COMMENTAIRE D'ARRÊT
INTRODUCTION :
La nature du commerce bancaire tend de plus en plus à
passer par delà les frontières étatiques. Ainsi, les
banques organisent les paiement et les garanties des opérations sur les
marchandises ou les services, à la demande de leur clientèle
importatrice ou exportatrice.
L'étude des conditions particulières du commerce
international a permis de constater que plusieurs facteurs militaient en faveur
de l'utilisation du crédit documentaire.
Au Maroc, le crédit documentaire commence à
occuper une place importante dans les transactions internationales de sorte que
son caractère irrévocable rend l'engagement de la banque
confirmatrice définitif qui, déclarée responsable, doit
répondre du paiement notamment par décision judiciaire comme le
montre l'arrêt rendu par la 4ème chambre civile
près la Cour Suprême de Rabat le 10/3/99.
Dans cette affaire, la société FRIGO SAID (la
défenderesse) a conclu avec la société SEPHACOMAR ESPANA
un contrat de vente en vue duquel elle a exporté à cette
dernière deux quantités de poissons dont la valeur de la
première est de 10.960.500 Pesetas espagnoles et la seconde est de
8.000.000 de Pesetas espagnoles.
A cet effet, la société importatrice a ouvert un
crédit documentaire irrévocable auprès de la banque
extérieure d'Espagne . Ce dernier a été
confirmé par la demanderesse au pourvoi qui a avisé
l'exportatrice de l'ouverture dudit crédit.
Ainsi, l'exportatrice (la Société FRIGO SAID)
après avoir exécuté l'ensemble de ses obligations envers
l'importatrice (SEPHACOMAR ESPANA), a été avisée par
WAFABANK de l'annulation du crédit documentaire au motif que le
règlement se fera directement auprès de l'importatrice.
La société FRIGO SAID a sollicité la
condamnation de la banque confirmatrice au règlement de la somme de
1.300.000 DH représentant la valeur du poisson congelé.
Le tribunal de Première Instance de SAFI a rendu un
jugement le 28/2/1996 dans le dossier n° 161/95 condamnant la
débitrice au règlement de la contre valeur de la somme de
10.960.500 Pesetas espagnoles et a déclaré les autres demandes
irrecevables.
La Cour d'Appel de SAFI a confirmé cette
décision en fondant son arrêt sur l'argumentation
suivante :
-2-
L'appelante (WAFABANK) est la banque confirmatrice du
crédit au Maroc, ce qui rend cette dernière solidairement
responsable avec la banque extérieure d'Espagne. La Cour a
également considéré que le visa apposé par la
banque confirmatrice sur la lettre du 3/10/1994 conforme à la
réception des documents dans les délais. La banque se devait de
soulever les réserves dans les documents dans les délais de
validité du crédit , cependant sous peine d'être
solidairement tenu du règlement .
La requête aux fins de pourvoi se fonde sur l'article 28
du Code de Procédure Civile régissant la compétence
territoriale, et les articles 230,234,895 et 921 du D.O.C. et 341 et 345 du
C.P.C.
Le problème posé est celui de savoir si une
banque confirmatrice d'un crédit documentaire peut être
solidairement tenue du paiement pour n'avoir pas soulevé de
réserves émises sur les documents dans les délais, alors
même qu'elle soutient avoir agit en qualité
d'intermédiaire ?
La quatrième Chambre Civile près la Cour
Suprême répond par l'affirmative en mettant l'accent sur le fait
que le demandeur au pourvoi est une banque confirmatrice d'un crédit
documentaire irrévocable et non une banque notificatrice.
De ce fait, elle a considéré que le respect des
règles du crédit documentaire impose à la banque
confirmatrice d'examiner les documents dès leur réception,
nonobstant le respect des instructions de sa cliente, dans un délai
raisonnable, sous peine de ne pouvoir invoquer leur non conformité, et
de les adresser à la banque émettrice.
