La figure 8 montre que la sélection des
transformatrices14 ainsi que leurs formations sont des
activités nécessaires pour l'adoption du dispositif. Il est clair
que la formation ne peut s'étendre à toutes les femmes pratiquant
l'activité d'étuvage ; d'où une sélection des
transformatrices appelée formatrice endogène est
nécessaire. Ces dernières seront chargées de former leurs
autres collègues. L'identification des formatrices endogènes est
une activité cruciale pour assurer une bonne diffusion.
De nos enquêtes, il ressort que tous les acteurs
intervenant dans la commune de Glazoué (CeCPA, ONGs locales, CPAC)
prennent en charge cette activité. Mais tous ont choisi pour cible les
groupements des producteurs du riz existant pour introduire le dispositif.
14 Formateurs endogènes
L'objectif était de passer par le biais de ces derniers
pour atteindre les autres transformatrices. A quelles conditions l'effet de
tache d'huile recherché pourra donc être atteint ?
Les groupements formés ont reçu chacun un
spécimen du dispositif pour des essais au niveau village. L'occasion
devrait être donnée aux membres de ces groupements (de production
du riz) ainsi qu'aux non-membres d'essayer l'innovation afin qu'ils soient
convaincus de ses avantages et aussi de ses inconvénients. Les
groupements devront donc être des champs de démonstration pour le
dispositif. L'accomplissement de ces devoirs qui incombent désormais aux
groupements nécessite un bon fonctionnement de ces derniers. Ainsi, nous
nous sommes intéressés au fonctionnement des groupements en
général et plus particulièrement au fonctionnement des
groupements dont les membres ont été formés afin
d'évaluer leur niveau d'implication dans la diffusion du dispositif et
de voir si l'option choisie par les structures d'intervention peut sous-tendre
une bonne diffusion du dispositif. L'étude des groupements s'est faite
à travers les relations de pouvoir en leur sein et le degré
d'implication de leurs membres dans la gestion des affaires du groupement.
Selon le projet d'intervention locale pour la
sécurité alimentaire (PILSA), un groupement qui fonctionne bien
doit :
- avoir une taille stable ;
- posséder au moins un statut et un règlement ;
- avoir au moins un livret d'épargne et un cahier de
recette et de dépense ; - à défaut du travail collectif
pratiqué au moins l'entraide ;
- posséder un bureau élu par élection (ou
à défaut par consensus) périodiquement renouvelé et
se réunissant au moins mensuellement ;
- organiser au moins trimestriellement une rencontre pour
discuter de l'évolution des travaux et les exécuter.
Au vu de ces critères qui constituent un minimum pour
garantir un bon fonctionnement du groupement, Glin (2000) a établi une
grille d'évaluation du fonctionnement des groupements. Nous nous sommes
servi de cette grille après en avoir assuré la validité
auprès de quelques groupements. La grille d'évaluation est
présenté en annexe 6. Selon cette grille, un groupement a une
fonctionnalité faible lorsque sa note est inférieur à 9,
une fonctionnalité moyenne si sa note est comprise entre 9 et 17 et une
fonctionnalité élevé si la note est supérieure
à 17. L'évaluation a pris en compte tous les groupements de
producteurs du riz dans les trois villages enquêtés. Les
résultats de l'évaluation sont présentés par le
tableau 19.
Tableau 19: Notes d'évaluation du fonctionnement
des groupements
Villages Groupements Note
d'évaluation
Magoumi ITCHE LERE 04
IFEDOUN 06
OMINERA 04
KATAMARA LASHE 04
Kpakpaza KATCHEFE TOGA 07
Ouèdèmè MINANGNONIMIDE
11
GBEDOKPO 11
TOYI 13
NOUNAGNON 10
ALLOGBEYA 09
NB : les groupements en gras sont ceux dans lesquels le
dispositif a été introduit Source : Enquête, 2006
L'analyse du tableau 19 montre que 60% des groupements
étudiés ont une faible fonctionnalité contre 40% qui ont
une fonctionnalité moyenne. Aucun groupement n'a une forte
fonctionnalité. La faible fonctionnalité des groupements
s'explique souvent par la non implication des membres dans la gestion du
groupement, le niveau faible de concertation entre les membres du bureau,
l'abandon du travail collectif et le non renouvellement du bureau. L'engagement
des membres des groupements dans les actions collectives se trouve alors
handicapé par le faible fonctionnement de ces derniers.
