la
situation et l'évolution socioéconomique des régions
(1999)
Tout d'abord, comme on pouvait s'y attendre, la Commission
Européenne (2004)102, trouve un taux de convergence nettement
supérieur pour les 55 régions bénéficiant du statut
Objectif 1 depuis 1988. Avant cette date, en l'absence de véritable
soutien européen, ces mêmes régions retardataires ne
montraient aucun signe de rattrapage. Les résultats obtenus par la
Commission (2004, p. 146) sont "idéals" : "Parmi les régions
d'Objectif 1, celles qui avaient le niveau de PIB par habitant le plus bas ont
eu tendance à avoir la croissance la plus rapide aussi bien entre 1988
et 1994 que entre 1994 et 2001."
Selon Cour & Nayman (1998), les régions les plus
défavorisées affichent un taux de croissance nettement
supérieur à toutes les autres. Ils dressent un bilan tout aussi
positif que la Commission puisque, dès la première période
de programmation, ils trouvent un impact significatif des Fonds Structurels sur
la convergence. "Lorsqu'on introduit les Fonds Structurels dans
l'équation de convergence, il apparaît que ces derniers ont un
impact positif important : ils expliquent la moitié de la convergence
observée sur la période 1989-1993." (Cour & Nayman,
1999, p. 3).
Fayolle & Lecuyer (2000)103 sont
déjà plus nuancés. Ils ont développé une
estimation originale de l'évolution des différentes
régions par rapport à ce qu'ils considèrent être la
région leader : la région de Hambourg104. Ils ont
ainsi construit un indicateur de rattrapage et cherchent l'influence que
certains facteurs peuvent avoir sur celui-ci. "Quelles que soient les
autres variables introduites, la dotation en Fonds Structurels influence
significativement et positivement la performance de rattrapage" (Fayolle
& Lecuyer, 2000, 189). Ce résultat semble cependant uniquement
attribuable aux Fonds Structurels d'Objectif 1. Par ailleurs, certaines
appartenances nationales apparaissent significativement handicapantes. En
particulier, la mauvaise qualité de la coordination entre les instances
communautaires, nationales et territoriales contrecarre sérieusement
l'efficacité des Fonds Structurels.
Parmi les études mesurant directement l'impact de la
Politique de Cohésion sur la croissance régionale, le recours
à une régression de f3-convergence conditionnelle est
certainement une des techniques les plus utilisées. En effet, on peut
intégrer, dans l'équation (3) de f3- convergence conditionnelle
(voir chapitre 2), une variable reflétant la dotation en Fonds
Structurels ou l'éligibilité à un Objectif
spécifique. Le signe et la significativité du paramètre
102 Voir "Troisième rapport sur la cohésion
économique et sociale".
103 Pour 131 régions sur la période 1986-1996
104 L'objectif est donc ici d'estimer le rattrapage par
rapport à la région la plus riche et non plus la convergence vers
une moyenne européenne. Généralement, les régions
les plus riches ont une croissance économique supérieure à
la moyenne européenne. Un rattrapage significatif des régions
pauvres ne peut, dès lors, se traduire ici que par une convergence vers
la moyenne européenne.
de cette variable traduiront son influence sur la convergence.
Suivant cette méthode pour la période 199 1-1996, Capron (2000)
trouve un lien étroit entre croissance régionale et Fonds
Structurels. "La politique structurelle communautaire pourrait être
à l'origine d'une accélération de un à deux points
de pourcentage annuel du processus de convergence régionale au niveau
NUTS II." (Capron, 2000, p. 231). Toutefois, si la politique communautaire
renforce le processus de convergence entre Etats membres, elle n'y contribue
pas de manière uniforme au niveau régional. Par rapport à
d'autres, certaines régions semblent tirer nettement mieux profit des
Fonds mis à leur disposition.
Enfin, pour la période 1980-1997, Cappelen et al.
(2003) construisent, sans la nommer, une régression très proche
de la f3-convergence conditionnelle105. La nouvelle Politique de
Cohésion étant en vigueur à partir de 1989, ils
définissent deux sous-périodes allant respectivement de 1980
à 1988 et de 1989 à 1997. Parmi le grand nombre de variables
intégrées à la régression, une "time-slope dummy"
permet d'identifier les changements de comportements des autres variables entre
les deux sous-périodes. Les résultats obtenus sont clairs et
robustes : les Fonds européens jouent un rôle nettement plus
important au cours de la seconde sous-période, ce qui tend à
confirmer la réussite de la réforme de 1989. Depuis lors,
"Les aides régionales européennes ont un impact significatif
et positif sur la croissance des régions européennes. Elles
contribuent ainsi à une plus grande égalité de
productivité et de revenu en Europe." (Cappelen, Castellacci,
Fagerberg & Verspagen, 2003, p. 640). Toutefois, l'efficacité des
Fonds structurels semble dépendre du niveau de développement de
la région qui en bénéficie. Leur impact sur la croissance
régionale apparaît en effet plus marqué pour les
régions plus développées que pour celles qui sont plus
démunies.
Dans l'ensemble, ces différentes études
économétriques concluent à un impact positif et
significatif des Fonds Structurels sur la convergence régionale.
Toutefois, si on laisse de côté l'évaluation
réalisée par la Commission elle-même, cette influence
apparaît souvent conditionnée par l'un ou l'autre facteur comme
l'appartenance nationale, le niveau de richesse initial ou la qualité
des institutions. La Politique de Cohésion ne parviendrait donc pas au
même degré d'efficacité dans toutes les régions.
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