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La Convergence Régionale dans l'Union Européenne. Le Rôle des Fonds Structurels.

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par François Defourny
Université de Liège - Maîtrise en Sciences Economiques 2003
  

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3. Autre limite de la ?-convergence : l'hypothèse de clubs de convergence.

Nous avons dans un premier temps abordé le concept de f3-convergence absolue correspondant au processus de retour à une moyenne supposée commune à toutes les régions. Nous avons ensuite présenté la f3-convergence conditionnelle intégrant la prise en compte d'un certain nombre de variables "conditionnantes". Ceci permettait de tenir compte des différences fondamentales entre les régions et de concevoir un phénomène de convergence vers un état stationnaire propre à chaque région (ou pays). Dans ces deux hypothèses, des économies structurellement identiques étaient "condamnées" à converger vers un même état stationnaire. Nous n'avions donc, jusqu'à présent, aucune considération pour la "situation initiale" d'une région. Or, la tendance à la polarisation de la croissance observée par plusieurs auteurs57 ainsi que les différences de croissance relevées entre économies pourtant structurellement très semblables poussent à se pencher sur les conditions initiales et nous encouragent à envisager l'hypothèse dite de "clubs de convergence".

L'idée de convergence en clubs est issue des modèles de croissance endogène et est apparentée aux notions de "polarisation", de "trappe de pauvreté" et de "clustering"58. C'est en quelque sorte un schéma complémentaire de la convergence absolue vers un état stationnaire unique et de la convergence conditionnelle vers une multitude d'états stationnaires propres à chaque région, mais tenant compte, cette fois, des conditions initiales. Selon Galor (2000, p. 114) : "Les revenus par tête des régions dont les caractéristiques structurelles sont identiques convergent vers un niveau de long terme identique pour autant que les conditions initiales de ces régions soient suffisamment proches." Différentes économies convergeront donc entre elles si leurs conditions initiales appartiennent au "bassin d'attraction" d'un même état stationnaire. La convergence se fait alors vers quelques états stationnaires localement et non

56 Voir notamment Moreno & Trehan (1997), López-Bazo et al. (1999), Fingelton (1999), Rey & Montouri (1999), le Gallo & Ertur (2000), le Gallo (2001) ou encore Baumont et al (2001).

57 Voir notamment Beine & Jean-Pierre (2000), Capron (2000), Tondl (1999), Maurseth (2001). 58 Galor, traduit pas F. Docquier (2000, p. 114)

plus globalement stables. Enfin, soulignons que, à l'instar de la f3-convergence, la convergence en clubs peut être conditionnelle dans le cas où on y intègre des variables conditionnantes.

Durlauf & Johnson (1995) font remarquer que les tests de f3-convergence standards que nous venons de voir ne sont pas capables d'établir une distinction entre ce type de convergence à états stationnaires multiples et le schéma de Solow. Galor (2000) démontre pourtant que ce schéma de convergence en clubs n'est pas contradictoire avec le modèle de croissance néoclassique. En effet, la f3-convergence est liée à l'hypothèse de rendements marginaux décroissants59 qui assure la stricte concavité de la fonction de production par tête par rapport au capital par tête et, par la même occasion, l'unicité de l'équilibre stationnaire60. Mais lorsque l'on introduit l'hétérogénéité entre les individus61, la fonction de production peut perdre sa stricte concavité et la dynamique du taux de croissance, sa monotonie. La convergence des clubs devient alors le résultat le plus plausible, même en présence de rendements marginaux décroissants et de rendements d'échelle constants.

D'un point de vue méthodologique, Bernard & Durlauf (1996) et Galor (2000) montrent qu'un test de f3-convergence, comme étudié jusqu'à présent, appliqué à une réalité dominée par la formation de clubs de convergence peut donner un paramètre f3 significativement négatif et donc conduire à la conclusion erronée de f3-convergence. Ceci constitue une limite supplémentaire des tests de f3-convergence. Pour surmonter ce problème, Quah (1 993b, 1 996a, 1 996b et 1997) a développé une méthodologie alternative permettant de tenir compte de la forme de distribution dans son ensemble, mais surtout capable d'appréhender la dynamique interne à la distribution. A l'aide de chaînes de Markov et de matrices de probabilité de transition, Quah obtient, au niveau mondial, la preuve de la formation de clubs (de pays) de convergence et de la polarisation de la distribution du revenu par habitant en deux pics. Les pays pauvres auraient ainsi tendance à converger entre eux de même que les pays riches de leur côté. D'autres auteurs comme Desdoigts (1999), Bianchi (1997), Paap & Van Dijk (1998) pour de larges groupes de pays62 ou Johnson (2000) pour les Etats-Unis ont observé ce même phénomène de formation de clubs de convergence dans leurs études empiriques.

59 La croissance de l'économie va de pair avec la croissance du capital par travailleur dont la productivité marginale baisse, de sorte que le taux de croissance du stock de capital et de l'épargne diminuera avec le temps.