Par son arrêt du 10 Mars1999, la Cour Suprême
rejeta le pourvoi formulé par la banque.
1ère PARTIE : LES ARGUMENTS DES PARTIES
AU LITIGE
A travers cette partie, nous essayons de mettre l'accent sur
les différents arguments avancés par les parties au litige devant
les juges de fond en premier lieu, et les moyens invoqués par le
demandeur au pourvoi devant la Cour Suprême en second lieu.
A/ Les arguments avancés par les parties au litige
devant les juges du fond :
La société FRIGO SAID a introduit une action
devant le Tribunal de Première Instance de SAFI, tendant à la
condamnation de WAFABANK au paiement de la somme de 1.300.000
représentant la valeur du poisson congelé objet de deux
exportations et subsidiaires une expertise pour évaluer le
préjudice subit.
-3-
Que celle-ci soutient avoir conclu un contrat vente avec la
Société Espagnole au vue duquel elle devait exporter deux
livraisons de poissons .
Que l'importatrice a ouvert un crédit documentaire
irrévocable et confirmé auprès de la banque Espagnole.
La demanderesse ajoute que le crédit documentaire est
une opération par laquelle une banque reçoit les instructions de
ses clients importateurs dans le cadre de relations commerciales
internationales, offre à son vendeur une garantie de paiement et
à l'acheteur une garantie de recevoir sa marchandise.
Qu'en l'espèce FRIGO SAID a été
avisé de l'ouverture de ce crédit, de ses conditions et du fait
qu'il était en outre confirmé par une banque Marocaine qui l'a
avisé de l'ouverture du crédit.
Que la demanderesse après avoir exécuté
l'ensemble de ses obligations, que l'acheteur a été avisé
par la banque Marocaine de l'annulation du crédit documentaire au motif
que le prix serait réglé directement par l'acheteur.
WAFABANK défenderesse a répliqué sur le
fond du litige que le crédit documentaire portait sur la somme de
10.960.500 Pesetas a été émis par la banque espagnole le
3/10/94.
Que WAFABANK n'a reçu de la Ste FRIGO SAIL les
documents relatifs à ce crédit documentaire que le 3/10/94
c'est-à-dire le dernier jour de validation du crédit.
Cette même lettre comporte en outre des instructions
précises émanant de FRIGO SAID enjoignant à WAFABANK
d'adresser les documents en l'état, ce qu'elle a fait, alors qu'ils
n'étaient pas conformes au Swift du 26/9/94 comportant les conditions du
crédit documentaire.
WAFABANK a donc adressé les documents en l'état
à la banque Espagnole et a ordonné d'enlever de leurs
réserves.
La banque Espagnole lui a répondu le 24/10/94 en
évoquant l'absence de conformité des documents.
Le 13/1/95 WAFABANK a reçue de la banque
extérieure d'Espagne les documents sans paiement.
WAFABANK a dès lors considéré que la
confirmation supposait la réception de documents conformes, en
application de l'article 9 des règles et usances du crédit
documentaire.
Qu'en l'occurrence elle a exécuté les
instructions de la demanderesse en adressant les documents reçus en
l'état alors qu'ils n'étaient pas conformes.
-4-
WAFABANK soutient en outre avoir agit en qualité de
mandataire qui a exécuté les instructions de son client en
adressant les documents en l'état alors qu'ils n'étaient pas
conformes.
Le Tribunal de Première Instance de SAFI a rendu un
jugement le 28/2/1996 condamnant la défenderesse WAFABANK au
règlement de la contre valeur de la somme de 10.960.500 Pesetas
espagnoles fondant sa décision, principalement, sur la force du
crédit documentaire irrévocable et confirmé par la
défenderesse et rejetant les autres demandes notamment le
règlement du second crédit documentaire ouvert pour 8.000.000 de
Pesetas espagnoles au motif que la demanderesse n'a pas produit la lettre de
crédit documentaire pour apprécier le délai de
validité.