L'étude approfondie des groupements ayant reçu
de dispositifs (Itchèléré, Katshéfè Toga et
Minangnonimidé) nous a permis de comprendre la réalité
cachée derrière ces notes traduisant leur faible
fonctionnalité. En effet, dans le cas des trois groupements, le pouvoir
se trouve concentrer dans les mains d'un individu, leader du groupe qui, avec
certains membres avec qui, il entretient des relations de parenté et /
ou de voisinage, gère le groupement comme une entreprise personnelle. Le
statut de leader varie d'un groupement à un autre. Par exemple à
Magoumi, le statut de leader revient à la secrétaire tandis
qu'à Ouèdèmè il revient au président et
à Kpakpaza à la trésorière. Ces leaders avec leurs
alliés détiennent le monopole sur les formations. En effet, selon
nos enquêtes, il apparaît que malgré l'effectif
pléthorique de ces groupements, les représentants aux diverses
formations sont souvent les mêmes15. Dans la plupart des cas,
les simples membres ne sont pas informés de ce qui s'est passé
à ces rassemblements. L'enjeu ici, ce sont les perdiems aux participants
à ces formations. Mus par ce seul intérêt, les responsables
et certains membres des groupements avec qui ces derniers16
entretiennent des relations de parenté et/ou d'amitié sont les
seuls à participer à toutes les
15 Le choix des participants ne tient pas compte de leur profil
en relation avec le contenu de la formation.
16 Les responsables
formations même si ceux-ci n'ont pas la capacité
de pourvoir bien suivre ce qui s'y déroule pour venir restituer à
la base. Ils jouent ainsi un rôle d'écran entre les structures
d'intervention et la base, empêchant ainsi l'information d'atteindre
cette dernière. Certains membres des groupements n'hésitent pas
à dénoncer ce fait mais sans jamais pourvoir le faire savoir aux
responsables. Nous présentons ici quelques déclarations de
certains membres des groupements sur les méthodes de sélection
des participants aux formations au sein des groupements :
« Dans mon groupement, c 'est souvent la
secrétaire qui désigne ceux qui doivent participer aux formations
et le plus souvent ce sont les membres du bureau qui y participent. Les simples
membres sont rarement choisis, et ceci à cause des perdiems. Mais pour
les formations gratuites qui ont lieu au village ici, on invite tout le monde
pour montrer aux patrons que le groupement marche bien ».
La déclaration d'un membre de groupement dans un autre
village enquêté corrobore celle du précédent :
« Le groupement, c 'est l 'affaire de la
trésorière. Tu sais, pour les formations où on distribue
de l'argent nous ne sommes jamais informés. Mais pour celles qui se
déroulent au village ici, où on ne distribue rien c 'est
là qu 'on informe tout le monde ».
Ces déclarations ne sont que des exemples parmi tant
d'autres exprimées par certains membres des groupements pour
dénoncer le mode de sélection des participants aux
différentes formations. Nous avons procédé à la
vérification de ces déclarations auprès d'au moins trois
membres d'un même groupement. De cette vérification, il ressort
que ces faits sont des réalités dans la mesure où l'un des
groupements étudiés a bénéficié de trois
formations sur l'étuvage amélioré dont deux
déroulés à l'extérieur du village; et le constat
est que, ce sont les mêmes membres du groupement qui ont participé
aux deux formations nécessitant un voyage (payé par les
formateurs). Ces derniers sont composés uniquement des membres du bureau
élargi à quelques membres proche de la
trésorière.
Dans la mesure où le choix des formateurs
endogènes est laissé à la charge des responsables des
groupements dans le cas du dispositif amélioré, il apparaît
nécessaire que les structures d'intervention interviennent pour
énumérer certains critères de choix des
représentants aux formations en attendant la promotion des
mécanismes de contre pouvoir dans ces groupements (voir Vodouhè
1996). Ce contre pouvoir peut être un comité de sélection
des représentants aux formations. Il peut également s'agir de
renforcer les instances
de décisions au sein des groupements, en formant les
responsables en matière d'organisation, et en promouvant des
commissaires formés à jouer efficacement ce rôle.
