B. La politique monétaire européenne : un
moyen de gérer les flux financiers, gérée par une
institution précise, qui administre particulièrement un ensemble
de pays membres : la zone euro
1- Définition et le mécanisme
économique
La politique monétaire a pour objectif d'assurer la
stabilité de la monnaie nationale, que ce soit la stabilité
interne, mesurée par le niveau général des prix, que la
stabilité externe, mesurée par le taux de change de la monnaie de
l'union en devises étrangères.
La hausse des prix ayant pour origine une augmentation de la
quantité de monnaie en circulation dans l'économie, la politique
monétaire vise à maîtriser, contrôler, la
quantité de liquidité disponible dans une économie.
Nous allons expliquer la nature de cette politique en nous
inspirant du modèle LM de John Hicks. Tout d'abord rappelons ce
modèle.
La courbe LM représente l'ensemble des combinaisons de
taux d'intérêt (r) et de revenu (Y) qui assurent
l'équilibre sur le marché monétaire. Sur ce marché,
l'offre M est déterminée par la politique de la Banque centrale.
La demande, L (pour liquidité), se partage en une demande d'encaisses de
transaction (L1) et de spéculation (L2).
La demande d'encaisse de transaction est une fonction croissante
du niveau du revenu (plus on est riche, plus on dépense et plus on a
besoin de moyens de paiement).
La demande d'encaisse de spéculation L2 s'explique
ainsi : les spéculateurs conservent leurs encaisses monétaires
lorsque les cours des titres financiers sont élevés, car ils
anticipent alors une baisse. Ils les utilisent au contraire pour acheter des
titres quand les cours sont bas, espérant réaliser une
plus-value. L2 est une fonction décroissante du taux
d'intérêt car le cours des titres varie en sens inverse du taux
d'intérêt, L2 = L2 (i). La condition d'équilibre est donc
donnée par M = L1 (Y) + L2 (i).
La courbe LM représente les couples de valeur (Y, r)
compatibles avec cet équilibre. Sa pente est positive dans la <<
phase normale >. La partie horizontale de la courbe correspond
à la << trappe à liquidité > (le taux
d'intérêt est tellement faible que la monnaie est
thésaurisée) et la partie verticale à la << phase
classique > (il n'y a plus de thésaurisation, toute la monnaie
est placée).
Construction
Le taux d'intérêt est fixé sur les
marchés financiers, eux-mêmes étroitement liés au
marché monétaire : c'est le prix de la monnaie.
L'équilibre sur le marché monétaire est
réalisé lorsque la demande de monnaie des agents est égale
à l'offre de monnaie de la banque centrale. On considère
habituellement que la demande de monnaie est une fonction croissante de la
production (indicateur du volume des transactions) et décroissante du
taux d'intérêt (coût d'opportunité de la monnaie).
Nous avons ici deux variables endogènes (r et Y) pour une
seule égalité. Il y a donc a priori plusieurs combinaisons du
taux d'intérêt et de la production qui satisfont
l'équation d'équilibre sur le marché de la
monnaie.
Graphiquement, l'offre de la monnaie est
représentée par une droite verticale, car elle ne dépend
pas du taux d'intérêt. Pour la demande, fixons d'abord le Y
réel au niveau Y1. La demande de monnaie ne dépend plus que du
taux d'intérêt et se représente par une fonction
décroissante. Il y a un seul niveau du taux d'intérêt qui
équilibre le marché monétaire. Ceci nous donne une
première combinaison du taux d'intérêt et du Y qui assure
l'équilibre monétaire. Supposons maintenant que le Y augmente .
Ceci a pour effet d'augmenter la demande de monnaie pour tout niveau du taux
d'intérêt : la fonction de demande de monnaie se déplace
vers le haut. De nouveau, il y a un seul taux d'intérêt qui assure
l'équilibre monétaire. On a donc une seconde combinaison
d'équilibre. En répétant l'opération, on obtient
une infinité de combinaisons d'équilibre qui forment la courbe
LM.
