Le rythme
du discours
Le rythme du discours
revêt également une grande importance, et la ponctuation permet de
nous éclairer à cet endroit. Les signes de ponctuation sont des
formes graphiques, donc le logiciel de statistique textuelle les comptabilise
comme n'importe quel mot. Cela nous permet de disposer des fréquences et
d'effectuer ensuite quelques calculs supplémentaires104(*).
On peut constater que les
locuteurs ayant le vocabulaire le plus riche sont ceux dont les phrases sont
les plus longues du fait d'une argumentation complexe. Ainsi Bernard Landry,
qui présente le plus fort taux de hapax (18%) et une
diversité de 460 formes pour 1 000 mots, est le Premier ministre dont
les phrases sont les plus longues avec plus de 28 mots. Souvent qualifié
de littéraire, cet excellent orateur a présenté une vision
générale dans un discours très court. Il s'est inscrit
dans les discours de son prédécesseur, qui présentent
sensiblement les mêmes caractéristiques, en imposant un style de
maîtrise des clés de l'État.
Les résultats
apparaissent assez homogènes, même si les discours
québécois se détachent parfois du fait de leur longueur.
Bien évidemment, c'est particulièrement dans ces mesures qu'il
est envisageable de faire ressortir les caractéristiques personnelles,
mais tout cela reste bien relatif. Ainsi, la moyenne du nombre de mots se situe
aux alentours de 20, alors que si nous la comparons à des corpus de
grands orateurs, nous pouvons voir que François Mitterrand utilisait 33
mots par phrase105(*),
et l'ancien journaliste René Lévesque 36 mots106(*) ! Les discours d'aujourd'hui
sont plus pragmatiques et beaucoup moins enflammés qu'autrefois, en
témoigne le faible nombre de virgules par phrase : 0,87 pour
Charest, 1,13 pour Juppé, 1,6 pour Bouchard. Cet indicateur permet de
distinguer le recours à des phrases plus ou moins complexes. Tandis que
René Lévesque utilisait autrefois plus de deux virgules par
phrase dans de longs raisonnements intellectuels, la tendance se profile
actuellement à la simplification du propos, grâce à une
épuration du vocabulaire complexe, l'offre de raccourcis heuristiques
à travers des mots clés, etc... Face à une
médiatisation croissante, les discours doivent plus que jamais se rendre
intelligibles. Avec des phrases courtes, des incises peu nombreuses, le Premier
ministre est assuré que l'auditoire ne perdra pas le sens. Dans cette
optique, Denis Monière avance que la longueur idéale pour une
bonne compréhension est d'environ 24 mots par phrase : tous les
discours des Premiers ministres se situent d'ailleurs dans cette moyenne.
Pour le reste, les autres
formes de ponctuation nous apprennent relativement peu de choses. Nous pourrons
simplement noter que toutes exclamations ou interrogations sont bannies, ce qui
marque la différence avec des discours davantage polémiques. Par
ailleurs, les tirets sont peu employés, signe de l'abandon du style
cumulatif, toujours dans l'optique de se purger de tout obstacle à la
compréhension. Enfin, notons que la citation n'est plus de mise, les
Premier ministres évitent désormais le recours à d'autres
pour attester la valeur de leurs propos.
* 104 Cf. annexes, tableau
n° 11, page 12.
* 105 Dominique
Labbé, Le vocabulaire de François Mitterrand, Paris,
Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1990, et Jean-Marie
Cotteret, et al., Giscard d'Estaing/ Mitterand, 54774 mots pour
convaincre, Paris, Presses Universitaires de France, 1976.
* 106 Dominique
Labbé, Denis Monière, « Essai de
stylistique quantitative. Duplessis, Bourassa et
Lévesque », Saint-Malo, Actes des 6ème
journées internationales d'analyse statistique des données
textuelles, 2002, 9 pages.
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