Partie 1. Un départ annoncé.
Avant de parler de l'explosion soudaine du cinéma
hongkongais sur le plan international, il convient d'en retracer un bref
historique pour situer le contexte dans lequel s'est fait cette
découverte.
Histoire du cinéma.
Comme on l'a vu, la première production locale date de
1909, il s'agit d'une comédie intitulée Stealing the Roast
Duck réalisée par un chinois (dont le nom diffère
selon les sources) et produite par une compagnie tenue par un américain
(Benjamin Brodsky) basée à Shanghai : L'Asian Film
Company.
Apparaissent alors d'autres studios dont on retiendra entre
autres en 1925, la Tianyi Film Company (créée par les
frères Shaw) puis en 1926 l'United Photoplay Services. Une fois de plus,
ils se situent à Shanghai, qui apparaît à cette
époque comme la capitale du cinéma.
Mais la donne va rapidement changer suite aux conflits avec le
Japon, puis avec son occupation du pays. La plupart des studios se
déplacent à Hong-Kong (neutre à cette époque) qui
voit alors arriver tout ce que la Chine compte de réalisateurs, acteurs,
producteurs et techniciens.
Hong-Kong prend la place de Shanghai et les studios se
succèdent jusqu'à ce qu'en 1958 les frères Shaw fassent de
nouveau parler d'eux : c'est l'apparition de la désormais
célèbre Shaw Brothers, avec à sa tête Run Run Shaw.
La première production, The Kingdom and the Beauty fut non
seulement le premier film en couleur de Hong-Kong mais apporta en plus à
Run Run la recette du succès.
Les studios de la Shaw
Brothers
En quelques années, la compagnie obtient le monopole du
marché, la création de la Shaw Movietown en 1961, n'y
étant en rien étrangère. Le concept est simple :
pousser à l'extrême le principe des studios en inventant une ville
contenant plateaux, décors extérieurs, magasins d'accessoires,
matériel de développement, de tirage et d'impression, sans
oublier des dortoirs pour tous les techniciens et acteurs.
Parmi les réalisateurs qui auront marqués de
leur empreinte les productions de la Shaw, on retrouve Chang Cheh, Li Han
Hsiang, Lo Wei ou bien encore Liu Chia-liang, et parmi les acteurs, David
Chiang, Gordon Liu, Lo Lieh, Cheng Pei Pei et beaucoup d'autres.
Les films se succèdent à un rythme
effréné, dans un genre alors tout récent : le Wu Xia
Pian. Pour résumer simplement, il s'agit des films de sabres chinois
crées en réponse aux Chambara japonais (Chambara signifie
« couper la chair » en japonais). Les thèmes
abordés sont souvent les mêmes : la vengeance,
l'héroïsme et l'amitié. Leur succès est immense et si
certains d'entre eux sont aujourd'hui considérés comme des
classiques, aucun ne franchira les frontières de l'Asie, les
distributeurs étrangers refusant certainement de prendre le risque de
s'attaquer à un genre qu'ils jugent marqué par son appartenance
à une culture trop orientale pour les occidentaux.
La main de fer (1972).
Le risque sera pris en 1972 avec un film de Kung-fu, genre
peut être plus à même de plaire : La Main de
Fer (King Boxer ou Five Fingers of Death pour le titre
original).
Ce film sera un tournant dans l'histoire du cinéma.
C'est en effet le premier film hongkongais ayant été
distribué dans le reste du monde, et ce, grâce à la Warner.
Plus de 1000 copies sont diffusés aux Etats-Unis, mais aussi en France
et nombre de pays en Europe. Le succès est au-delà de toutes les
espérances et permet au public occidental de découvrir le film de
Kung-fu (il est amusant de constater qu'en France, le genre était
appelé « film de karaté » !).
Le film est réalisé par le coréen Chung
Chang-wha et raconte l'histoire du jeune Chi-hao (interprété par
Lo Lieh) envoyé en ville pour apprendre les arts martiaux sous la
direction d'un vieux maître réputé, son but étant de
gagner un tournoi. Mais un chef de clan met fin à son rêve en lui
brisant les mains. Chi-hao perd tout espoir jusqu'à ce que son
maître décide de lui enseigner la technique de « la main
de fer ». Technique avec laquelle il pourra se venger tout en
remportant le tournoi d'arts martiaux.
L'histoire s'inscrit dans le schéma classique que l'on
retrouve dans les précédentes production de la Shaw :
l'entraînement, l'humiliation et la vengeance. Rien de nouveau donc, mais
la mise en scène, la photographie, l'interprétation, tout
concourt à faire de ce film le porte parole du cinéma d'action
made in Hong-Kong. Pourtant beaucoup s'accordent à dire que ce n'est pas
le meilleur film de son réalisateur et que Lo Lieh est plus convaincant
dans des rôles de méchant. Mais le fait est là, le film
plaît, peut être que sa violence graphique y est pour beaucoup (on
pense à Kill Bill parfois dans lequel on retrouve le gimmick musical et
l'arrachage des yeux !), ou peut être que le public occidental, tout
simplement, est prêt. Prêt à accueillir à bras
ouverts la déferlante Kung-fu.
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