4. Conclusions
Comme nous l'avons vu, la plupart des critiques concernant
l'analyse conventionnelle de la f3- convergence ne semblent pas remettre
fondamentalement en cause les observations que nous avons
dégagées. La convergence régionale, conditionnelle ou non,
paraît bel et bien avoir connu son apogée pendant les
années soixante et au début des années septante. Elle a
ensuite décru pour connaître son plus bas niveau voire
pratiquement cesser à la fin des années septante et au
début des années quatre-vingt. Les deux types de f3-convergence
que nous avons étudiés ont alors pris des directions sensiblement
différentes. Alors que la f3- convergence absolue redémarrait
timidement vers la fin des années quatre-vingt pour croître
lentement tout au long des années nonante, la f3-convergence
conditionnelle avec country dummy variables ne manifestait
pratiquement aucun signe de reprise.
Comme l'ont montré différents auteurs, cette
diminution de la vitesse de convergence lorsque l'on introduit des country
dummy variables à partir du milieu des années quatre-vingt
indique le développement d'un phénomène de "convergence
divergente". Les résultats relativement
67 Comme le souligne Boldrin & Canova (2001) certains
"désastre économiques" au déclin particulièrement
rapide auraient emprunté le chemin inverse pour se retrouver dans le
groupe des régions plus pauvres.
68 Etudes portant exclusivement sur le niveau NUTS II ou incluant
le cas échéant quelques régions NUTS I.
modestes observés au niveau régional
combinés à la forte convergence inter-pays nous avaient
déjà poussé à considérer cette
hypothèse. Autrement dit, la convergence régionale
observée au niveau européen serait principalement le
résultat de la croissance assez exceptionnelle d'un petit nombre de
régions "leaders" au sein des pays plus défavorisés. La
croissance particulièrement importante de ces régions,
relativement pauvres à l'échelle européenne, mais riches
à l'échelle de leur propre pays, contribuerait à la
convergence régionale globale au niveau européen mais creuserait
par la même occasion des disparités au sein de leur propre
Etat.
Cet instant où la f3-convergence conditionnelle et
absolue ont pris des directions différentes coïncide justement avec
le véritable envol de la Politique de Cohésion de l'Union
Européenne. Nous verrons, dans la seconde partie, s'il existe un
quelconque lien entre cette politique d'assistance financière aux
régions et ce phénomène de "convergence divergente".
Dans le même ordre d'idée, l'hypothèse des
clubs de convergence offre une piste d'explication intéressante à
ce taux de convergence global relativement faible des années
quatre-vingt et nonante. La lenteur de la convergence au niveau européen
pourrait, en effet, masquer la présence de deux clubs de convergence
propres aux régions plus développées et aux régions
plus pauvres. Seul un petit nombre de régions "en retard" auraient connu
un véritable rattrapage et seraient ainsi parvenues à passer d'un
club à l'autre. Le cadre conceptuel est séduisant, mais cette
hypothèse, nous l'avons vu, ne fait pas l'unanimité parmi les
auteurs. Sur ce point précis, le débat reste donc ouvert.
Enfin, une synthèse globale de la littérature
telle que nous l'avons tentée permet de prendre un certain recul par
rapport à l'apparente extrême diversité des
résultats. Il n'est pas rare, en effet, de voir des auteurs69
affirmer d'emblée que les travaux empiriques réalisés sur
la convergence régionale en Europe conduisent à des
résultats profondément contradictoires, comme pour mieux
souligner l'utilité et l'intérêt de nouvelles estimations
censées dépasser les limites des précédentes. Loin
de nier l'existence de certaines divergences dans les conclusions des nombreux
travaux empiriques examinés, de telles positions nous paraissent trop
radicales. Lorsqu'on ne compare entre elles que des estimations observant la
même période et le même type d'échantillon, il
devient alors relativement rare de trouver de véritables contradictions.
Un examen systématique et détaillé de la
littérature laisse ainsi apparaître des tendances assez
claires.
69 Voir parmi d'autres Jean-Pierre (1999), Maurseth (2001) ou
Martin (2001).
DEUXIEME PARTIE
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