60 Voir notamment Mankiw (2001, chapitre 4, p. 93-125) ou Jones (1999)

61 Galor (2000, p. 119) montre qu'on peut introduire l'hétérogénéité dans les dotations factorielles. Il est alors possible, sur certains intervalles, que la fonction d'épargne soit une fonction convexe du ratio capital/travail. Le taux de croissance ne diminue alors plus nécessairement avec le capital par travailleur. Cela peut conduire à des équilibres multiples et à la formation de clubs de convergence.

62 Ces trois auteurs ont employé des échantillons de plus de 120 pays.

Au niveau européen, pour la période 1980-1989 et se basant sur un échantillon de 82 régions63, Quah (1996c) n'arrive pas à la même conclusion et rejette l'hypothèse de formation de clubs de convergence. En revanche, Tondl (1999) identifie la naissance de clubs de convergence pour la période 1975-198664 . Le Gallo (2001), pour un échantillon de 138 régions européennes65, accrédite cette théorie pour la période 1980-1995. Capron (2000), de son côté, observe des résultats différents selon le niveau NUTS sélectionné. Pour les périodes 1980-1996 et 1985-1996, l'échantillon de 712 régions NUTS III présente clairement deux clubs de convergence, le niveau NUTS I manifeste également une tendance à la formation de plusieurs clubs de convergence alors que la même hypothèse est tout à fait rejetée pour les 170 régions NUTS II. Pourtant, pour 145 régions de ce même niveau NUTS II, Dall'erba & Le Gallo (2003) identifient la formation de deux clubs de convergence pour la période 1989- 1999. Dans ce dernier travail, les régions centrales et les régions périphériques du continent apparais sent converger vers deux états stationnaires différents. Ce dernier résultat confirme les conclusions de Baumont et al. (2002) pour la période 1980-1995.

Enfin, Beine & Jean-Pierre (2000) identifient un seuil de rupture66 pour leur échantillon de 62 régions NUTS I sur la période 1980-1995. Ce seuil scinde l'ensemble en un premier groupe de 23 régions prospères et un autre de 39 régions moins favorisées. Des dynamiques de convergence sensiblement différentes semblent animer chacun des deux sous-groupes. "La lenteur de la convergence au niveau global tend en fait à masquer la présence de deux processus opposés. A un groupe de régions aisées pour lesquelles l'hypothèse de convergence vers un même niveau de PIB par habitant est rejetée, s'oppose un groupe moins aisé où les régions convergent à un rythme lent." (Beine & Jean-Pierre, 2000, p. 249). L'absence de convergence au sein du club de tête et le rythme lent et éventuellement conditionnel de la convergence au sein du club "en retard" peuvent, dans un sens, être interprétés de façon assez optimiste. Cela signifie en effet que la situation des régions plus démunies n'a pas tendance à s'aggraver et que le fossé avec l'ensemble des régions plus riches n'est pas en train de se creuser irrémédiablement. Toutefois, la situation de la majorité des régions pauvres demeure précaire et manifeste peu de changement. Seul un petit nombre d'entre elles est parvenu à emprunter "l'ascenseur régional" et a connu un rattrapage significatif. Ces régions "leaders"

63 L'échantillon de Quah (1996c) couvre 6 pays au niveau NUTS I et II sans inclure la Grèce et le Portugal ou l'Irlande.

64 L'échantillon de Tondl (1999) est composé ici de 215 régions NUTS II de l'EU-1 5.

65 L'échantillon de Le Gallo (2001) couvre l'EU-12 au niveau NUTS II plus quelques régions NUTS I.

66 Les résultats sont obtenus à l'aide d'une récente technique de détection endogène des seuils, issue de la littérature sur les panels dynamiques.

sont ainsi parvenues à sauter d'un club de convergence à l'autre67. C'est notamment le cas des régions du Nord de l'Espagne, de l'Irlande et de la plupart des régions métropolitaines.

En ce qui nous concerne, cette absence de véritable dynamisme propre à chaque club combiné avec le dynamisme de quelques régions "leaders" accrédite nos affirmations précédentes et en particulier le "paradoxe de convergence divergente".

En résumé, nous avons cherché à savoir si la vitesse de f3-convergence (absolue et conditionnelle) relativement modeste entre régions européennes masquait en fait un autre processus de formation de clubs de convergence. Sur ce point, Beine & Jean-Pierre (2000) et Capron (2000) s'accordent quant à la formation de clubs de convergence au niveau NUTS I et nous n'y avons pas trouvé d'opposition. Par contre, les résultats affirmatifs de Tondl (1999) et Le Gallo (2001) au niveau NUTS II68 sont contredits par Capron (2000) et Quah (1996c). Les régions NUTS II nous préoccupant davantage, vu ces contradictions, nous ne pouvons pas conclure fermement à la formation de clubs de convergence à ce niveau. Mais nous ne rejetterons pas pour autant cette hypothèse qui, en tout état de cause, n'invalide pas nos premières observations.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard