C. L'imperfection de la redistribution : quelques
explications possibles
Quelques réserves ont déjà
été émises plus haut quant au niveau de
redistributivité effective des Fonds Structurels, en particulier une
fois que l'on pondère la redistribution par le niveau de revenu. Nous
voudrions apporter quelques explications complémentaires à ce
bilan. Quelles sont les principales raisons de ces imperfections de
redistribution?
- D'abord, la redistribution financière n'est qu'en
partie l'objectif de la politique européenne de cohésion.
Certaines aides européennes ne sont pas régionales mais
"thématiques", ce qui implique qu'elles ne sont pas
nécessairement destinées aux régions les plus
pauvres83. D'autre part, les aides liées aux Objectifs 2 et 3
n'entretiennent aucun lien précis avec le niveau de revenu par
habitant.
- Les jeux politiques de compensation et d'influence
viennent "polluer" la règle. En effet, on observe que des régions
de même niveau de développement peuvent avoir accès, dans
la pratique, à des fonds considérablement différents.
Ainsi, au sein d'un même Objectif, le montant des aides peut varier
énormément. Vanhove (2000) prétend que c'est le trop grand
nombre de critères d'éligibilité qui ouvre la porte
à ces pressions en tous genres. Toujours est-il qu'il y a là un
véritable "marchandage institutionnel" entre les différents
échelons communautaire, national et régional. Dans ces luttes
d'influence, toutes les régions, même les plus riches, semblent
parvenir à obtenir au moins quelques fonds. Comme le montrent Costa,
Magnette & Weerts (2001), le cas du Hainaut, loin d'être
isolé, est assez explicite. Avec un niveau de revenu par habitant
s'élevant en 1993 à 77,3% de la moyenne communautaire, la
province ne répondait pas strictement au critère
d'éligibilité à l'Objectif 1. Le Hainaut a
néanmoins obtenu ce statut pour la période de programmation de
1994 à 1999, lui permettant de bénéficier des sommes
considérables qui y sont attachées.
- A revenus par habitant identiques, les régions ayant
bénéficié d'aides lors d'un exercice
précédent semblent mieux positionnées pour en
bénéficier encore lors de l'exercice suivant. Il apparaît
en effet qu'une véritable force d'inertie opérerait en
faveur des régions aidées par le passé. D'autre part, en
créant les Objectifs "en transition" (ou "phasing out")
83 C'est par exemple le cas du Fonds Social Européen qui
peut être investi dans tous les types de régions.
sensés atténuer le choc de sortie, la Commission
n'a fait qu'institutionnaliser cette force d'inertie. Par exemple, la
moitié Sud de la République d'Irlande, précédemment
éligible à l'Objectif 1, mais qui présente
désormais un revenu par habitant parmi les plus élevés de
l'Union, continue de jouir de certains soutiens financiers européens
à travers ce statut de transition.
- Enfin, certaines autorités de gestion des Fonds
européens dans de petites régions pauvres manquent de moyens et
de compétences pour gérer ces aides de manière efficiente
et pour obtenir tous les fonds auxquels elles ont droit. C'est par exemple le
cas de petites régions périphériques grecques qui ne
disposent pas de capacités administratives et de gestion
suffisantes pour remplir les critères stricts de la Commission.
D'autres facteurs peuvent encore freiner significativement la
redistributivité des Fonds Structurels. Nous y reviendrons dans notre
dernier chapitre. A ce stade-ci, retenons néanmoins qu'en dépit
des limites qu'on vient de souligner, la redistributivité des Fonds
Structurels semble relativement élevée.
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