Les théories de la concurrence
L'analyse présentée ci-dessus fait
référence à deux éléments de
littérature théorique sur la concurrence. Premièrement,
Boone discute des théories sur la concurrence et l'innovation, puis il
parle brièvement de la littérature sur la concurrence et
l'incitation à innover des managers lorsque l'impact de la
concurrence sur la fonction de profit joue un rôle important.
Les travaux théoriques d'Arrow (1962) sur l'effet de la
concurrence sur l'incitation à innover sont fondamentaux. Arrow compare
la situation où une firme en monopole peut réduire son coût
marginal de production à , , avec le cas où
un laboratoire de R&D peut vendre des licences de sa technologie à des firmes
produisant un bien homogène qui se font concurrence à la
Bertrand, où au moins deux firmes ont accès à la meilleure
technologie actuelle . Arrow démontre que l'incitation à innover est
plus forte dans le cas où les entreprises seraient en concurrence
à la Bertrand.
Si l'innovation est drastique cela est dû
à l'effet de remplacement, qui stipule qu'un profit
initial plus élevé réduit la valeur que l'on attribue
à l'innovation. Cet effet est absent de l'analyse de Boone, car ce
dernier suppose que toutes les firmes entrent simultanément, par
conséquent, il n' y a pas de firmes actives avec un profit initial
positif.
Si l'innovation est non drastique, cela est dû
à ce que notre auteur appelle l'effet d'adaptation.
La littérature sur l'effet de la concurrence sur
l'incitation à innover des entrepreneurs débute par l'observation
suivante : l'incitation des managers n'est pas directement
liée aux profits puisqu'ils ne possèdent pas (forcément)
la firme qu'ils dirigent. Nous ne rentrerons pas dans les détails
étant donné que le modèle d'Aghion, Dewatripont et Rey,
que nous allons présenter dans une deuxième partie, reprend
explicitement ce cadre d'analyse. Nous dirons simplement qu'ils montrent que la
concurrence sur le marché des produits crée une discipline sur
les dirigeants, elle est donc favorable à l'innovation.
Conclusion
Cet article a analysé l'impact de la pression
concurrentielle sur l'incitation des firmes à innover pour une certaine
mesure de la pression concurrentielle. Nous avons distingué deux types
d'innovations : les innovations de procédés et les
innovations de produits.
L'effet d'une intensification de la concurrence sur
l'incitation à innover des firmes, dans de telles innovations,
dépend du comportement de ces dernières, c'est-à-dire si
elles sont confiantes, impatientes, plutôt combatives ou bien
découragées. Le comportement d'une firme est
déterminé par son niveau d'efficacité relatif à
celui de ses concurrents. Boone démontre l'existence de l'effet
de sélection et d'adaptation de la concurrence sur l'innovation
et celui de l'argument Schumpétérien pour les firmes en
monopole.
Autrement dit, une hausse de la pression
concurrentielle augmente l'investissement de chaque firme active dans une
innovation de procédés, afin d'améliorer leurs
productivités et rester compétitives. Cependant, si la
concurrence induit plus d'innovations de procédés dans
l'industrie, elle réduit le nombre d'innovations de produits
présentes dans l'ensemble de l'industrie.
Finalement, en partant de l'idée que les
managers ne sont pas motivés par la maximisation du profit, il
semblerait possible d'argumenter qu'un surcroît de concurrence puisse
stimuler l'incitation à innover dans une innovation de produits et de
procédés.
Synthèse 1:
La vision de Schumpeter est simple :
la concurrence ne favorise pas l'innovation car
l'entrée de concurrent réduit la rente de monopole
qu'espère acquérir un innovateur afin de recouvrir ses
coûts et de dégager un bénéfice.
Arrow ne partage pas sa vision, pour lui l'incitation à
innover provient du différentiel de profit. Ce dernier est positif pour
une firme en concurrence puisqu'elle peut espérer obtenir la rente de
monopole, en remportant la course au brevet. Il nomme cela, l'effet de
remplacement. Cet effet stipule que la concurrence favorise
l'innovation.
Gilbert et Newberry, ainsi que J. Reinganum ont montré
qu'une hausse de l'intensité concurrentielle avait pour effet
d'augmenter le taux d'innovation dans un marché où une firme en
place fait face à des entrants potentiels. De ces deux articles,
il ressort que l'hypothèse de certitude/incertitude, dans le processus
d'innovation, n'est pas inoffensive. Dans le modèle
développé par Gilbert et Newberry, où l'innovation
est certaine, le fait que la concurrence puisse s'intensifier sur le
marché de la firme en place, incite cette dernière à se
lancer dans une activité de R&D anticipé, pour pouvoir
déposer le brevet du bien, afin de dissuader l'entrée, sans pour
autant le produire. Cette vision du monopole incité à
innover est contraire à la vision Schumpetérienne, bien
que le monopoleur soit prêt à innover pour dissuader
l'entrée car il sait que l'entrée aura pour conséquence de
réduire le profit. Cependant, lorsque le processus de
découverte est stochastique, et que l'innovation est drastique,
J F. Reinganum prouve qu'un challenger est plus enclin
à innover qu'une firme en place. Étant donné que
le challenger n'a pas de revenu supplémentaire, il investira
plus que le monopoleur afin d'avoir une plus grande chance d'obtenir la
récompense. Elle rejoint donc le point de vue d'Arrow.
Boone se place dans un cadre d'analyse différent. Il
considère des firmes asymétriques, elles diffèrent par
leurs niveaux d'efficacité productive (leurs comportements). Il
démontre qu'une augmentation de la concurrence ne peut inciter les
entreprises à innover dans des innovations de produits ou de
procédés. Il identifie deux effets, l'effet de
sélection stipule qu'une hausse de l'intensité
concurrentielle évincera les firmes les moins efficaces du
marché, et l'effet d'adaptation nous dit que les
firmes s'adaptent à la concurrence en investissant dans des innovations
de procédés. Autrement dit, Boone démontre que la
concurrence a pour effet d'augmenter le niveau d'efficacité productive
de l'industrie.
Nous remarquons déjà que selon les
hypothèses retenues, l'effet de la concurrence sur l'incitation à
innover est différent. Nous allons poursuivre notre étude dans un
cadre d'équilibre général afin d'analyser l'impact de la
concurrence sur la croissance. Peut-être que dans un cadre
général, nous pourrons aboutir à une relation unique.
DEUXIEME PARTIE
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