Etude comparée de l'arbitrage international dans l'OHADA et en Suisse( Télécharger le fichier original )par Cassius Jean SOSSOU BIADJA Université de Genève - DEA 2006 |
2-. LES FONDEMENTS DE LA DUALITE DU REGIME JURIDIQUE EN DROIT SUISSELe fondement pour une législation différenciée se base sur le raisonnement selon lequel, l'arbitrage interne se situerait à l'intérieur d'un seul ordre juridique et se caractériserait par la soustraction du litige à la connaissance des tribunaux ordinaires, avec pour conséquence le contrôle de la procédure et de la sentence par les juridictions étatiques. Par ailleurs, l'arbitrage international s'opèrerait souvent dans le cadre des relations du commerce international et /ou de la pluralité des ordres juridiques, faisant ainsi intervenir des conflits de lois et /ou de juridictions. Ainsi, il en résulterait une impossibilité d'application des dispositions légales de la législation interne sur l'arbitrage à l'arbitrage international, lesquelles dispositions, semble-t-il, seraient inadaptées aux besoins du commerce international. Cet argument justifierait, selon eux, la nécessité d'une réglementation spécifique à l'arbitrage international. Certains y voient des différences énormes justifiant un régime différencié puisque "le profil-type de l'opération et du litige du commerce international diffère de la transaction et du différend standard de droit interne"24(*). Sur la base de cette différenciation de critères clairement établis, les internationalistes25(*) suggèrent et soutiennent l'impérieuse nécessité de dissocier la réglementation applicable à l'arbitrage interne de celle applicable à l'arbitrage international. Même si, à la suite de cette argumentation nous soutenons avec eux la pertinence du raisonnement, nous sommes désolés de faire remarquer que parmi les États ayant légiféré récemment, "une nette majorité n'a pas estimé que la spécificité de l'arbitrage international, justifiait de le réglementer différemment de l'arbitrage international"26(*). Il est important de noter que, peu de pays dont la Suisse et la France27(*) sont passés pour être les leaders de l'application d'un régime juridique spécifique à l'arbitrage international. Pour en revenir au cas de la Suisse, la dualité de la réglementation helvétique sur l'arbitrage peut trouver son explication dans les particularités administratives de ce pays. Lesquelles particularités sont dues à la répartition constitutionnelle des compétences entre la confédération et les cantons. Jarvin trouve que, le choix pour ce pays "a été motivé par l'existence de règles locales inadaptées à un usage international qui, compte tenu de la tradition du pays en question ou de sa constitution, ont difficilement pu être modifiées". En effet, la réglementation sur l'arbitrage étant par essence une loi procédurale, elle relevait de la compétence exclusive des cantons en Suisse. Ceci étant, l'application à tous les arbitrages (quelle que soit leur nature) du concordat du 27 mars 1969, seul texte constitutif du droit de l'arbitrage interne et international à l'époque, et auquel les cantons ont adhéré, a donné lieu à des inadaptations pour ce qui est de son application à l'arbitrage international. On a alors estimé que, vu la spécificité de l'arbitrage international il est impossible de donner en une seule loi, une solution satisfaisante aux questions que soulèvent les deux sortes d'arbitrage. La confédération s'est alors reconnue compétente en matière d'arbitrage internationale et, l'a réglementé avec la LDIP du 18 Déc. 1987. Ainsi, tout comme en droit français où la qualification internationale de l'arbitrage est fondée sur un critère objectif et déterminant qui est la mise en cause des intérêts du commerce international, le droit positif suisse de l'arbitrage bénéficie d'un climat juridique différencié basé sur la reconnaissance d'un critère subjectif lié au domicile ou siège des parties. Selon que le domicile ou la résidence habituelle ou le siège des parties se trouve sur le territoire suisse, on distingue deux catégories d'arbitrage : l'arbitrage interne dont le concordat se fait actuellement l'écho 28(*) et l'arbitrage international réglementé par le chapitre 12 de la LDIP. Au surplus, il y a lieu de noter que sur ce point, la ressemblance entre les deux systèmes ne se limite qu'à la dualité de leur réglementation sur l'arbitrage. Comme nous le verrons plus tard, les droits français et suisse de l'arbitrage international ne s'accordent pas sur les critères de définition de l'internationalité de l'arbitrage. En résumé, cette différenciation de régime juridique applicable à l'arbitrage, a fait l'objet de dérogation aussi bien par le législateur OHADA que par le rédacteur néerlandais de la nouvelle loi sur l'arbitrage29(*) qui, ne procède pas à cette dichotomie procédurale. A notre avis, même si nous reconnaissons que l'arbitrage international a ses spécificités (relatives à l'application des règles du commerce international, si besoin) dont il faut tenir compte, il est évident d'admettre que les deux formes d'arbitrage ne sont pas des institutions aussi différentes qu'on puisse le croire, au point d'en légiférer différemment. Mis à part ces différentes conceptions, sur les fondements du régime juridique applicable à l'arbitrage international, il importe de définir l'internationalité de l'arbitrage selon le droit positif OHADA et helvétique. * 24 G. KAUFMANN-KOHLER / A. RIGOZZI, arbitrage international droit et pratique à la lumière de la DIP, éd. Weblaw, Berne 2006, Schulthess, Zurich/Bâle/Genève 2006, p. 36. * 25 Cf. B. Goldman, P.Lalive, les problèmes spécifiques de l'arbitrage international, rev. arb. 1980, p.323-340, p 341-372. Ph. Fouchard, la spécificité de l'arbitrage international, rev. arb. 1981, P.467-499. * 26 J-F POUDRET S. BOSSON, Droit comparé de l'arbitrage international, Bruylant 2002, p. 24. * 27 Spécificité reconnue par les décrets français du 12 mai 1981 et espagnole du 22 mai 1981. Outre ces deux pays, le Danemark (1973), l'Irlande (1998), la Grèce (1999) ont optés pour une réglementation spécifique de l'arbitrage international. * 28 Le concordat est élaboré dans la double perspective de l'arbitrage interne et international et s'appliquait à l'un et à l'autre. Cependant il ne présente plus une portée pratique en matière d'arbitrage internationale au regard du chapitre 12 de la LDIP * 29 The New Ducth Arbitration Act entré en vigueur le 1er déc. 1986 (cf. P. Sanders, Droit des Affaires Internationales, N° 6, 1987, P.539-558). Les législations allemande, anglaise, italienne, suédoise et belge pour ne citer que celles-là répondent à ce même souci d'unité. |
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