SECTION II- LE RENFORCEMENT DES STRATEGIES ET DES
MECANISMES NOUVEAUX
Le sort des civils dans la guerre est inévitablement
lié au sort du DIH qui, malgré une codification, présente
aujourd'hui de nombreuses limites qu'il faut penser pour un
épanouissement réel de la population. Pour sortir de ce cycle
infernal, il faut, maintenant que les failles ont été
tirées et que l'exemple réussi du CICR a été
présenté, envisager l'avenir de façon positive en
renforçant déjà ce qui existe. Or, ce que le droit a
prévu semble lui aussi insuffisant. Dès lors, il faut aller plus
loin en imaginant ce qui pourra être le nouveau visage du DIH. Cette
revalorisation du DIH passe par des stratégies bien pensées et
des mécanismes nouveaux.
P1- LES STRATEGIES APPLICABLES
Résoudre de façon efficace les problèmes
posés par les crises humanitaires passe par la mise sur pied des moyens
visant à éviter des dérapages. Il s'agit d'engagement
collectif de tout mettre en oeuvre pour garantir l'application du DIH
et sa diffusion. Il est d'ailleurs souhaitable que les
problèmes de garantie et de diffusion ne soient plus envisagés
comme voeux mais comme véritables obligations.
A - L'OBLIGATION DE DIFFUSER LE DIH
L'idée qui gouverne cette réflexion est que le
DIH existe bel et bien et protège suffisamment les
civils mais reste très peu connu parce que pendant longtemps, il a
été très peu reçu et surtout mal diffusé
tant au niveau interne qu'au niveau international.
1 - Sur le plan interne
Au niveau interne, les sociétés nationales de
la Croix - Rouge jouent un rôle prépondérant dans la
diffusion et l'application du DIH à travers les
séminaires, les conférences et la médiatisation. Ce
rôle s'avère toutefois insuffisant et limité parce que
celles-ci n'ont pas toujours les moyens qu'il faut pour une bonne politique de
diffusion. L'oeuvre humanitaire étant essentiellement
bénévole, les moyens pour la formation d'un personnel
véritablement compétent ne suivent pas toujours les politiques
préétablies.
Pour mieux diffuser le DIH au plan interne,
il faut de façon globale:
- multiplier les instances régionales de la Croix -
Rouge à l'intérieur du pays. Ceci passe par une forte
décentralisation qui permettrait à la société
nationale de mieux s'étendre géographiquement afin d'atteindre
les couches sociales les plus retirées, celles des campagnes et des
zones enclavées.
- Encourager la formation des personnels en matière de
secours. Très souvent, en cas de conflits, les premiers secours tardent
à se mettre en place faute de personnel qualifié et volontaire.
Cette formation du personnel doit être constante afin d'éviter les
improvisations qu'on observe régulièrement dès que la
crise commence.
- L'insertion du DIH dans les programmes
scolaires dès le secondaire permettrait d'assurer une connaissance quasi
parfaite de la matière. Jusque là, dans de nombreux pays
d'Afrique (Cameroun par exemple) le DIH n'est enseigné
qu'aux étudiants de droit et très généralement
comme matière facultative ou optionnelle du second cycle Universitaire.
Or, rares sont ceux qui atteignent généralement ce niveau.
Cette insertion du DIH doit cesser de
paraître comme une affaire de l'Occident pour s'ancrer dans les valeurs
juridiques et dans toutes les instances internes afin que la population dans
son ensemble soit édifiée sur sa pertinence.
2 - Sur le plan international
La diffusion du DIH au plan international
vient au secours des efforts faits sur le plan interne. Ce rôle a
été jusque-là le cheval de proue du CICR
avec ses créations comme l'institut Henri Dunant. Cette
diffusion n'est pas parfaite; c'est pourquoi, une amélioration reste
souhaitable. Pour ce faire, il faut:
- Encourager la coopération des sociétés
nationales entre elles, entre elles et le CICR, entre elles et
les autres organisations. Une pareille coopération, si elle est
réussie, favoriserait les échanges entre ces diverses instances
en vue d'élargir et de mieux maîtriser les espaces où la
promotion est nécessaire.
