L'idée d'une pénalisation des infractions
graves portées contre les personnes qui ne prennent pas part aux
hostilités, plus précisément les populations civiles ,se
résume à la fois dans l'examen du droit applicable que dans sa
sanction.
Toute fois, abstraction faite de ce qui a déjà
été mentionné plus haut, il convient de revenir sur la
qualification de l'infraction dont la notion bien qu'usitée, est d'un
contenu complexe et variable suivant le contexte et suivant les
époques.
Pour ce qui concerne le droit applicable, il est celui
édicté par les Conventions de Genève, les Protocoles
additionnels et les différentes résolutions du conseil de
sécurité, résolutions attributives de
compétence.
A- LA QUALIFICATION DE L'INFRACTION
Ainsi qu'il ressort de notre analyse ci dessus, la
répression est mise en oeuvre chaque fois qu'il y a crime contre
l'humanité, crime de guerre, génocide, violations graves au
DIH... Leur évocation ne suffit pas pour comprendre leur contenu.
1- Le crime de guerre.
La définition que donnai t le statut du Tribunal de
Nuremberg60 s'est avérée intéressante mais
incomplète d'où son extension ainsi qu'il suit: Un crime de
guerre est une violation grave du Droit International humanitaire, une
infraction grave aux lois ou coutumes de la guerre, quel que soit la nature du
conflit. Entrent ainsi dans cette catégorie les atteintes suivantes:
- L'homicide international;
- La torture ou les traitements inhumains;
- Le fait de causer intentionnellement de grandes
souffrances;
- Le fait de porter des atteintes graves à
l'intégrité physique;
- Le fait d'attaquer volontairement la population civile;
- L'utilisation du signe distinctif de la croix rouge, du
croissant rouge ou d'autres signes de même nature à des fins
militaires;
- Le pillage.
60 - Art 6 du statut du Tribunal de Nuremberg : les crimes de
guerre visent notamment « l'assassinat, les mauvais traitement ou la
déportation pour travaux forcés ou tout autre but des populations
dans les territoires occupés»
2- Les crimes contre l'humanité
La définition retenue ici pour designer le crime
contre l'humanité procède de l'économie de l'article 6 du
Tribunal de Nuremberg qu'on peut résumer en ces termes :
- L'assassinat;
- L'extermination;
- La réduction en esclavage;
- La déportation;
- Les actes inhumains commis contre toute population civile
avant ou pendant la guerre;
- Les persécutions pour des motifs politiques ou
religieux.
A ceci, on ajouterait valablement les persécutions pour
des raisons tribales et le génocide.
Ainsi, qu'il s'agisse du crime de guerre ou du crime contre
l'humanité, le juge dispose d'un droit d'interprétation et peut
en fonction de la gravité de la situation inclure une infraction non
visée ici spécialement dans l'une ou l'autre catégorie.
Il convient de faire un rapprochement entre les deux notions
précitées et la notion «d'infractions graves» si
chère aux rédacteurs des Conventions et de leurs Protocoles. Le
contenu de leurs dispositions61 répond clairement à la
question :qu'est - ce qu'un crime de guerre ou un crime contre
l'humanité?
B - SANCTIONS DES INFRACTIONS
Notre étude s'est bornée jusque là aux
infractions graves. Toute fois, seront envisagées les différentes
sanctions liant les différentes infractions. Globalement, la question ne
consistera pas à établir le régime infractions simples,
infractions graves; il sera question d'envisager le problème sous
l'angle de la répression basée sur la responsabilité
individuelle ou de la responsabilité de l'Etat. Il faut
reconnaître que le droit de la guerre a été dépourvu
de sanction jusqu'en 1949, ce qui a été probablement à
l'origine du développement du sentiment d'impunité. Fort
heureusement des articles pratiquement identiques ont été inclus
dans les quatre Conventions pour réprimer les violations.
61 - Art 174 IV ème CVG et Art 85 PI
1 - La responsabilité de l'individu.
La responsabilité individuelle est admise et celui ne
saurait se retrancher derrière le principe de l'ordre reçu pour
essayer de se disculper. En effet la notion d'ordre reçu est de plus en
plus contestée. On estime que tout ordre illégal (manifestement)
ne doit être exécuté. On conçoit difficilement un
ordre irrésistible. La crainte ne peut être évoquée
par le soldat pour justifier son acte répréhensible.
La sanction dirigée contre le soldat peut être
d'abord, en cas d'infraction légère, juste disciplinaire. Dans
cette hypothèse, la sanction est infligée par le supérieur
hiérarchique.
La sanction pénale est la plus fréquente. Elle
est dirigée contre le criminel qui a commis par son action ou son
omission ou qui a donné un ordre débouchant sur une infraction
grave. Cette répression peu viser le supérieur
hiérarchique qui donne l'ordre illégal ou qui s'abstient de faire
cesser ou de réprimer l'infraction en question62 . Elle peut
consister à punir l'auteur par la peine de mort qui ne pourra être
exécutée qu'après expiration de toutes les voies de
recours.
2- La responsabilité de l'Etat
La responsabilité de l'Etat accompagne celle de
l'individu en tant que soldat d'une part. Ainsi, l'Etat ne peut
s'exonérer ou prétendre exonérer un autre lorsque des
violations graves ont été commises63. D'autre part,
l'Etat est responsable pour n'avoir pas empêché la commission de
ces infractions. Cette responsabilité indirecte est liée à
la toute puissance de l'Etat qui a les moyens de faire cesser les violations et
dans une moindre mesure, de les dénoncer et de tout mettre en oeuvre
pour appréhender les auteurs qu'il doit traduire en justice.
La responsabilité de l'Etat, lorsqu'elle est
établie, ne peut déboucher que sur des sanctions
pécuniaires. Le sentiment de satisfaction que procure une
réparation du dommage en terme pécuniaire ne peut pas effacer la
blessure mais peut au moins la cicatriser. Il est question à travers
cette sanction de ne pas abandonner la victime à elle-même. De
même, cette sanction contre l'Etat vise aussi à abolir
l'idée de l'impunité de celui - ci qui se croirait, en tant que
personne morale, en dehors de toute idée de poursuite du fait de ses
agents. En quelque sorte .l'Etat représente pécuniairement
l'individu sur la scène internationale et dispose ensuite d'une action
récursoire contre lui.
62 -Art2.PI
63 - Art 148 IV ème C.V.G
En somme, le DIH dans son versant touchant
les populations civiles garanti une protection de ceux-ci non seulement en
édictant des normes qui concourent à la prévention des
infractions mais aussi en établissant des mécanismes
d'intervention dans les moments difficiles et sur le terrain des
hostilités pour apporter soins et secours sous diverses formes aux
populations littéralement inoffensives. Les textes internationaux ne se
contentent pas de réguler la conduite des hostilités mais vont
plus loin en prévoyant tout un régime répressif visant
à combattre les atteintes par un ensemble de sanctions qui vont du
pécuniaire à l'emprisonnement. Il est toutefois regrettable qu'un
véritable moyen de contrainte n'existe pas, ce qui matérialise
l'un des côtés fragiles de la protection.