Au demeurant, le faible fonctionnement des groupements
constitue un biais pour la voie d'introduction du dispositif et montre une
limite à ce mode d'intervention qui tend à devenir une
panacée pour les organismes d'intervention. En effet, de nos
enquêtes, il ressort qu'il existe trois catégories de
transformatrices : les producteurs-transformateurs, les
collecteurs-transformateurs et les grossistes-transformateurs. Les
producteurs-transformateurs représentent la catégorie de
transformatrices qui sont d'abord producteurs de riz qui, transforment tout ou
partie de leur production et celle de leur conjoint. L'étuvage du riz
constitue pour elles une activité secondaire qu'elles pratiquent
seulement pendant la grande saison sèche (Novembre-Mars) Les deux autres
catégories combinent les activités de commerçants à
celles de transformatrices et se distinguent de la première
catégorie non pas seulement par le fait qu'elles ne sont pas
productrices du riz mais aussi par leur capacité à étuver
de grande quantité de paddy. Seule la première catégorie
(producteurs-transformateurs) appartient aux groupements. Ainsi donc, en
orientant les formations vers les groupements existants qui sont des
groupements de producteurs du riz, les organismes d'intervention excluent les
deux autres catégories de transformatrices que nous dénommons les
professionnels de l'étuvage qui sont en réalité la
première cible qui devrait être visée dans la mesure
où ce sont ces dernières qui mettent la plus grande
quantité du riz étuvé sur le marché. De plus,
l'objectif de l'innovation est de contribuer à améliorer de
façon qualitative le riz localement étuvé afin de lui
permettre de concurrencer sur le marché le riz importé. Ainsi
donc, on se tromperait de cible en voulant restreindre la formation au seul
membre des groupements existants. De plus, dans ce cas, les premiers acteurs
visés par l'innovation n'auront pas accès aux informations de
première main. Il est donc nécessaire, à défaut de
réorienter les formations, d'élargir la formation aux
professionnels de l'étuvage. Ceci suppose l'implication des
transformatrices non-membres des groupements dans les formations.
Si le point de vue ci-dessus exposé s'est plutôt
focalisé sur le choix du groupe cible, il faut reconnaître que les
actions de vulgarisation concernent aussi les méthodes de communication
utilisées pour provoquer le changement chez le groupe cible, le contenu
du message de vulgarisation et les facilités de crédit (possible)
accordés au groupe cible. Les actions relatives aux facilités de
crédit sont présentées en détail plus loin dans ce
document. Les méthodes de communication utilisées par les acteurs
ont privilégié la méthode de groupe. La formation est
donnée aux transformatrices organisées en groupe. La formation se
fait en
deux phases: une phase théorique et une phase
pratique. La phase théorique se fait à l'aide d'un film (de 12
minutes) réalisé sur l'étuvage amélioré du
riz par l'ADRAO et qui montre tout le processus d'étuvage. Selon Van den
Ban et al. (1994), les aides audio-visuels peuvent remplir deux
fonctions différentes :
- amélioré le processus de transmission de
l'information (un processus cognitif) ;
- développer ou renforcer la motivation à
changer de comportement et/ ou d'opinion (un processus émotionnel).
L'utilisation des aides audio-visuelles améliore
l'efficacité de la vulgarisation. Toutefois, il est important de
signaler que pour plus d'efficacité, l'association des méthodes
interpersonnelles aux méthodes de formation serait nécessaire.
Ceci se fera à travers les visites de terrain que les agents formateurs
pourront organiser c'est-à-dire à travers l'organisation du suivi
des transformatrices. Aussi, l'utilisation des masses média sera-t-elle
nécessaire. Ceci passera par des communications sur les stations de
radio locales sur le dispositif et aussi sur les avantages du riz
étuvé. En effet, de nos enquêtes, il ressort que, la radio
(en particulier la radio locale Ilèma) constitue l'une des principales
sources d'information des transformatrices sur les innovations. L'utilisation
de ce canal permettra d'informer un grand nombre de transformatrice.