- Promouvoir les conférences internationales,
véritables forums où les Etats et les organisations viendraient
échanger régulièrement leurs expériences et leurs
opinions sur la question de diffusion. Les conférences ne doivent pas
avoir uniquement pour objectifs l'édiction de nouvelles normes. Elles
doivent intégrer les médecins, les militaires, les anciens
réfugiés et internés... afin que de ces forums assez
représentatifs sortent des décisions et des stratégies
pouvant permettre une diffusion plus efficiente du DIH.
La coopération doit également être
renforcée entre les organisations opérationnelles et les
NU. Cette dernière avec les moyens financiers qu'elle
met à la disposition des organisations humanitaires doit au besoins
préciser l'emploie dont une bonne partie serait destinées
à la diffusion du DIH.
.
B - LA GARANTIE COLLECTIVE
L'obligation de garantie collective dont il s'agit consiste
pour l'ensemble de la communauté internationale à veiller
à ce que le DIH soit respecté. Cette obligation
est aujourd'hui presque diluée par le fait du principe de
non-ingérence. En effet, garantir consiste à protéger les
citoyens d'un Etat victimes des effets de la guerre. le principe de l'abandon
de l'intervention armée étant depuis fort longtemps admis, il est
pratiquement difficile d'exercer ce droit face au principe de la
souveraineté.
De même, les Etats qui devraient collectivement se
dresser contre certains abus se comportent très souvent en
étrangers, feignant de ne pas connaître qu'ils ont collectivement
la responsabilité de faire respecter le DIH.
Dès lors que les Etats estiment qu'ils ne sont pas
liés au conflit, ils se doivent de réagir afin que la
communauté internationale dans un système régulateur
puisse constater la cessation des atteintes. Pour ce faire:
? Les Etats doivent relire le contenu des textes qui leur
donnent ce mandat permanent chaque fois qu'il y a infractions graves et
répétées. Ceci s'apparente au droit d'initiative du
CICR.
? Il faut revoir les imprécisions de l'article7 du
Protocole I et de l'article 89 du même texte qui ne définissent
pas clairement les conditions et les modalités de la garantie
collective. On a du mal à déterminer l'étendue de cette
garantie. S'agit - il de pressions diplomatiques ou d'une intervention
armée? Il est souhaitable qu'un nouveau visage soit reconnu à la
garantie collective et qu'elle soit désormais envisagée en
mesures de rétorsion, c'est à dire en actes inamicaux se
présentant comme préliminaires aux sanctions véritables et
revêtant un caractère licite. Il peut à ce sujet s'agir:
- Les expulsions diplomatiques: cette politique permet
d'attirer l'attention de la communauté internationale sur la situation
reprochée par l'écho qu'elle engendre tant dans les médias
que dans les milieux politiques.
- De la rupture des relations diplomatiques: c'est la suite
logique de la première mesure. Elle vise à montrer à
l'Etat accusé de violations graves, son degré de
mécontentement. Généralement, cette mesure entraîne
un début de contact en vu du rétablissement de liens et par
conséquent l'évocation directe des reproches et l'examen
approfondi de la situation par les deux parties et éventuellement par la
communauté internationale.
- Réduction ou suspension de l'aide et des prêts
financiers à l'Etat en question. Cette mesure assez grave est celle que
prend généralement un Etat bailleurs de fond ou plus riche envers
un autre plus pauvre et nécessiteux. Toute fois, une pareille mesure
doit être correctement étudiée avant d'être
appliquée. En fait, un Etat déjà nécessiteux
à qui on suspend ou réduit l'aide pour l'obliger à cesser
les violations graves aux Conventions de Genève peut se retrouver
dès lors dans une situation encore plus grave. Cette mesure, pour
produire les effets attendus doit donc être ponctuelle et raisonnable.
- Gel des capitaux et avoirs financiers: C'est la
consécration de la continuation des violations. Il faut par cette mesure
sanctionner les concernés directs (Chef d'Etat, membres du
gouvernements, responsables militaires...) en opérant un gel de leurs
avoirs. Cette mesure peut impulser un début de solution du fait de sa
rigueur et de son caractère direct et personnel.
La liste des mesures coercitives mais non armées qui
constituent ici l'essentiel de notre argumentation n'est pas exhaustive. On
peut y ajouter l'embargo
aérien, l'interruption de toute négociation en
cours, l'embargo commercial... L'idée de base reste que la garantie
collective ne doit intégrer que des mesures de rétorsion non
armées.
A côté de ces stratégies, il faut
développer un autre rôle pour les NU afin de lui
rappeler ses missions fondamentales.
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