La courbe LM est une courbe croissante. En effet, si l'offre
de monnaie est maintenue constante par la banque centrale, une augmentation du
Y augmente la demande de monnaie et provoque une situation de demande
excédentaire sur le marché de la monnaie. Pour restaurer
l'équilibre, il faut diminuer la demande de monnaie par un autre canal,
en augmentant le taux d'intérêt.
lie quoi dépend la pente de la courbe LM
?
Elle dépend principalement de la sensibilité de
la demande de monnaie au taux d'intérêt et au Y réel. La
pente de la courbe LM sera d'autant plus forte qu'une petite variation de Y
nécessite une forte élévation de r. C'est le cas si la
demande de monnaie réagit fortement au Y et peu au taux
d'intérêt. En particulier, avec une demande de monnaie qui ne
dépend pas du taux d'intérêt, la courbe LM serait
verticale.
Réponse aux chocs
Les chocs peuvent d'être d'origine diverse. Si ils sont
des chocs de demande monétaire, la courbe LM se déplace vers la
droite et vers la gauche. Le contrôle de la masse monétaire
implique que le niveau d'activité varie entre deux valeurs . Si en
revanche les autorités contrôlent les taux d'intérêt,
elles ajustent l'offre de monnaie aux variations de la demande et neutralisent
ainsi les variations de LM par des ajustements d'offre : le niveau
d'activité ne varie pas. En présence de chocs monétaires,
le contrôle des taux d'intérêt est
préférable.
Les effets d'une politique
monétaire
Supposons que la banque centrale augmente la masse
monétaire via le taux d'intérêt. Pour maintenir
l'équilibre sur le marché de la monnaie, il faut que la demande
de monnaie augmente d'autant. Ceci peut se faire soit en augmentant le Y
réel pour un taux d'intérêt inchangé, soit en
diminuant le taux d'intérêt pour un Y réel inchangé.
Globalement, il y a donc déplacement de la courbe LM vers la droite.
Dans le cas d'une politique monétaire restrictive, la courbe LM se
déplace vers la gauche, par un effet contraire au développement
de l'activité. Toutefois cette politique monétaire
est aussi inefficace. La justification de cette
proposition repose sur l'argument selon lequel toute variation de la
quantité de monnaie est rationnellement anticipée et
n'entraîne aucun effet réel sur l'emploi et la production (M.
Friedman). Il faut donc se limiter à contrôler la croissance de la
masse monétaire. Ce qui nécessite l'existence d'une institution
comme la BCE .
2- La Banque Centrale Européenne : autorité
en charge de la politique monétaire aux mandats
précis
La Banque centrale européenne (BCE) est une institution
chargée de mettre en oeuvre la politique monétaire
européenne. A Francfort, elle est dirigée par le Directoire qui
comprend un Président ( Jean-Claude Trichet), un Vice-président
(Lucas Papademos), et quatre membres, tous nommés pour huit ans non
renouvelables.
Cette institution est parfois confondue avec le SEBC
(Système européen de banques centrales). Qui se compose de la BCE
et des banques centrales nationales de pays de l'Union européenne. Elle
réalise sa fonction en coordination avec les Banques Centrales des pays
membres de la zone Euro. La BCE est l'institution principale du SEBC.
Au-delà de la fixation des taux d'intérêt et
de la gestion des crédits, la BCE est particulièrement en charge
d'émettre la monnaie, et d'administrer les réserves de change.
L'indépendance de la BCE de l'Eurosystème est
une manière de garantir qu'aucune influence injustifiée
économiquement des pouvoirs politiques n'interfère avec la
gestion de la politique monétaire dans la zone Euro. Le concept
d'indépendance de la BCE comprend :
· Indépendance fonctionnelle
:
La BCE est fournie est de tous les instruments
nécessaires pour réussir son objectif la stabilité
des prix, indépendamment des pouvoirs politiques.
· Indépendance Institutionnelle.
Cette indépendance institutionnelle est exprimée
dans l'article 108 du Traité.