WAFABANK a interjeté appel de cette décision en
reprochant à l'arrêt attaqué d'avoir méconnu qu'elle
s'était contenté d'exécuter les instructions de sa cliente
et qu'en réalité la faute incombait à cette
dernière qui avait présenté des documents non
conformes.
L'intimée a sollicité le rejet de l'appel.
La Cour d'Appel de SAFI a rendu un arrêt par lequel elle
a confirmé le jugement de première instance dans toutes ses
dispositions au motif que l'appelante ayant reçu les documents dans les
délais, sans formuler de réserve, est tenue solidairement au
paiement.
B/ Les arguments avancés devant la Cour
Suprême :
WAFABANK, demandeur au pourvoi, fait grief à
l'arrêt attaqué d'avoir violé les dispositions des articles
895 du D.O.C. et qui met à la charge du mandataire l'obligation
d'accepter strictement la mission qui lui a été confiée
sans sortir du cadre de sa mission.
En effet, la lettre du 3/10/1994 émanant de la
défenderesse au pourvoi par laquelle cette dernière lui a remis
les documents comportait des instructions écrites, claires lui intimant
d'adresser les documents en urgence et dans l'état où il les a
reçus, sans avoir à les examiner.
Ces instructions portaient sur les documents prouvant
incontestablement que le demandeur au pourvoi a agit en tant que banque
intermédiaire exécutant son obligation dans le cadre du contrat
de mandat.
Par ailleurs, le demandeur au pourvoi invoque le défaut
de conformité des documents à la lettre de crédit
comportant ainsi que plusieurs réserves reconnues par la
défenderesse, qui constituent une violation de son engagement en
qualité de vendeur et bénéficiaire du crédit
documentaire.
-5-
Que l'arrêt attaqué n'a pas répondu
à ce point de sorte que cela équivaut à un défaut
de notification.
Le demandeur au pourvoi invoque également la violation
des dispositions de l'article 9 du règlement 500 du C.C.I. car les
documents présentés par cette dernière sont non seulement
non conformes mais comportaient des instructions précises que la banque
était tenue de respecter, de sorte que la défenderesse ne saurait
reprocher le refus de la banque espagnole d'avoir refusé le paiement
pour non conformité aux conditions de vente.
Le demandeur au pourvoi souligne également la
reconnaissance écrite émanant de la défenderesse, de sa
faute par une télécopie du 22/2/1995 ce qui constitue un aveu en
matière civile conformément aux dispositions des articles 405,
407 et 416 du D.O.C.
Le demander au pourvoi invoque outre la violation de l'article
345 du D.O.C., le manque de motif et l'absence de base légale de
l'arrêt attaqué.
A cet égard le demandeur fait grief à
l'arrêt attaqué de n'avoir pas répondu au moyen tiré
de la non conformité des documents relatifs au transport de la
marchandise (C.M.R.) alors que ce contrat reste soumis aux conditions du
contrat de transport international de marchandises sur route signé
à Genève le 19/5/1956 devant comporter un certain nombre de
mentions obligatoires et ce, en dépit de toute clause contraire.
Enfin, WAFABANK soutient avoir agit en qualité de
mandataire et que la Cour d'Appel n'a pas répondu à ce moyen
également.
3 ème Partie : APPRECIATION DE LA POSITION
DE
LA COUR SUPRËME
La Cour Suprême est la plus haute juridiction du
Royaume, unique, et sédentaire, que le législateur a placé
au sommet de la hiérarchie judiciaire pour apprécier, en partant
des faits souverainement constatés par les juges du fond, la
légalité des jugements et arrêts rendus en dernier ressort
par les cours et tribunaux, et casser les décisions dont les
dispositions sont entachées d'une violation de la règle de
droit.
