Volte/face (1997).
L'agent Sean Archer n'a qu'une obsession : coincer le
terroriste Castor Troy, responsable de la mort de son fils. Mais lorsque il l'a
enfin attrapé, celui-ci est plongé dans le coma alors qu'Archer
apprend qu'une bombe est cachée dans la ville. Ce dernier accepte de se
faire greffer le visage de Troy et de s'infiltrer dans la prison où se
trouve son frère et le faire parler. Le subterfuge fonctionne mais Troy
se réveille et se fait greffer le visage d'Archer : l'affrontement
sera physique mais aussi psychologique, chacun devra affronter les
conséquences de ses actes dans la vie de l'autre.
John Travolta fait immédiatement parti de la
distribution, rejoint par Nicolas Cage, que Woo avait rencontré pour le
casting d'un projet avorté. Pour la première fois, le
réalisateur se sent à l'aise sur un plateau hollywoodien, il y
règne une très bonne ambiance et il peut travailler comme il le
sent avec des acteurs totalement dévoués et des techniciens qu'il
considère comme les meilleurs du monde. Il y a toujours les studios bien
sûr, mais Woo commence à être habitué.
Le montage se passe également très bien et le
film remporte un succès, non seulement commercial, mais surtout
critique. Les fans sont comblés et reconnaissent enfin le talent de John
Woo.
On y retrouve toute sa thématique : la
dualité, l'opposition bien/mal qui trouve ici une déclinaison
inédite dans l'échange des visages des deux personnages
principaux, donc de leur identité. John Woo inverse le processus
d'identification du spectateur et joue d'effets de miroirs, d'ombres et de
reflets. Il nous oblige à prendre parti pour les gangsters avec qui
devra s'allier Archer en tant que Troy mais ne nous rend pas détestable
Troy dans la peau d'Archer lorsque celui-ci réglera ses problèmes
sentimentaux avec sa femme ou devra se recueillir sur la tombe du fils de son
ennemi, qu'il a lui-même tué. Le film crée un malaise
permanent et, bien que produit par la Warner, échappe ainsi aux
stéréotypes du cinéma hollywoodien. Toute la maestria du
réalisateur ressurgit dans ce scénario idéal, qui lui
permet de retrouver toute son inspiration, se payant même le luxe de
caser une fusillade dans une église comme dans The Killer.
A partir de maintenant, Woo est intouchable et peut faire ce
qu'il veut, il est même classé dans les « cent
personnalités les plus puissantes d'Hollywood » (à la
quatre-vingt-septième place). Il aura tout de même fallu attendre
son troisième film, mais qu'importe, ce sont maintenant les stars qui
l'appellent.
Il choisira Tom Cruise et la suite de Mission :
impossible. Si l'acteur ne tarira pas d'éloges sur Woo, ce dernier
a eu fort à faire avec lui. En effet, étant à la fois
acteur et producteur, Tom Cruise, dont l'ego surdimensionné n'est plus
un secret pour personne, a eu son mot à dire sur toute la production, si
bien que John Woo a parfois eu l'impression de travailler avec un
schizophrène : L'acteur qui écoute et le producteur qui
décide. Le film, très médiocre, ressemble à une pub
pour shampooing avec un Tom Cruise qui a fait toutes ses cascades
lui-même « parce qu'il le vaut bien »,
reléguant tous les seconds rôles au poste de figurant. Reste tout
de même une esthétique soignée et la virtuosité du
réalisateur.
Il est à noter que John Woo a adopté la
nationalité américaine durant le tournage, et depuis, il ne cesse
de tourner aux Etats-Unis : Windtalkers, Paycheck et
bientôt Spy hunter avec The Rock.
Malheureusement, on ne trouve plus la force d'un
Volte/face. John Woo semble aligner les blockbusters, pas
forcément mauvais certes, mais dans lesquels on cherche encore les
raisons qui l'on pousser à accepter de les faire. Les fans attendent
alors avec impatience son retour à Hong Kong, prévu pour 2008
avec The Battle of Red Cliff, un projet avec Chow
Yun-fat qui traîne depuis plusieurs années.
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