Les membres du SEBC « ne peuvent solliciter ni
accepter des instructions des institutions ou organes communautaires, des
gouvernements des États membres ou de tout autre organisme. Les
institutions et organes communautaires ainsi que les gouvernements des
États membres s 'engagent à respecter ce principe et à
ne pas chercher à influencer les membres des organes de
décision de la BCE ou des ban ques centrales nationales dans l
'accomplissement de leurs missions ».
· Indépendance des
Membres.
Les membres du Conseil général et du Directoire
sont nommés pour de longues périodes (variables suivant les pays
en ce qui concerne les gouverneurs de banques centrales nationales) et
irrévocables. Les mandats des membres du Directoire ne sont même
pas renouvelables. Ceci exclut les pressions.
Les membres de la BCE ne seront pas exclus pour une raison qui
ne soit pas dans les Statut de l'organisation.
· Indépendance Financière.
La BCE et les banques nationales doivent être capables
de se fournir les fonds nécessaires pour leur bon fonctionnement. La BCE
a un budget indépendant des autres institutions européennes
·L
'objectif de la BCE : une inflation inférieure à
2%.
L'objectif principal de la BCE, défini par le
Traité de Maastricht, est le maintien de la stabilité des prix
(taux d'inflation fixe inférieur à 2%) dans
toute la zone ; ce qui constitue une caractéristique déterminante
pour la politique monétaire. Ainsi, les gouvernements (les 13) ont
l'obligation de respecter cette marge d'inflation pour la stabilité
économique de la zone Euro. Par ailleurs, les études portant sur
le comportement des banques centrales mettent en évidence ces
dernières, même lorsqu'elles ont reçu mandat exclusif de
préserver la stabilité des prix, s'intéressent de
près à la croissance, jouent un rôle dans la stabilisation
de l'économie. Elles peuvent faire un arbitrage implicite entre
croissance et inflation.
La politique monétaire en Union Européenne a des
effets sur toutes les économies appartenant à l'Union mais est
particulièrement celle des pays qui partagent la même monnaie, les
pays de l'Union économique et monétaire.
3- La zone Euro : un cas particulier
a)- Théorie de la zone monétaire
optimale
Le concept de zone monétaire optimale a
été développé dans le cadre du débat sur les
mérites relatifs des régimes de changes fixes et de changes
flexibles. L'idée de base de la théorie de zone monétaire
optimale est que le choix entre change fixe et flexible ne doit pas se faire
indépendamment des caractéristiques économiques des pays
concernés. Le souci principal de cette théorie est de
répondre à la question suivante : pour quels types de pays et
dans quelles conditions un système de change est-il plus efficace que
l'autre ?
Une zone monétaire est un espace géographique
caractérisé par un régime de change fixe pour ses
échanges internes et un régime de change flexible pour ses
échanges avec l'extérieur. A l'intérieur de la zone, les
paiements peuvent s'effectuer soit dans une monnaie unique, soit dans plusieurs
monnaies dont les valeurs d'échange sont fixées, alors que les
taux de change fluctuent avec les monnaies tierces. Le caractère optimal
de la zone monétaire se définit en fonction de l'objectif
macroéconomique de maintien de l'équilibre interne, soit le point
optimal de combinaison inflation-chômage, et de l'équilibre
externe, à savoir l'équilibre des paiements entre les
régions de la zone et l'extérieur.
Les premiers travaux sur les zones monétaires optimales
ont cherché à établir des caractéristiques d'une
économie qui pourraient rendre inutiles ou sans effet les variations de
taux de change par rapport aux autres monnaies. Il s'agit essentiellement des
travaux de Mundell (1961), Mc Kinnon (1963) et Kenen (1969) qui, à
côté d'autres économistes tels Ingram et Fleming,
constituent l'approche dite « traditionnelle » de la théorie
des zones monétaires optimales. La théorie a par la suite connu
un renouveau dans les années 70 avec les travaux de Corden (1962),
Ishiyama (1975) et Tower-Willet (1976), qui ont essayé de tracer les
frontières d'une ZMO sur la base d'une analyse coûts-
bénéfices de l'intégration monétaire.
