Le polar made in HK.
Alors que le public raffole du cinéma de kung-fu, il
découvre progressivement un autre genre très
apprécié en Asie : le polar.
Le phénomène apparaît en 1986 avec le
succès de A better tomorrow (Le syndicat du
crime) de John Woo, produit par Tsui Hark. Le film dépasse les
trente millions de dollars HK de recettes, ce qui est
phénoménal.
Le syndicat du crime est le film de la renaissance
pour son réalisateur, qui n'en est pas à son coup d'essai
(déjà plus de vingt films au compteur). Il peut enfin poser ici
toutes les bases de son cinéma en revendiquant clairement ses
influences : Melville, Kurosawa ou bien encore Demy.
Il met en scène des gangsters à qui il donne
l'élégance et le glamour des acteurs américains d'antan et
dont les valeurs semblent remonter au temps de la chevalerie et ne sont plus
reconnues dans un monde moderne en évolution perpétuelle. Ses
personnages deviennent totalement iconiques, pour s'en rendre compte, il suffit
de regarder Chow Yun-fat en imper avec ses lunettes noires, son éternel
cure-dents vissé au coin de la bouche et une arme dans chaque main en
train d'affronter des dizaines de tueurs dans des séquences utilisant en
abondance le ralenti. On a même pu voir les gens adopter son look dans la
rue de Hong-Kong.
Le film, bientôt suivi par un deuxième
épisode en 1987, devient progressivement l'objet d'un culte au sein de
petits groupes de personnes un peu partout dans le monde qui ont pu le
découvrir par le biais de copies revendues sous le manteau et bien
souvent de très mauvaise qualité. Les fans se repassent en boucle
le carnage final du Syndicat du crime 2 et John Woo devient une sorte
de dieu du cinéma.
C'est alors que sort le chef-d'oeuvre ultime en 1989 :
The killer, homage au Samourai de Melville mais qui, entre
les mains de Woo, devient un film religieux parsemé de symboles.
Jeff (Chow Yun-fat), tueur, décide de tout
arrêter le jour où il rend accidentellement aveugle une jeune
chanteuse de night-club. Se sentant terriblement coupable, il accepte cependant
un dernier contrat afin de pouvoir lui payer une transplantation pour qu'elle
recouvre la vue. Mais une fois ce contrat rempli, Jeff devient la cible de son
commanditaire, Weng, ainsi que de l'inspecteur Li (Danny Lee). Ce dernier,
d'abord fasciné par le tueur, fini par entretenir avec lui une
étrange relation d'amitié. Ils vont alors, ensemble, lors d'un
final apocalyptique se déroulant dans une église, repousser les
hordes de Weng mais Jeff périra sous les balles tandis que Li le vengera
en tuant Weng qui venait de se rendre à la police.
Le film est projeté à Cannes en 1990 à
l'occasion du marché du film puis dans divers festivals aux Etats-unis.
C'est le choc pour Martin Scorsese, Joel Silver ou bien encore Oliver Stone. Et
c'est à partir de cette époque que son influence commence
à se faire ressentir un peu partout.
Une influence grandissante.
« Quand les films de Hong Kong sont sortis, tous le
monde a eu envie d'un 45. Et ils n'en voulaient pas qu'un, ils en voulaient
deux car tous les mecs se prenaient pour le Killer ! »
(Samuel L. Jackson dans Jackie Brown de Quentin Tarantino)
On commence alors à voir Bruce Willis avec un pistolet
dans chaque main dans Le dernier samaritain (The last boy
scout, de Tony Scott en 1991), une production Joel Silver. On peut
également apprécier quelques scènes du Syndicat du
crime 2 à la télé dans True romance (de Tony
Scott également en 93) dont la fusillade finale n'est pas sans rappeler
les meilleures productions HK. Pas étonnant de retrouver au
scénario le débutant Quentin Tarantino, fan inconditionnel de
cinéma asiatique qui lui a déjà rendu hommage dans son
premier film : le désormais culte Reservoir dogs en 1992.
La situation de base est emprunté à City on fire de
Ringo Lam (1987) et le look de ses gangsters renvoie directement à celui
des personnages des Syndicat du crime.
Le syndicat du crime 2 (1987)
Reservoir
dogs (1992)
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