En droit comparé, on parle de « Cour
régulatrice du droit », ayant pour mission essentielle
d'assurer l'unité du droit national, notamment par l'unité de la
jurisprudence, et de réaliser ainsi l'égalité effective
entre les justiciables devant la loi ; Elle ne peut en aucun cas
connaître du fond des litiges, mais, a l'obligation, lorsqu'elle casse
l'arrêt qui lui est déféré, de renvoyer la cause et
les parties devant une juridiction de fond de même ordre et de même
degré que celle ayant rendu l'arrêt cassé, et ce pour qu'il
soit fait droit.
-6-
Dans cette affaire, la Cour Suprême a rejeté le
pourvoi en cassation introduit par WAFABANK ,en rappelant :
- le rôle d'une banque
confirmatrice d'un crédit documentaire
irrévocable
- le respect des règles et usances du
crédit documentaire impose l'examen des
documents
dès leur réception, dans un délai
raisonnable.
- L'émission de réserves hors délai
de validité du crédit est écartée de sorte que la
banque confirmatrice est tenu solidairement au paiement
au même titre que la
banque émettrice .
- Les obligations de la banque confirmatrice
en rappelant la distinction entre la notion de banque confirmatrice et de
banque notificatrice d'une part, et les obligations d'une banque confirmatrice
d'autre part.
1/ Distinction entre banque confirmatrice
et banque notificatrice :
La Cour Suprême a fait une distinction entre une banque
confirmatrice et une banque notificatrice d'un crédit documentaire
irrévocable.
Elle a constaté qu'il s'agit, dans le cas
d'espèce, d'une banque confirmatrice d'un crédit documentaire
irrévocable, qui a reçu les documents relatifs au crédit
dans les délais et n'a émis aucune réserve les
concernant.
En effet, une banque confirmatrice joue un rôle actif
dans l'opération de crédit car elle a l'obligation d'examiner les
documents qui lui ont été remis par le
bénéficiaire, et ce dans un délai déterminé,
faute de ne pouvoir invoquer leur non conformité avant de les
transmettre à la banque émettrice.
La doctrine s'est préoccupée, pour sa part, de
cette distinction et a associé le rôle du banquier notificateur
à la théorie du mandat car il reçoit effectivement le
mandat de la banque émettrice d'accepter des documents conformes et, le
plus souvent, de procéder au règlement de la lettre de
crédit mais ne contracte aucun engagement de paiement envers le
bénéficiaire.
Le demandeur au pourvoi avait, en ce sens, argué de sa
qualité de banque intermédiaire et de mandataire ayant
exécuté les instructions de sa cliente, mais tant les juges de
fond que la Cour Suprême n'ont tenu compte de ce moyen.
Par ailleurs, une banque confirmatrice est une banque tierce
qui intervient aux côtés de la banque émettrice en prenant
un engagement identique mais autonome par rapport à celui souscrit par
la banque émettrice.
La banque située dans le pays du vendeur prend alors un
engagement personnel et irrévocable en faveur du
bénéficiaire.
-7-
Cette forme de crédit fournit à ce dernier une
double promesse irrévocable de paiement émanant de deux
banques.
Ainsi, la jurisprudence marocaine a adopté la
même position que la doctrine à savoir l'engagement personnel et
irrévocable d'une banque confirmatrice envers le
bénéficiaire et, partant, c'est à bon droit que la Cour
Suprême a tenu solidairement responsable du paiement WAFABANK
considérée banque confirmatrice ayant un engagement personnel
envers le défendeur au pourvoi en l'occurrence la société
FRIGO SAID.
2/ Les obligations d'une banque
confirmatrice d'un crédit documentaire
irrévocable
Il est important de préciser qu'une
banque confirmatrice doit exécuter, dans le cadre du crédit
documentaire irrévocable, ses obligations notamment par l'examen
rigoureux des documents qui lui sont remis par le bénéficiaire
mais aussi par le respect du délai de validité du crédit
pour adresser les dits documents à la banque émettrice.
