Le Contrôle de l'application du DIH reste une question
aussi vague que son contenu. Les mots sont durs, certes, mais doit-on
tolérer tout vide derrière lequel se retrancheraient
d'éventuelles violations? Cette interrogation procède de
l'analyse des mécanismes visant à assurer le respect du
DIH. Il s'agit tantôt des difficultés des
mécanismes inter-étatiques et des tares du contrôle
institutionnel.
A - LES DIFFICULTES DES MECANISMES INTER ETATIQUES
Il appartient aux Etats, en premier lieu, de garantir le
respect des normes du DIH. Cette garantie suppose un droit de
regard étendu qui va du contrôle collectif au recours à la
puissance protectrice.
1- les faiblesses du contrôle collectif
Le premier coup d'oeil jeté sur la quatrième
Convention de Genève fait ressortir les termes de l'exigence d'un
contrôle collectif dont les hautes parties contractantes s'engagent
à reconnaître à travers l'obligation de respecter et de
faire respecter la convention74. Il s'agit d'une obligation de
diffuser et de veiller à la diffusion du DIH.
73 Ligui Cordorelli : l'évolution récente des
mécanismes visant à assurer le respect du DIH, pp 127-133, Paris,
Pedone 1998 74Art. 9 IVème CVG
Cette idée se fait vague son caractère reste
fluctuant. Il n'y a pas de limite ou d'étendue à la diffusion,
encore que les Etats ne disposent pas des mêmes structures pour faciliter
cette diffusion. Un Etat peut, pour des besoins de diffusion, inscrire le
DIH dans les programmes scolaires tandis qu'un autre
décidera de diffuser des émissions à la radio et à
la télévision. Le résultat ne sera certainement pas le
même. Déjà, la diffusion n'emporte pas
nécessairement réception. Les Etats ont parfois objecté
qu'une large diffusion du DIH et des droits de l'homme
contribue à une prise de conscience de la population et à une
multiplication de procès contre l'Etat ou contre ses institutions.
Il en est de même pour l'obligation de faire respecter
collectivement le DIH. C'est une brèche ouverte aux
Etats de pouvoir demander à un Etat de faire cesser les violations
répétées et graves sur son territoire. D'une part, une
pareille invitation serait facilement considérée comme une
immixtion dans les affaires intérieures avec son cortège de
désagréments diplomatiques. D'autre part, l'application d'une
pareille obligation pourrait encourager l'arbitraire; un Etat pourra
considérer que la situation chez son voisin est désastreuse et
entreprendre des démarches pour une intervention armée tandis
qu'un autre Etat donnerait une interprétation moins stricte à la
question. Tout ne serait dès lors que question d'intérêts.
Enfin, les limites d'une pareille intervention ne sont pas clairement
définies. Elle peut ainsi se prolonger dans le temps.
Généralement, elle peut déboucher sur une extension du
conflit et aggraver dès lors ses conséquences.
L'expérience malheureuse de la généralisation du conflit
dans la région des grands lacs avec l'intervention de plusieurs
armées a été à l'origine d'un sérieux
précédent humanitaire. Cette situation est aussi malheureusement
celle à l'origine de la notion de puissance protectrice.
2 - La dilution de la notion de puissance protectrice
La puissance protectrice est un Etat tiers chargé de
protéger les intérêts d'une partie au conflit dans le pays
ennemi. Celle-ci accomplit ses missions par l'intermédiaire de ses
représentants ou de ses délégués qui devront en
tout état de cause ne s'en tenir qu'à leur mission. Cette mission
peut être confiée par substitution à un organisme
compétent, impartial et efficace pouvant faire face avec succès
à la situation et pouvant exercer sans entrave majeure dans le contexte.
Ce rôle est généralement dévolu au CICR
qui s'en acquitte heureusement bien.
Toutefois, la notion de puissance protectrice telle que
prévue a fait son chemin et est diluée aujourd'hui dans la
sphère des oubliettes du fait de l'interprétation extensive qu'on
fait d'elle. La désignation d'une puissance protectrice et son
entrée en service est subordonnée à l'acceptation de
toutes les
parties au conflit. La guerre ayant aussi pour effet de
nuire, on voit mal un Etat en pleine guerre accepter les propositions que lui
fait son ennemi. Elle relève de plus en plus de l'histoire de nos jours
car les exigences de la guerre moderne n'intègrent pas aisément
la possibilité de dialoguer pendant les hostilités.
De même, confier cette tâche à un
organisme indépendant pourrait facilement remettre en doute
l'indépendance de celui-ci et l'exposer aux risques du conflit. Tel est
le fondement des limites du contrôle institutionnel.
B - LES LIMITES DU CONTROLE INSTITUTIONNEL
Le contrôle institutionnel se rapproche de la
composante examinée ci - haut en ce sens qu'un organisme
indépendant assure les fonctions qui sont normalement assignées
à une puissance protectrice: Les remarques faites au niveau de ce type
de contrôle consacrent ses faiblesses.
- la disparité de ces organismes est le premier
argument qui soutient sa fragilité. En fait, pour quelles raisons telle
ou telle autre serait préféré? Il serait aisé
d'accorder des facilités à « Médecins du Monde >,
à >Médecins sans Frontières > ou à l'ordre
souverain de Malte. Mais cette facilitation pourrait être néfaste
à l'organisme en question, notamment lorsqu'il s'agit d'un conflit
armé non international. Il n'est pas évident pour une
armée régulière qui veut anéantir une insurrection
ou pour les rebelles d'accepter en même temps que celle-ci désigne
des intérêts qu'elle entend protéger. Une force
illégale du fait même de sa nature juridique a du mal à
être suivie par un organisme indépendant.
- Les organismes indépendants, dans leurs missions de
contrôle ne disposent d'aucun moyen de coercition pour amener les parties
contractantes à cesser leurs violations. A ce niveau; seul leur est
reconnu et assez limitativement d'ailleurs, le droit de constater et de
dénoncer les violations.
- Le contrôle fait par l' ONU est lui
aussi limité. En fait ses diverses interventions sont souvent
qualifiées de partiales car aux situations similaires s'applique un
contrôle différent. C'est un système de «deux poids
deux mesures.>Les inégalités au sein du système des
NU complètent cette suspicion.