P2- LE RENFORCEMENT DU ROLE DES NU
L'ONU sort suffisamment affaiblie du bras de
fer qui l'a opposé tout récemment aux Etats Unis au sujet de
l'Irak. Le débat est encore ouvert sur la question de savoir «qui
gouverne» aux NU; est-ce le Secrétaire
Général, le Conseil de Sécurité, l'Assemblée
Générale ou les... Etats Unis? On se pose déjà la
question de savoir: qu'est ce qui sera fait face au refus de Charles Taylor de
se présenter devant le tribunal mis sur pied sous l'égide des
NU pour répondre des violations au DIH pour lesquelles
il est accusé? Ces divers cas traduisent un malaise qu'il faut examiner
en profondeur pour remarquer que le meilleur rôle de l'ONU
aujourd'hui serait d'abord préventif et exceptionnellement
répressif.
A - L'ACCROISSEMENT DU ROLE PREVENTIF AU SEIN DES
NU
L'ONU aujourd'hui doit recentrer ses
activités de manière à éviter le plus possible les
catastrophes humanitaires et au besoin afin de limiter au maximum les conflits
armés. Nous l'avons dit, outre quelques actions réussies,
l'ONU s'est enfermée depuis quelques années dans
un cycle de résolutions qui n'ont d'écho que dans les
médias et au siège des NU, sans jamais
être suivies. Afin d'éviter un pareil constat nuancé
à l'avenir, il est question de s'atteler dès lors aux
tâches de prévention en intégrant dans ses organes une
véritable commission humanitaire et en orientant efficacement son
rôle d'institution de maintien de la paix.
1 - La Commission humanitaire des NU
Cette idée est une proposition fort heureuse de
Médecins du Monde. Elle aurait pour but, cette Commission, de pallier au
déficit d'information auquel font face les Etats. Il s'agit de la
recherche, de la collecte et de la diffusion d'informations fiables
collectées à partir de toutes les bonnes sources disponibles.
Celles -ci doivent porter sur les déplacements des populations, les
conditions de sécurité qui entourent ces déplacements, les
conditions dans lesquelles vivent ces populations et l'état des
violations du DIH et des droits de l'homme.
Globalement, cette Commission doit collecter en tous lieux,
toutes les informations relatives au sort des populations en danger. Cette
information doit ensuite être traitée par ses soins et transmise
sous forme de rapport au secrétaire Général des NU qui
doit dès lors attirer l'attention du Conseil de
Sécurité.
Cette Commission qu'il est souhaitable de créer
devrait être dotée d'un véritable statut juridique et de
véritables moyens afin de pouvoir de se déployer à temps
sur le terrain pour effectuer son unique tâche qui se résumerait
dans la collecte et la transmission instantanée de données afin
de faciliter les décisions politiques fondées sur la satisfaction
des besoins des populations civiles. Elle contribuerait aussi à agir en
amont dans le maintien de la paix.
2 - La réorientation du maintien de la paix
Traditionnellement, ce rôle dévolu à
l'ONU du fait du chapitre VI de la Charte des NU consiste
à faire respecter des cessez-le-feu et des lignes de démarcation
ou de conclure des accords de retrait de troupes. Ces tâches
traditionnelles ont pendant longtemps inhibé les actions de
l'ONU qui dès lors se contentait de jouer le rôle
strict de gardien de la paix.
Ces dernières années, ce rôle s'est
étendu et comporte aujourd'hui des tâches telles que la
surveillance des élections, c'est-à-dire l'observation de leur
régularité et l'aide en vue d'une bonne organisation des
opérations électorales dans les pays oil des
irrégularités sont susceptibles de jeter de l'huile sur le feu et
oil il n'y a pas assez de moyens pour garantir le succès de telles
opérations. Le maintien de la paix s'est aussi étendu à
l'acheminement des secours humanitaires; ainsi l'ONU, sous
l'idée de maintien de la paix s'est très souvent retrouvée
impliquée dans l'acheminement, la protection des convois humanitaires et
même dans la distribution des secours. L' ONU,
également, sous le prétexte du maintien de la paix,
assiste les parties concernées dans le processus de
réconciliation nationale. Ce cas a été assez porteur au
Burundi. L'ONU se trouve ainsi impliquée dans une
situation purement intérieure. Toutefois, ces actions en faveur du
maintien de la paix nous semblent incomplètes d'oil le constat
d'échec que nous avons relevé plus tôt. Il faut donc
ajouter à ces missions traditionnelles visant le maintien de la paix:
- la reconnaissance des groupes terroristes afin d'engager les
négociations le plus tôt avec eux pour éviter l'embrasement
et les massacres des civils;
- le maintien de la paix passe aussi aujourd'hui par le
réaménagement de la législation visant à
réglementer les résistances pacifiques qui finissent presque touj
ours à se transformer en résistance armée ; le reste est
connu.