Toutefois, il faut souligner que si la banque confirmatrice
n'exécute pas ses obligations, sa responsabilité est
engagée et sera tenue de réparer le préjudice
causé.
La Cour Suprême confirmant la décision des juges
de fond, a mis l'accent sur le respect des règles et usances du
crédit documentaire qui imposent à la banque confirmatrice
d'examiner les documents dès leur réception dans un
délai raisonnable avant de les adresser à la banque
émettrice.
En effet, l'examen des documents est une obligation
substantielle qui pèse sur la banque confirmatrice d'un crédit
documentaire de sorte qu'elle devra vérifier si les documents
répondent rigoureusement aux conditions de la lettre de crédit et
par conséquent aux exigences de l'acheteur.
La Cour Suprême n'a pas pris soin de rappeler, à
travers son arrêt objet du présent commentaire, que l'article 15
des règles et usances consacre formellement le devoir de
vérification des documents pesant sur la banque chargée de
réaliser un crédit documentaire « les banques
doivent examiner tous les documents avec un soin raisonnable pour s'assurer
qu'ils présentent l'apparence de conformité avec les conditions
de crédit »
En droit comparé, la jurisprudence a de son
côté, à de multiples reprises, affirmé et
sanctionné l'obligation bancaire de contrôle de la
régularité des documents.
-8-
En effet, la chambre Commerciale de la Cour de Cassation
Française a dans son arrêt du 13/7/1954 affirmé
l'obligation de la banque confirmatrice d'examiner et de contrôler la
régularité des documents.
Cette même obligation de vérification a
été soulevée par la Cour de Cassation Libanaise dans son
arrêt du 26/5/1971 ( cité à la semaine juridique 1972 -
Tome II n° 17126 note de J. STOUFFLET).
Cependant, si cette vérification n'a qu'un objet
limité il faut du moins que la banque se montre extrêmement
stricte dans l'exécution de sa tâche.
La banque serait donc, en faute d'accepter des documents non
conformes aux termes du crédit.
Quoiqu'il en soit, l'obligation de vérification des
documents n'est pas suffisante pour écarter la responsabilité de
la banque confirmatrice car, encore faut-il qu'elle adresse les dits documents
dans les délais de validité du crédit.
La Cour Suprême a considéré que la banque
confirmatrice en l'occurrence WAFABANK n'a pas remis les documents du
crédit dans les délais, estimant qu'entre la réception des
documents le 3/10/1994 et l'émission des réserves le 24/10/1994,
21 jours se sont écoulés et partant il ne s'agit pas d'un
délai raisonnable ;
En effet, la banque confirmatrice dispose d'un délai
pour examiner les documents et décider s'il y a lieu d'en contester la
conformité, notamment par la levée des réserves avant de
les adresser à la banque émettrice ; en cas
d'irrégularité, elle est tenu d'en aviser rapidement le
bénéficiaire.
Dans la doctrine française, la notion de
« délai raisonnable » évoquée
par la Cour Suprême, n'a pu à l'heure actuelle être
définie malgré plusieurs questionnaires adressés par la
commission bancaire à tous les pays du monde.
En tout état de cause, le « délai
raisonnable » pour examiner les documents droit être le
plus bref possible afin que le bénéficiaire sache à quoi
s'en tenir et que ses droits sur les marchandises soient
préservés.
Selon Maître Dominique DOISE, la notion de -
Délai raisonnable - et l'obligation de restitution de documents sont
liés « au formalisme de rejet » des
documents ; ces obligations s'expliquent par le souci d'accorder au
bénéficiaire la possibilité de rectifier les
irrégularités.
Ainsi, le non respect du formalisme du rejet des documents
irréguliers est sévèrement sanctionné et la partie
qui négligera ces obligations sera réputée avoir
levé les documents conformes au crédit et « ne
pourra faire valoir la non conformité du paiement... »
-9-
Par conséquent, le manquement aux obligations
précitées par une banque confirmatrice d'un crédit
documentaire irrévocable implique sa responsabilité et devra
dès lors répondre du paiement sans pouvoir invoquer un quelconque
moyen pour échapper à la réparation du
préjudice.