La théorie de zone monétaire optimale a
apporté une contribution décisive aux débats
précédent la création de l'Union Economique et
Monétaire et se poursuit jusqu'à aujourd'hui. Mundell, premier
à avoir invoqué la notion de zone monétaire optimale,
stipule déjà en 1973 : << Les pays européens
pourraient instaurer une autorité monétaire européenne ou
banque centrale. C'est une solution possible, peut-être que c'est une
solution utopique: mais c'est très une idée très
compliquée en termes politiques, presque utopique >>.
1Deux questions se posent alors. Est-ce que l'UEM constitue
véritablement une zone monétaire optimale comme le sousentend
Mundell? Et, si non, est-ce que les conditions nécessaires à
l'existence d'une telle zone sont endogènes à l'UEM, autrement
dit, est-ce que l'UEM peut devenir une ZMO?
Selon un certain nombre d'auteurs, comme Jean Claude Trichet
les critères économiques d'optimalité de zones
monétaires ne sont néanmoins pas les seuls facteurs d'explication
de l'existence de zones monétaires. Ils considèrent la
volonté politique comme constituant la plus importante et
peut-être unique condition pour l'adoption d'une monnaie unique.
L'analyse de l'importance des facteurs politiques pour l'établissement
de l'UEM confirme cette théorie. En effet, les intérêts des
deux pays ayant décisivement influencé le processus
d'intégration monétaire européenne, notamment la France et
l'Allemagne, reflètent des considérations majoritairement
politiques à l'égard de l'UEM. En outre, les facteurs politiques
ne constituent non seulement un facteur d'explication de l'existence d'une zone
monétaire mais prennent davantage d'importance après
l'établissement de cette dernière. Par ailleurs, les aspects
politiques constituent le seul facteur de durabilité d'une zone
monétaire.
b) La zone euro en pratique :
La Zone euro est actuellement composée de 13 pays :
la Belgique, l'Allemagne, la Grèce, l'Espagne, la France,
l'Irlande, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, l'Autriche, la
Slovénie(nouvellement entrée) , le Portugal et la Finlande.
Selon Jean Claude Trichet dans l'article
intitulé << Zones monétaires optimales et mises en
oeuvre des politiques économiques >>, plusieurs limites se
posent.
En premier lieu, se pose la question des canaux de
transmission de la politique monétaire au sein de l'UEM.
Déjà difficiles à identifier au sein d'une
économie, ils paraissent devoir être
hétérogènes si on les compare d'un pays à l'autre
au niveau de la zone euro. Compte tenu des structures d'endettement
différentes des agents privés (consommateurs, investisseurs) et
aussi de l'architecture des systèmes bancaires et financiers nationaux,
il est très probable que les décisions prises de manière
unifiée dans la zone aient des effets distincts dans les
différents pays membres, ce qui se traduira à court terme par une
dispersion des évolutions conjoncturelles de l'activité
économique et de l'inflation. Comment la BCE doit-elle intégrer
cette hétérogénéité dans
l'élaboration de sa politique ? Sans doute en tenant compte dans son
processus de décision des informations économiques nationales et
non pas uniquement des données économiques agrégées
au niveau de la zone euro. De plus, sur le moyen terme, le basculement dans
l'UEM a eu des répercussions sur le comportement des citoyens
européens en matière de dépense, de fixation des prix ou
de détention de liquidité, et, de fait, les Banques centrales
membres de l'Eurosystème ne peuvent pas entièrement
s'appuyer sur leur connaissance des économies nationales et des
relations
1 The European Countries could agree on a common piece of
paper (...), they could then set up a European monetary authority or central
bank. (...) This is a possible solution, perhaps it is even an ideal solution:
But it is politically very complicated, almost utopian.»
macroéconomiques qui y prévalaient pour
déterminer une stratégie monétaire « optimale »
pourles pays de la zone euro. Une zone d'incertitude prévaut donc sur ce
plan, qui doit être prise en compte par l'autorité
monétaire européenne. A plus long terme, la question de
l'élargissement pourrait exacerber ce problème, d'autant plus que
la viabilité de la zone euro dépendra, entre autres, de sa
capacité à intégrer de nouveaux membres aux structures
économiques hétérogènes.
|