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In aids we trust

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par Eddy Basset
Université de Marseille - Diplôme Universitaire SIDA 2006
  

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5 - Chronologie de l'accès au traitement antirétroviral

1994

Dans le cadre de l'Organisation Mondiale de la santé mise en place des accords ADPIC sur la propriété intellectuelle (Aspects de Droits de Propriété Intellectuelle relatifs au Commerce : TRIPS en anglais).

Peter Piot, directeur exécutif de l'ONUSIDA, le signalait dans son discours à la Commission Européenne le 28 septembre 2000 : « le contrat actuel, par lequel, nous avons accepté des prix élevés en échange de traitements innovants et de meilleur qualité, a fonctionné pour le bénéfice de tous dans les pays riches. Quoi qu'il en soit, aujourd'hui, en particulier à cause du SIDA, ce contrat est à remettre en question, puisqu'il exclut des millions de gens de l'accès à ces mêmes produits ». Les accords internationaux ont en effet servi avant tout les intérêts des laboratoires pharmaceutiques. Ils ont ainsi imposé une protection organisée de leur monopole : un respect des brevets sur 20 ans, au lieu de 10, dans tous les Etats membres de l'OMC. De fait ils en restreignent l'accès aux seuls malades solvables. L'article « spécial 301 » de la loi américaine sur le commerce introduit en 1988 a été utilisé contre plus de 30 pays, afin d'assurer la protection des intérêts des compagnies américaines et de pouvoir exercer des sanctions commerciales sur les pays dont les lois sur la propriété intellectuelle les desservent. L'Inde, le Brésil, l'Argentine, l'Egypte, le Ghana ont été les premières cibles.

1996

A partir de 1996, d'importantes avancées de la recherche fondamentale et clinique bouleversent la prise en charge médicale de l'infection par le VIH. De nouveaux concepts physiopathologiques et la mise à disposition de tests biologiques de la charge virale plasmatique, montrent qu'il existe une intense activité de réplication virale tout au long de l'infection à VIH, dont l'importance est prédictive de l'évolution vers le SIDA. Ils fournissent un instrument permettant de suivre au plus près l'évolution de l'infection et les effets des traitements.

L'introduction des multithérapies antirétrovirales, associant aux inhibiteurs

nucléosidiques de la transcriptase inverse la nouvelle classe thérapeutique des inhibiteurs de protéase, puis celle des inhibiteurs non nucléosidiques, rendent la charge virale indétectable chez une proportion importante de patients traités. Cela se traduit par une diminution spectaculaire de l'incidence des infections opportunistes (les laboratoires qui commercialisaient des antiviraux actifs sur le CMV se rappellent encore de la chute vertigineuse de leurs ventes) et de la mortalité. Par voie de conséquence, le nombre d'hospitalisations dues à l'infection par le VIH dans les pays industrialisés, où l'accès aux traitements est possible à large échelle, diminue considérablement.

L'annonce de l'efficacité des multi-thérapies antirétrovirales utilisant les antiprotéases en juillet 96 lors de la XI° Conférence Internationale de Vancouver (Canada) suscite chez certains groupes associatifs, responsables de santé publique, et scientifiques, une prise de conscience militante en faveur de la diffusion de ces progrès thérapeutiques en Afrique. 95 % des patients infectés par le VIH qui vivent dans les pays en voie de développement n'ont pas accès à ces progrès. C'est moralement intolérable que le plus grand nombre ne puisse pas disposer de traitements antirétroviraux à l'efficacité démontrée. Tout doit être mis en oeuvre afin d'essayer de rationaliser la prise en charge, et de proposer des programmes favorisants l'accès aux médicaments actifs contre le VIH, y compris en Afrique Sub-saharienne. Cependant le prix élevé sur le marché international limite de dramatiquement l'accessibilité de ces traitements, particulièrement dans les pays ou la demande et le besoin sont les plus importants au regard des moyens économiques et financiers dont disposent les Etats et les ménages. En 1996, ceci relève du défi face au scepticisme international qui considère cette proposition comme irréaliste.

1997

En Afrique, cet engagement pour l'accès aux traitements débouche notamment sur l'organisation d'une consultation scientifique internationale à Dakar en septembre 97. Cette consultation permet de définir les pré-requis à la diffusion de traitements antirétroviraux, et de préciser les protocoles thérapeutiques optimaux. Par la suite, au cours de la conférence internationale sur le SIDA et les MST d'Abidjan en décembre 97 un appui politique est apporté à cette démarche en annonçant la mise en oeuvre du programme de traitements dans plusieurs pays africains. Cette annonce est loin d'accueillir l'assentiment général.