En conséquence, la Cour Suprême a rejeté
à bon droit, la requête aux fins de pourvoi introduite par la
banque après avoir répondu aux moyens invoqués et
apprécié l'inviolation d'aucune disposition légale.
D'une manière générale il convient de
préciser que la jurisprudence marocaine est particulièrement
sévère quant à la responsabilité du banquier en
matière de crédit documentaire.
Il en va pour s'en convaincre, de citer à titre
d'exemple une jurisprudence non publiée : l'affaire WAFABANK contre
Ste JAWDAT TRADIND dans laquelle la banque a été condamnée
au paiement du montant du crédit documentaire par le Tribunal de
Première Instance de Casablanca Anfa alors que l'acheteur a
sollicité l'intervention du Président du T.P.I. en
référé pour effectuer une saisie arrêt entre les
mains de cette banque, l'empêchant ainsi de verser les fonds au
bénéficiaire.
La question qui mérite d'être posée alors
est de connaître la position délicate de la banque qui devra soit
se soumettre aux règles et usances du crédit documentaire, soit
au contraire se soumettre à une décision judiciaire
l'empêchant d'exécuter le contrat de crédit (Jugement
n° 3516 du 22/7/1998 dans le dossier commercial 1993/97 par le Tribunal de
Première Instance de Casa Anfa - jurisprudence non publiée).
La doctrine marocaine s'est pour sa part souciée de la
question, à travers le commentaire de Maître Mohamed MALJAOUI, sur
l'intervention du juge des référés ordonnant une saisie
arrêt entre les mains de la banque en cas de fraude visible sur
marchandises objet d'un crédit documentaire.
Il a en outre mis l'accent sur les conditions de crédit
documentaire et les règles et usances qui l'entourent, invitant les
juges à être plus vigilants avant d'ordonner la dite saisie
(commentaire de Maître MALJAOUI sur l'ordonnance n° 1523/139 du
3/12/1997 TPI Ain Sebaa parue à l'actualité juridique n° 13
- Février 1999)
-10-
CONCLUSION
Au Maroc, le contentieux relatif au
crédit documentaire demeure réduit eu égard à la
quantité d'opérations exécutées.
Généralement les banques négocient sans
avoir recours aux procès et les tribunaux interviennent souvent sur
saisine de petites et moyennes entreprises peu habituées aux
opérations commerciales internationales.
Le mécanisme du crédit documentaire se situe au
carrefour juridique des évolutions du commerce et des techniques.
Il assure l'interface entre le droit bancaire, le droit des
transports, le droit des assurances et le droit de la vente.
Néanmoins, l'émergence des systèmes
d'échange de données informatisées entraînera,
probablement, la transmission des informations (documents) et la prise des
engagements sans support papier ni signature manuscrite.
Selon mon point de vue, je peux dire d'une façon
imagée que les tendances actuelles du commerce international, notamment
dans les pays occidentaux risquent d'entraîner une fragilisation de
l'opération de crédit documentaire, à moins que la Chambre
de Commerce Internationale et les banques n'y remédient, notamment par
la création d'un moyen de paiement et de garantie nouveau correspondant
aux évolutions du commerce international.
Les banques joueront un rôle substantiel dans cette
élaboration qui est inéluctable.
Enfin, il m'appartient de soulever un dernier constat qui
concerne cette évolution. Envisager l'ouverture d'un crédit
documentaire irrévocable sur un support électronique conduire
vraisemblablement à une rupture avec le passé car le coeur de
l'opération, à savoir les vérifications des documents avec
une appréciation raisonnable, sera entièrement automatique et ne
dépendra plus de la diligence d'une banque confirmatrice.
S O M M A I R E
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