La
réaffirmation des valeurs républicaines
Face aux problèmes
d'exclusion (19), de sécurité (55) et devant le
nécessaire besoin de réforme (51), les Premiers
ministres français réinvestissent le champ lexical des valeurs de
la République. Ainsi fleurissent de nombreux termes symboliques et forts
de sens. Solidarité, égalité,
justice, telle aurait pu être la nouvelle devise de
l'État sous l'ère Jospin. Notre corpus ne comporte qu'un seul
discours socialiste, il n'est alors pas aisé d'effectuer une
généralisation, mais nous pouvons noter que ces termes sont
sur-employés par la gauche. Lionel Jospin souhaite faire vivre la
République (2), ce segment ouvre la voie à tout un discours
replaçant les valeurs au coeur du dispositif. Il exprime sa confiance
dans les institutions (+4), sa conception (+3)
républicaine (+3) de la démocratie (+4), son
désir de pluralisme (+3)130(*). Les vocables solidarité (47) et
justice (43) sont également mobilisés par les Premiers
ministres de droite. Et d'une manière générale, c'est
l'idéal de la démocratie (35), le souci
d'égalité (31) qui est porté par
l'esprit (31) républicain (20) qu'incarne chaque homme
politique. Lionel Jospin énonce littéralement ses fins en
soulignant que « Revenir aux sources de notre République doit
nous faire saisir à quel point notre pays souffre d'un retard
démocratique. La modernisation de notre démocratie ne suppose pas
seulement des réformes institutionnelles, elle nécessite de
profonds changements culturels ».
Il convient de prendre le
temps d'analyser la portée sémantique de l'ensemble de ces
termes. Jean-Marie Denquin affirme que le terme républicain
« est utilisé rituellement, mais sans passion131(*) » ; un tel
raisonnement ne peut pas s'appliquer ici car avec la crise des valeurs, on peut
voir que le champ politique réinvesti véritablement tous ces
termes porteurs de sens afin de réaffirmer le partage de valeurs
communes. Nous postulons que l'État, à travers ce type de
discours, n'est ni dans l'État-symptôme ou l'État-miroir
comme l'avancent parfois les médiologues132(*). On prend en quelque sorte
le chemin de l'État-symbole dans lequel s'applique la
supériorité de l'idée sur la réalité. Mais
entre pragmatisme et réintroduction des valeurs, c'est plutôt un
État-repère qui est en train d'émerger dans ces discours.
La situation crée le sens et les Premiers ministres peuvent user des
mots phares de la République pour actualiser les valeurs et montrer aux
Français les éléments autour desquels ils peuvent tous se
retrouver.
* 130 Cf. Annexes, tableau
n°5, page 7.
* 131 Jean-Marie Denquin,
Vocabulaire politique, Paris, Presses Universitaires de France,
collection Que sais-je ?, 1ère édition, 1997,
page 113-114.
* 132 Régis Debray,
L'État séducteur, les révolutions médiologiques
du pouvoir, Paris, Éditions Gallimard, collection Folio/ essais,
1993, 198 pages.
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