Quelques mois auparavant, en juin l'ONUSIDA annonce son initiative d'accès aux antirétroviraux dans quatre sites pilotes : Ouganda, Côte d'Ivoire, Chili et Vietnam. Celleci débutera officiellement en novembre de la même année.

1998

GSK et 38 autres laboratoires pharmaceutiques saisissent la Haute Cour de justice de Pretoria. Ces laboratoires s'opposent au gouvernement Sud Africain qui souhaite importer des médicaments génériques contre le SIDA. Les laboratoires sont sûrs de leur bon droit. La loi Sud Africaine de 1997 sur le médicament donne au ministre de la santé de larges prérogatives pour recourir à des importations parallèles, des licences obligatoires et une substitution par les génériques. Or cette loi, selon les compagnies pharmaceutiques porte atteinte aux droits d'exclusivité conférés à leurs médicaments grâce aux brevets. Le droit des brevets doit donc l'emporter et la loi, dont l'application est bloquée depuis le dépôt de la plainte en 1998, doit être modifiée. D'ailleurs, à la fin des années 90, en opposition au gouvernement sud Africain, le gouvernement américain et

la commission européenne, entre autres, ont pris position pour le respect du droit de propriété intellectuelle et ont exercé des pressions sur le gouvernement Sud Africain afin qu'il modifie sa loi.

2000

Les objectifs du millénaire sont fixés par les Nations Unies.

Mai : création de l'initiative « Accelerating Access » par l'ONUSIDA en partenariat avec plusieurs agences des Nations Unies (la Banque Mondiale, l'OMS, le FNUAP, l'UNICEF) et cinq compagnies pharmaceutiques. A partir de 2001 cette initiative se poursuivra sous l'égide de l'OMS.

2001

Février : Le laboratoire générique indien Cipla propose une trithérapie pour 600 dollars par an aux gouvernements du Sud.

Avril : Les compagnies pharmaceutiques retirent leur plainte contre le gouvernement Sud Africain sans que celui-ci ait transigé sur la loi incriminée, ce qui met un terme à 3 ans de procédures judiciaires et de guerre d'intox face aux ONG. A l'arrivée une rédition sans conditions. Cette affaire a été particulièrement catastrophique pour GSK. Deuxième groupe pharmaceutique du monde et leader dans le traitement du SIDA. GSK a cédé sur presque tout - une réduction drastique du prix des traitements et l'attribution de licences de fabrication de génériques. Sa puissance financière (30 milliards de dollars de chiffre d'affaire et 10 milliards de profits) comme les accords internationaux sur la protection des brevets que le groupe invoquait n'ont pas pesé lourd. Pis, la pression sur les prix s'est étendue aux USA son premier marché.

GSK ainsi que les autres entreprises pharmaceutiques ont cru que la bataille se mènerait sur un terrain strictement juridique. La loi Sud Africaine revenait à mettre en péril le business model de cette industrie : amortir sur 10 ou 15 ans des frais de recherche colossaux grâce à la vente des médicaments dont ils sont issus, même si leurs coûts de productions sont ensuite très faibles. Pour les laboratoires, les brevets représentent le carburant de l'innovation. C'est le sens des accords internationaux adoptés en 1994 dans le cadre de l'OMC, argumentait GSK. Et c'est pourquoi l'entreprise avait, au départ, le soutien de l'administration américaine et la commission européenne.

Malheureusement pour les firmes le contentieux s'est vite orienté vers un thème éthique « la santé contre le profit ». En effet, des ONG sud africaines, dont TAC (Treatment Action Campaign) se sont mobilisées contre cette plainte, et ont attiré l'attention sur le coût humain du non accès, pour les malades, à des médicaments vitaux : 400 000 morts de SIDA depuis que la loi de 1997 est bloquée. Le président charismatique de TAC Zackie Achmat séropositif n'hésita pas à mettre sa vie en péril en refusant de prendre le