- Il faut également créer un code de conduite
pour harmoniser les actions et les liens des organisations humanitaires en
faveur des mouvements insurrectionnels afin d'éviter le sentiment
d'impartialité qui est souvent à l'origine des frustrations et
éventuellement des velléités.
Ce rôle préventif que les NU se
doivent de promouvoir doit se poursuivre dans la promotion et le financement de
la recherche dans le domaine du DIH. Il faut toutefois se
poser la question de savoir: lorsqu'une partie refuse
délibérément de cesser les violations et que tous les
moyens pacifiques sont épuisés, que faut-il faire? C'est
là l'évocation de la répression armée.
B - L'ADMISSION DE LA REPRESSION ARMEE
Il peut arriver que l'urgence et l'ampleur des violations
obligent à faire usage d'une intervention armée pour les faire
cesser dans le cadre du chapitre VII de la Charte des NU. Le
Conseil de Sécurité ne saurait oublier dès lors que son
rôle primordial est de préserver et de rétablir la paix.
Même dans cette guerre obligée, les organisations humanitaires
doivent jouer un rôle essentiel pour la création des zones
protégées, des couloirs de sécurité...
Une pareille intervention matérialise l'échec de
toutes les négociations et de toutes les mesures de rétorsions
pacifiques. Elle est l'ultime recours et peut prendre plusieurs formes:
Elle peut se présenter sous la forme d'opération
d'imposition de la paix. Elle est conduite par des forces des NU
ou par des Etats, des groupes d'Etats ou des Organisations
régionales à l'invitation de l'Etat concerné ou sur
autorisation du Conseil de sécurité. Ces forces se voient confier
une mission de combat et sont autorisées à utiliser des mesures
coercitives pour s'acquitter de leur mandat. Le consentement des parties n'est
pas forcément requis; l'urgence étant, ce qui importe, c'est
d'imposer la paix par tous les moyens et le plutôt possible. Ces actions
se doivent d'être précises et ne doivent pas s'étendre dans
le temps afin de ne pas aggraver la situation humanitaire. La promptitude dans
cette opération passe par une réelle étude de terrain et
de la situation globale avant l'ouverture des manoeuvres. De même,
celle-ci doit être faite de manière à garantir au maximum
la protection des populations pendant sa durée.
Avant toute mission d'imposition de la paix, il est important
voire nécessaire de rappeler aux soldats devant intervenir le contenu du
DIH afin qu'ils ne soient les premiers à tomber sous le
coup de ses limitations.
De même, une imposition de la paix, pour qu'elle soit
réussie doit, après la cessation des hostilités se
poursuivre par une démilitarisation des groupes armés. Dans la
même optique, une mission d'imposition de la paix ne doit pas se presser
de quitter le territoire concerné à la fin des opérations.
Au contraire, le départ doit être lent et progressif pour
éviter un réveil des combats.
Il convient enfin de noter que la composition des forces
d'imposition est en principe hétéroclite et ses membres restent
tenus par leur législation nationale de respecter les instruments du
DIH auxquels leur pays d'origine est lié. En
conséquence, s'ils violent le droit, ils peuvent être poursuivis
devant leurs tribunaux nationaux. Le fait de faire partie des casques bleus ne
confère en aucun cas l'immunité. Tout le monde doit respecter le
DIH, tout le monde doit respecter les civils.
Dans l'hypothèse du recours à la force, c'est
à dessein que nous excluons ici l'hypothèse des
représailles qui consistent à répondre à une
violation par une autre violation. Il ne faudrait pas admettre que le mal soit
rendu par le mal.
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