moindre traitement tant que celui-ci n'est pas accessible à tous ses compatriotes. TAC réclame donc, au nom des malades, le droit d'être (( amicus curiae >> ((( amie de la Cour >>) dans le procès. Le procès s'ouvrira sur l'étude de la requête de TAC que la Haute Cour accepte. Les malades sont donc parties civiles dans ce procès. C'est la nature même du procès que la haute cour a ainsi modifiée. La bataille ne va plus reposer sur les seuls arguments juridiques : la loi de 1997 est-elle ou non conforme aux engagements internationaux de l'Afrique du Sud sur la propriété intellectuelle ? Les données humaines vont désormais être prises en compte : le droit des brevets peut-il prévaloir sur le traitement des malades ? TAC demande alors aux compagnies pharmaceutiques de justifier le prix de leurs médicaments. Rappelons que le contexte sud africain au moment du procès est le suivant : En 2000 cinq millions de personnes étaient infectées soit 20 % de la population. Le problème ne fera que s'aggraver. Les autorités sanitaires du pays prévoient que 7,5 millions de personnes pourraient être contaminées en 2010 dont 50 % des 15-29 ans. Dans ce contexte invoquer la protection des brevets paraissait maladroit, sinon cynique. D'autant que pour GSK, l'Afrique du Sud ne présentait que 1 % des ventes de médicaments contre le SIDA (2 milliards de dollars par an).

Le laboratoire britannique ne l'a pas compris. Surtout, il a sous estimé la puissance des ONG (Organisations Non Gouvernementales) qui menaient campagne contre lui dont l'OXFAM. Avec un budget de 400 millions de dollars, un réseau de 3000 partenaires dans 100 pays et une équipe d'experts de haut niveau, cet organisme basé à Oxford (UK) est parmi les plus puissants au monde. Face à GSK, OXFAM a opté pour une attaque très ciblée, lancée début 2001 et baptisée (( cut of costs >>. Objectif : obtenir une baisse de 90 % du prix du traitement contre le SIDA, alors de 10 000 dollars par an, un montant inaccessible pour les Sud Africains. Entre autres (( bombes médiatiques >>, OXFAM a relevé que GSK appliquait dans certains pays en développement des tarifs jusqu'à 20 % plus élevés qu'aux USA, cette information a laminé la défense du laboratoire. En avril 2001 l'ONG des (( french doctors>> MSF lancera une pétition sur le thème (( la protection des vies humaines passe avant celle des brevets >>. Celle-ci recueillera 270 000 signatures dans plus de 130 pays.

Les protestations de Kofi Ahnan, secrétaire général de l'ONU et la position du parlement européen conduirent un abandon du procès et fit perdre à GSK les rares soutiens qui lui restaient. La cohésion entre les firmes s'était déjà sérieusement fissurée. Cinq d'entre eux, parmi les plus importants, avaient décidé de faire cavaliers seuls en prenant leurs propres avocats. Ces cinq laboratoires demandèrent à retirer leurs plaintes et demandèrent à leurs confrères d'en faire autant. Au final 37 sur 39 le feront.

Le 19 avril la plainte est retiré, la loi Sud Africaine n'est pas modifiée et les frais de justice seront payés par l'industrie pharmaceutique. Pourtant cette victoire n'a, au fond, rien de bien anormal : dans sa loi, l'Afrique du Sud ne fait qu'interpréter et utiliser les clauses de sauvegarde prévues par l'accord ADPIC pour la santé publique. Pour rappel

l'accord sur les ADPIC prévoit la possibilité pour les états, souverains, de passer outre le droit des brevets en cas de besoin (licences obligatoires). La déclaration de DOHA en 2001 a rappelé ce droit. Un amendement (12/05) permet en théorie aux pays qui ne peuvent produire d'importer des génériques.

Novembre : Signature des accords de DOHA. Un laboratoire détenteur d'un brevet prêt à négocier avec un pays tiers peut céder une autorisation de production locale en échange de royalties : il s'agit alors de licence volontaire. Si le laboratoire n'est pas prêt à négocier, un Etat souverain, peut décider de faire fabriquer une copie d'un produit dont il a besoin par une industrie locale : c'est ce que l'on appelle une licence obligatoire. Cette disposition permet également à un pays ne disposant pas de capacités de production propre d'importer des copies de traitement.

Cela étant, sous la pression de gouvernements du Nord, eux-mêmes guidés par les compagnies pharmaceutiques, l'Afrique francophone - a adopté les accords de Bangui qui stipulent que le recours aux licences obligatoires est interdit dans les pays signataires. Autrement dit ces pays ont adopté une législation encore plus contraignante que les accord (ADPIC) qui cantonnaient déjà la santé des populations à des dispositions exceptionnelles.

2003

Décembre : Séance historique à New-York. L'OMS et l'ONUSIDA lancent la stratégie 3 by 5 « 3 millions de traitements antirétroviraux d'ici 2005. 400 000 personnes bénéficient d'un traitement ARV dans les pays à ressources faibles ou intermédiaires. En 2006, près de 700 000 personnes sont mises sous traitement pour la première fois. En décembre 2006 près de 2 015 000 personnes vivant avec le VIH bénéficieront d'un traitement dans les pays à faibles ressources ou intermédiaires soit 28 % des 7,1 millions de personnes qui en auraient besoin.

2005

Janvier : L'Inde a dû mettre sa législation sur les brevets en conformité avec les règles de l'OMC sur la propriété intellectuelle qu'elle a rejoint. Le pays délivre désormais des brevets pour 20 ans sur les nouveaux produits et procédés pharmaceutiques ce qui restreint considérablement la possibilité de produire des génériques à prix abordables.

Mars : La Food and Drug Administration (FDA) a donné, pour la première fois, un accord à titre d'essai à une compagnie pharmaceutique étrangère - ASPEN PHARMACARE, pour la production d'une version générique de médicaments anti-VIH.

Le produit concerné est une trithérapie vendue en pack, comprenant deux types de comprimés, l'un de Lamivudine / Zidovudine et l'autre de Névirapine, à prendre chacun deux fois par jours après une phase d'initiation de deux semaines de Nevirapine. Le comprimé de la combinaison Lamivudine / Zidovudine à la dose fixe est une copie du produit déjà approuvé par la FDA et commercialisé par GSK, Combivir. Le comprimé de Névirapine est quant à lui une version de Viramune produit par Boeringher. L'accord spécifique donné par la FDA, fait de sorte que même si les brevets et l'exclusivité protègent le marché américain du produit d'ASPEN, il doit répondre aux standards américains de qualité, de sécurité et d'efficacité. Il permet surtout à l'administration et aux organisations humanitaires américaines d'acheter ces médicaments génériques à moindre coût pour les redistribuer aux quatorze pays d'Afrique et des Caraïbes plus particulièrement concernés par le plan américain d'aide d'urgence contre le SIDA

Septembre : L'assemblée générale de l'ONU puis le sommet des chefs d'Etats du G8 à Gleneagles en juillet adoptent l'objectif (( d'accès universel >> aux traitements du VIH/SIDA, et aussi définitivement clôturent le débat international qui faisait rage depuis plus de 5 ans entre les économistes sur le bien fondé de la diffusion massive des mu ltithérapies antirétrovi rales.

2006

XVI° Conférence Internationale à Toronto et surtout deux conférences (( satellites >> à Toronto en août et à Harvard en septembre entérinent un tournant majeur dans les recherches sur l'économie du SIDA dans les pays en développement. Même si elle n'atteint pas l'objectif proclamé fin 2005 (à cette date le chiffre s'établissait à 1,3 millions) l'initiative (( 3 by 5 >> de l'OMS cristallise des progrès significatifs (le nombre de personnes sous traitement a triplé en deux ans.

Septembre : Dans la foulée de la Conférence de Paris, la France propose de créer une facilité internationale d'achat de médicaments : UNITAID. Alimentée par des prélèvements de solidarité, elle permettra d'augmenter l'offre et de faire baisser les prix des médicaments.

2007

La firme pharmaceutique suisse Novartis s'attaque à la loi indienne sur les brevets votée par les parlementaires en 2005. Dans cette loi qui essaie de concilier respect du droit de propriété intellectuelle et impératif de santé publique, le gouvernement indien a inclus dans sa loi (le Patent Act) une clause (article 3D) prévoyant que ne sont brevetables que les médicaments réellement nouveaux et innovants. Cet article vise à contourner la pratique courante des entreprises pharmaceutiques qui consiste à apporter des modifications mineures à des molécules existantes pour obtenir un nouveau brevet. C'est cette loi que Novartis attaque devant les tribunaux. Si le laboratoire obtient gain de cause, un médicament développé et commercialisé dans les pays riches et susceptible, au terme d'une période de 20 ans, de tomber dans le domaine public pourra, moyennent des changements mineurs être de nouveau protégé par un brevet... de 20 ans !

C'est ce type de prolongation de la protection qu'offre les brevets que Novartis a tenté d'obtenir pour son anticancéreux Glivec et que permettrait l'abrogation de l'article 3D. L'Inde a rejeté la demande de brevet en janvier 2006 car ce médicament étant une nouvelle formulation d'un médicament déjà existant. Dans d'autres pays ou Novartis a obtenu un brevet, le Glivec est vendu 2600 dollars par patient et par mois. En Inde la version générique du Glivec est disponible à moins de 200 dollars par patient et par mois. Novartis tente aujourd'hui d'annuler cette décision afin de vendre ce médicament au même prix en Inde que dans les autres pays.

Depuis que la loi indienne a été changée en 2005, près de 10 000 demandes de brevet sont en attente d'examen. Si l'Inde accorde des brevets de la même manière que les pays développés cela signera l'impossibilité de produire des génériques de médicaments récemment développés et commercialisés dans les pays riches. Il est évident que les prix de plusieurs médicaments monteraient en flèche. Cela aura un impact très lourd sur les malades qui dépendent des génériques particulièrement les personnes vivant avec le VIH.

Le budget antirétroviral pèse lourd sur le budget d'une famille. Un traite ment générique coûte entre 23 à 24 dollars par mois. Ce coût est déjà énorme dans un pays ou 80 % de la population vit avec moins de 2 dollars / jour (moins de 1 dollar en Afrique). IL pourrait s'élever à 340 dollars par mois. Lorsque la charge virale augmente, il faut se procurer un ou deux inhibiteurs de la protéase par mois ce qui fait 115 dollars de plus car ce ne sont pas des génériques.

Si Novartis l'emporte, le prix des médicaments contre le Sida pourrait devenir 20 à 50 fois plus cher car de plus en plus de malades ont recours aux médicaments de deuxième ligne. Etant donné que l'Inde est aujourd'hui le principal fabriquant mondial de médicaments contre le sida, l'impact serait ressenti au niveau international.

Janvier : En conformité avec les règles de l'OMC, le gouvernement thaïlandais a décidé en janvier dernier d'émettre des licences obligatoires sur plusieurs médicaments utilisés dans les trithérapies, dont le Kalétra® (ou Aluvia - produit phare du laboratoire Abbott. La réaction ne s'est pas fait attendre : Abbott a publiquement condamné cette mesure, et annoncé par voie de presse dans la foulée qu'il retirait ses demandes d'autorisation de mise sur le marché (AMM), présentes et à venir, pour tous ses produits. Sans AMM, impossible pour le pays de produire ou d'importer une version, même générique, du médicament, puisqu'il n'aura pas pu être évalué. Abbott prive donc les Thaïlandais de ses nouveaux médicaments, notamment, l'Aluvia®, une version thermo-stable du Kaletra®, résistante à chaleur.

En Thaïlande, jusqu'en 1992 les brevets n'étaient accordés que sur les procédés industriels de fabrication, et non sur les produits eux-mêmes. Aussi les médicaments en eux-mêmes n'étaient pas sous brevet, et si tant est qu'un autre procédé de fabrication existe, rien ne s'opposait légalement à la production de copie. C'est pourquoi l'AZT, la D4T et la DDI qui ont été brevetés avant 1992 existent en version copiée dans ce pays.

Mars : Abbott annonçait ses mesures de rétorsion contre la licence obligatoire émise sur le Kaletra par la Thaïlande : retrait des demandes d'AMM de 7 produits (antibiotique, traitement contre l'insuffisance rénale chronique, hypertension artérielle, thrombose...) et boycott du marché thaïlandais (refus d'y enregistrer ses produits à venir).

La Thaïlande se retrouve donc au coeur de la plus grande bataille des brevets jamais menée. C'est ainsi qu'il faut interpréter la décision (en deux temps) du laboratoire américain Abbott. : abaisser, le 10 avril, le prix d'un de ses médicaments antisida le Kaletra , à 1 000 dollars par an et par malade dans 40 pays, dont la Thaïlande. Proposer à Bangkok, le 23 avril, la nouvelle formule de son Kaletra (l'Aluvia, qui n'a pas besoin d'être réfrigéré) à prix ((cassé)). Qu'est-ce qui a donc poussé l'un des fleurons du plus rentable des business à lâcher du lest sur un ((blockbuster)) qui lui rapporte 1,1 milliard de dollars dans 118 pays ?

La nouvelle junte au pouvoir à Bangkok depuis septembre 2006 (actionnaire du laboratoire générique GPOvir) est à l'origine d'une initiative sans précédent. Ce qu'aucun gouvernement n'avait, jusque-là, osé faire. Pas même le Brésil, pourtant en pointe pour faciliter l'accès aux traitements à plus de 50 % de ses patients : promulguer une succession de lois (((licence obligatoire>>) pour permettre l'importation ou la production d'un générique, alors que les médicaments ((de marque>> sont toujours protégés par des brevets. D'autres pays l'avaient précédé dans la production de copies à bas prix (la Malaisie et le Mozambique, par exemple). Mais la Thaïlande a fait plus fort en s'octroyant trois licences obligatoires. D'abord, en novembre 2006 sur l'Efavirenz (un autre antirétroviral de l'américain MSD). Puis, en janvier 2007, sur le Plavix (du français Sanofi-Aventis), un anticoagulant destiné aux maladies cardio-vasculaires. Et sur le fameux Kaletra d'Abbott, un traitement de ((deuxième intention>> administré aux malades du sida qui développent des résistances. Contrairement aux antirétroviraux de première génération, accessibles à 150 dollars par an et par patient, le Kaletra se monnayait, lui, à 3 700 dollars !

La réaction d'Abbott a été d'une rare virulence. La firme de Chicago a décidé de retirer sept nouveaux médicaments en passe d'être enregistrés dans le pays, dont le fameux Aluvia. Prudemment, Abbott avait d'abord proposé, en février, de diviser par trois le prix de son Kaletra...

Pour bien comprendre l'ampleur de la bataille et la virulence des coups échangés, il faut jeter un oeil sur l'analyse des alliés de l'industrie, tel l'American Enterprise Institute (AEI), vent debout contre ceux ((qui veulent démonter les droits de propriété intellectuelle)).

La junte de Bangkok serait ainsi coupable à ses yeux, ((avec l'aval des ONG)), de ne consacrer que 3,3 % de son budget à la santé, contre 7,6 % pour le Brésil, par exemple. Et risque, par sa ((politique anti-brevet)), de mettre en ((danger)) les investissements étrangers en Thaïlande, note Roger Bate de l'AIE, dans une récente analyse.

Pas évident. Une étude publiée le 10 avril rappelle que le lancement de nouvelles générations de molécules antisida rapportera 10,6 milliards de dollars contre 7,5 milliards en 2005. Par ailleurs, le business du médicament affiche une santé insolente avec une expansion de 7 % l'an passé, à 693 milliards de dollars. ((Les pays émergents, qui représentent 17 % du marché mondial, vont connaître un boom de 30 % l'an prochain)), note un autre rapport. L'Afrique, grande oubliée, ne pèse que 1,3 % des ventes mondiales.

Les médicaments au Nord, les malades au Sud. C'est peut-être ce qui a poussé des actionnaires chrétiens d'Abbott, The Interfaith Coalition on Corporate Responsibility, à dénoncer une position ((non éthique)) de leur groupe. Et pressé la Fondation Clinton, rejointe par 22 sénateurs américains, à fustiger l'attitude d'Abbott envers Bangkok. Le groupe américain se devait donc de reprendre la main à la veille de son assemblée générale. Et de ne pas perdre la guerre de l'image, à l'instar du fiasco de 39 laboratoires contre le gouvernement sud-africain en 2001. C'est ce qu'il a fait, avec la bénédiction de l'OMS, qui se félicite de voir la firme proposer son Kaletra à un prix ((moins cher que les génériques.)) Adoubant au passage la stratégie d'Abbott : céder sur le prix plutôt que de lâcher sur les brevets, et tenter de conserver une rente, une situation de monopole sur les médicaments. Que va faire la Thaïlande ? S'affranchir des brevets au motif qu' ((il devient indispensable que l'humanité formule un nouveau mode de pensée si elle veut survivre)), invoque le ministère de la Santé citant Einstein ? Ou retirer sa licence obligatoire, victime ((d'une prise d'otage de ses malades du sida)) par Abbott, comme le dénonce Médecins sans frontières ? Son choix risque de faire jurisprudence...

Mai : Le gouvernement brésilien refuse les offres de MSD qui proposait une réduction de 30 % du prix de son antirétroviral Efavirenz et décide l'importation d'un générique...

Juin : Une plainte a été déposée par la firme pharmaceutique Abbott contre Act Up-Paris, a annoncé l'association. Cette plainte fait suite à une action menée le 26 avril, la veille de l'Assemblée générale des actionnaires du groupe. Act Up-Paris et des associations de malades thaïlandaises appelaient à un ((netstrike»: il s'agissait de se connecter de manière répétée sur le site internet de la firme ((pour le ralentir ou le saturer». La firme pharmaceutique a porté plainte contre Act Up-Paris pour entrave au fonctionnement d'un système de traitement automatisé de données et détention ou mise à disposition des outils qui permettent le blocage d'un système. Act Up risquerait ((70.000 euros d'amende et des dommages et intérêts»....

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand