L'ACTION PAULIENNE
Garantir une obligation c'est renforcer par des
sécurités la probabilité de son recouvrement, ce qui
suppose, d'une part, que le lien d'obligation ne soit pas appelé
à connaître un dénouement instantané par
exécution immédiate, et d'autre part, que le créancier ait
quelque raison, tenant à l'importance des intérêts en jeu,
de redouter la défaillance du débiteur en admettant qu'aucun
n'est totalement insensible aux mesures susceptibles d'améliorer
l'espoir d'un règlement effectif.
Le droit des obligations inclut sous le rapport de leur
effectivité, un lot de techniques et mécanismes, légaux ou
conventionnels dont l'objectif est la défense ou la préservation
des intérêts acquis par le créancier contre son
débiteur. La partie la plus saillante de ce dispositif de protection
est, évidemment, constituée par le droit de gage
général sur les biens mobiliers et immobiliers du
débiteur.
Cependant le droit de gage général est une
garantie précaire, étendue à toute la fortune du
débiteur, mais dépourvue de toute maîtrise sur ces
éléments d'actif. Sa vertu sécurisante est
subordonnée à la consistance du patrimoine
intéressé et donc au bon vouloir et à
l'honnêteté du débiteur.
Celui-ci pourrait en cessant d'être loyal, compromettre
l'assiette du droit de gage par des initiatives ou des omissions patrimoniales
attentatoires à la sécurité des créanciers :
c'est le risque de dilapidation.
-11-
Face à un débiteur insolvable ni saisie, ni
astreinte ne seront efficaces si le débiteur n'a plus d'actif. Il est
donc nécessaire de donner au créancier des moyens d'assurer
préventivement la conservation du patrimoine.
Mais ce droit ne doit être accordé que dans des
cas exceptionnels car il serait intolérable de permettre aux
créanciers de s'immiscer dans la gestion du patrimoine de leur
débiteur lorsque celui-ci est solvable.
C'est ainsi que le tribunal de première instance de
CASABLANCA - HAY HASSANI AIN CHOCK a, le 21/3/2000 jugé, à bon
droit, qu'un débiteur ne peut être empêché de
disposer de son patrimoine sauf si son insolvabilité est
déclarée ou bien si son immeuble est grevé
d'hypothèque (1).
Cependant, l'éventualité d'un risque de
dilapidation n'est certes pas dépourvue de moyens préventifs tel
que les saisies conservatoires, les inscriptions provisoires ou encore les
réserves de propriété ; mais cette
éventualité ouvre aussi dans la théorie
générale des obligations, deux voies d'action curative tendant
à la préservation forcée de l'intégrité du
patrimoine du débiteur : ce sont l'action oblique et l'action
paulienne.
En d'autres termes, le créancier peut préserver
son gage en accomplissant des actes conservatoires, ou bien en exerçant
par la voie
____________________________________________________________________________________________________
(1) T.P.I. HAY HASSANI, AIN CHOCK - jugement n° 805 du
21/3/2000 - dossier civil n° 181/2000 - jurisprudence non publiée -
copie en annexe 1
-12-
oblique, les actions que son débiteur néglige
d'intenter ; ou encore d'attaquer par l'action paulienne les actes de son
débiteur faits en fraude de ses droits.
Il importe de souligner, de prime abord, que le
législateur marocain ne s'est pas préoccupé de
définir l'action paulienne et partant, elle n'est
réglementée par aucune disposition légale, à
l'exception de certains articles du code des obligations et contrats notamment
l'article 22 sur la simulation et l'article 1241 du code précité
sur les biens des créanciers.
En droit comparé différentes législations
maghrébines, arabes et européennes ont réglementé
l'action paulienne à travers ses conditions et ses effets.
C'est ainsi que l'article 1167 alinéa 1er du
code civil français qui constitue, après l'action oblique, le
deuxième volet de la protection des créanciers du fait du
comportement néfaste de leur débiteur, stipule
« qu'ils peuvent aussi attaquer, en leur nom personnel, les actes
faits par leur débiteur en fraude de leurs droits »
C'est donc l'action paulienne ou révocatoire que la
doctrine française n'a pas manqué de définir comme
celle tendant, pour le créancier, à voir remettre en
cause, à son égard, tout acte conclu par son débiteur, aux
fins de diminuer les chances de recouvrement de la créance.
Sur le plan Maghrébin, le législateur
algérien a réglementé l'action paulienne dans son code
civil. Ainsi, le Docteur Mohamed HASSANINE l'a défini comme une action
donnée au créancier pour le protéger contre
-13-
la fraude d'un débiteur qui diminue son patrimoine ou
remplace des biens aisément saisissables par des biens faciles à
faire échapper aux poursuites judiciaires (1).
Le droit Tunisien, pour sa part, a consacré à
l'action paulienne les dispositions énoncées à l'article
306 (nouveau) alinéa 1er du Code des Obligations et des
contrats Tunisiens : « les créanciers peuvent, en leur
nom personnel, attaquer les actes faits par leur débiteur, en fraude de
leurs droits, sans toutefois qu'il soit dérogé aux
règles de statut personnel et successoral ».
La doctrine tunisienne a tenu à mettre en exergue trois
conditions pour que l'action en annulation puisse prospérer :
Tout d'abord il faut que la créance objet du litige,
soit arrivée à son terme.
Ensuite il faut que le contrat ou la donation, objet de
l'annulation, ait pour conséquence l'appauvrissement, voire son
insolvabilité.
Enfin, il faut que le cocontractant du débiteur ait
agit de mauvaise foi, c'est-à-dire en fraude des droits des
créanciers (2).
_____________________________________________________________________________________________________
(1) IN « AL WAJIZ FI NADARIAT AL-ILTIZAM »
(précis dans la doctrine de l'obligation par Dr. Mohamed HASSANINE
Professeur à l'université d'ALGER.
(2) IN « La revue des obligations et des
contrats à la lumière des changements contemporains »
1997 par Maître Mohamed SALEH AL IIYARI, ex Ministre de la justice
tunisien et Premier Président Honoraire près la Cour d'Appel de
TUNIS.
-14-
Sur le plan historique, l'action paulienne vient du droit
romain, elle était intentée par le « curator
honorum » au nom de tous les créanciers, lors de la
« venditio honorum », elle impliquait donc
l'insolvabilité du débiteur, et revêtait un
caractère pénal en ce qu'elle réprimait le délit de
« fraus créditorium », c'est-à-dire le fait
d'avoir soustrait intentionnellement ses biens aux poursuites de ses
créanciers en passant avec un tiers, un acte juridique.
Ce délit supposait la constatation de la mauvaise foi
tant du débiteur que du tiers complice, mais ultérieurement la
complicité du tiers ne fut plus exigée lorsque l'acte
était à titre gratuit.
Sa dénomination d'action paulienne lui aurait
été donnée par les compilateurs de justinien, et serait le
résultat d'un emprunt au nom du prêteur Paul (1).
La sanction de l'action paulienne était une
condamnation pécuniaire égale au montant de la valeur de la chose
soustraite aux créanciers ; condamnation qui n'était
prononcée que si les choses n'étaient pas remises en
l'état.
De ce fait l'action était
« arbitraire » elle aboutissait indirectement à la
restitution de la chose, donc à la révocation de l'acte
frauduleux, d'où son nom d'action révocatoire.
_____________________________________________________________________________________________________
(1) IN : Droit civil, les obligations par Boris STARCK -
1986 - LITEC
-15-
Quoiqu'il en soit, on constate que la source essentielle de
l'action paulienne est jurisprudentielle. Les tribunaux ont constamment
assoupli les conditions de l'action paulienne pour en faire une protection
générale des créanciers contre les actes d'appauvrissement
de leur débiteur
Il en va pour s'en convaincre d'analyser l'ensemble des
décisions judiciaires émanants des différentes
juridictions du Royaume du Maroc, faisant application de l'action paulienne sur
la base des articles du Dahir formant code des obligations et contrats du 12
Août 1913.
Parmi ces décisions judiciaires, il importe de mettre
l'accent sur une jurisprudence récente non publiée afin
d'illustrer la place prépondérante de l'application de l'action
dans les litiges civils et commerciaux.
Il s'agit d'une caution solidaire ayant
bénéficié de plusieurs facilités bancaires. Mais,
afin de dilapider son patrimoine et provoquer son insolvabilité, elle
consent une donation au profit de son épouse et ce, en fraude des droits
des créanciers, ce qui a conduit à l'annulation de l'acte de
donation et son inopposabilité aux créanciers (1)
Par ailleurs, l'existence de l'action est une
conséquence de l'indépendance du débiteur. Celui-ci
conserve l'entière maîtrise de son patrimoine et peut donc
librement s'enrichir ou s'appauvrir.
_____________________________________________________________________________________________________
(1) T.P.I. MARRAKECH jugement n° 2695 du 21/6/2000 -
dossier civil n° 244/1/2000 - jurisprudence non publiée (B. C/ TH.
) en annexe n° 2
-16-
La seule limite à cette liberté résulte
de la fraude : l'action paulienne tend à protéger le
créancier, même chirographaire contre les actes frauduleux de son
débiteur. C'est une sanction de la fraude et non de la négligence
du débiteur : une protection du droit de gage général
des créanciers, très fréquemment utilisée à
l'époque contemporaine contre tous les actes d'appauvrissement
frauduleux du débiteur telles que les donations ou les ventes à
vil prix.
De surcroît, l'action paulienne est une action
conquérante qui peut donc être utilisée en toutes
circonstances par le créancier qui subit un préjudice du fait de
l'appauvrissement frauduleux de son débiteur.
Par cette action, le créancier obtiendra que l'acte
frauduleux soit à son égard considéré comme non
avenu et en conséquence, de la remise des choses en l'état
antérieur à l'acte illicite.
Par ailleurs, l'action paulienne doit être
distinguée d'autres actions qui permettent aux créanciers de se
prémunir contre les conséquences dommageables des actes de leur
débiteur. Elle se présente comme une action spécifique qui
ne peut être assimilée notamment à l'action oblique,
à l'action en simulation, ou encore à toutes autres actions
fondées sur la fraude.
En premier lieu, l'action oblique permet au créancier
d'exercer les droits et actions de son débiteur que celui-ci a
négligé d'exercer. Elle prémunit donc le créancier
contre la négligence de son débiteur, alors que l'action
paulienne le protège contre sa fraude ; il s'agit de garantir les
créanciers
-17-
contre une déloyauté contractuelle qui ne
consiste pas dans une inaction, mais dans une action néfaste (1).
Elle est exercée, en outre, par le créancier
au nom du débiteur et profite à l'ensemble des
créanciers, sur le bien ou le droit rentrant dans le patrimoine du
débiteur alors que l'action paulienne est exercée par le
créancier en son nom personnel et ne profite qu'à celui qui l'a
intentée.
En second lieu, l'action paulienne doit être
distinguée de l'action en déclaration de simulation.
Le droit marocain a réglementé la simulation
à l'article 22 du Dahir formant code des obligations et contrats qui
stipule que « les contre lettres et autres déclarations
écrites n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes et leurs
héritiers. Elles ne peuvent être opposées aux tiers, s'ils
n'en ont eu connaissance .... »
Pour sa part, la jurisprudence marocaine tend à
confondre, dans certaines décisions, l'action fondée sur la
fraude et celle fondée sur la simulation.
D'ailleurs, les créanciers exercent d'emblée une
action paulienne, sans passer par le préalable naturel de la
déclaration en simulation et le juge bienveillant accepte, tout à
la fois, de rétablir la réalité et de la
_____________________________________________________________________________________________________
(1) IN : Droit civil, les obligations par B. STARCK
N° 2343
-18-
sanctionner si bien que le résultat effectif d'une
telle action paulienne sera proche de celui d'une action en déclaration
de simulation suivie d'une action paulienne avec la nullité de l'acte
simulé.
Quoiqu'il en soit, l'action en déclaration de
simulation n'est qu'une variété de l'action paulienne ; en
outre c'est l'action exercée contre « le silence gardé
par le débiteur sur la consistance réelle de son patrimoine ou
sur la nature exacte de ses opérations juridiques ».
La doctrine marocaine a distingué entre simulation
absolue et simulation relative, et ce à travers les dispositions de
l'article 22 du Dahir précité. Cette dernière peut
être exprimée soit par voie de déguisement, soit par voie
de contre lettre, ou encore par voie d'interposition de personnes lorsqu'elle a
pour objet d'en déplacer les effets. (1).
La jurisprudence marocaine encore une fois a eu l'occasion de
se prononcer sur une décision traitant de l'action en déclaration
de simulation qu'elle a distingué de l'action paulienne et de l'action
oblique :
_____________________________________________________________________________________________________
(1) IN : « Commentaire du code des obligations
et des contrats marocains à la lumière de la doctrine et de la
jurisprudence » Tome I, par TAWFIK ABDELAZIZ & SAID FOUKHANI
(conseilleurs à la Cour Suprême) & Houssine JAAFAR (avocat)
-19-
« l'action par laquelle un créancier cherche
à faire déclarer fictive une vente d'immeuble effectuée
par son débiteur, constitue l'action en déclaration de simulation
prévue par le D.O.C. et non une action paulienne ou une action
oblique.
Cette vente ne peut être déclarée fictive
pour le seul motif que le vendeur a continué à occuper et
à exploiter l'immeuble vendu, s'il est établi qu'il était
débiteur de son acheteur précédemment à la vente et
que celle-ci est antérieure à toute poursuite exercée par
son créancier.... » (1)
De son côté, le Docteur A. SANHOURI (2) a mis
l'accent sur l'action en simulation.
Il a ainsi, défini la simulation comme un accord entre
contractants tendant à faire croire à l'existence d'une
convention (par acte apparent ou simulé) ne correspondant pas à
leur volonté véritable, exprimée par un autre acte
dénommé contre lettre.
_____________________________________________________________________________________________________
(1) Jugement du TPI RABAT du 28/1/1929 publié à
la Gazette des Tribunaux du Maroc, 1929 n° 356, p. 115 IN : Code
annoté des obligations et contrats par le Doyen François-Paul
BLANC, édition AL MADARISS - 1981 (article 419 n°4)
(2) Docteur d'Etat en droit, Professeur à
l'Université du Caire - EGYPTE
-20 -
Il a, en outre, relevé sa nature différente
à l'action paulienne car, cette dernière tend à
détruire une situation juridique réelle, elle est
nécessairement subordonnée à des conditions d'exercice
restrictives alors que l'action en simulation écarte simplement un acte
fictif sans existence réelle (1)
En droit comparé, la doctrine a tenté de fournir
une comparaison entre l'action paulienne et l'action en déclaration de
simulation. Elle relève qu'un débiteur peut se servir de la
simulation pour faire fraude à ses créanciers.
Dans l'action paulienne, le créancier est placé
en face d'un acte d'appauvrissement véritable, c'est le cas d'un bien
effectivement sorti du patrimoine du débiteur, le créancier
sollicite la révocation de l'acte à son égard ; alors
que dans l'action en déclaration de simulation il est en face d'un acte
fictif et demande que l'inexistence de cet acte soit constatée afin
qu'il soit reconnu qu'un bien donné est resté, en
réalité, dans le patrimoine du débiteur et partant, dans
le gage des créanciers de
« l'aliénateur ».
En dernier lieu, l'action paulienne doit être
distinguée d'autres actions fondées sur la fraude, mais qui n'ont
pas pour objet de protéger le droit de gage général des
créanciers.
_____________________________________________________________________________________________________
(1) IN : « AL WASSIT FI CHARH AL KANOUN AL
MADANI » (précis au Droit civil annoté - preuve &
effets de l'obligation - tome 6 - par ABDERRAZAK SANHOURI
-21-
Ainsi en est-il de l'action ouverte au
bénéficiaire d'une promesse de vente, ou encore de l'action
ouverte au créancier auquel une hypothèque a été
consentie avec déclaration des inscriptions grevant, à la date de
l'acte, l'immeuble hypothéqué en vue de demander la
nullité de l'inscription prise avant la sienne par un créancier
postérieur du même débiteur, s'il est établi que
l'antériorité de l'hypothèque obtenue par ce
créancier est le résultat d'un acte frauduleux qui a eu lieu
entre lui et le débiteur pour priver le premier créancier de la
priorité de rang qui lui a été promise.
Par ailleurs, nous ne pouvons qu'être surpris et en
même temps comblé par l'extraordinaire vitalité de l'action
paulienne dans la jurisprudence marocaine.
En effet, non seulement les hypothèses dans lesquelles
il y ait recouru sont extrêmement diverses et cela d'autant plus que les
tribunaux interprètent très souplement ses conditions
d'ouverture, mais encore l'action paulienne devient une garantie de droit
commun des obligations, une voie de recours qui supplée les techniques
particulières de protection des créanciers devenus
défaillants.
Ainsi, il importe d'emprunter quelques exemples aux
décisions les plus récentes rendues par les différents
tribunaux du Royaume afin d'en démontrer l'actualité et
l'imagination des débiteurs rendant infinies les modalités de la
fraude.
-22-
A ce titre, l'inopposabilité a pu frapper la donation
immobilière qu'une caution solidaire avait consentie à son
épouse et ses descendants en fraude des droits des créanciers, et
ce après avoir cautionné auprès d'une banque la
société dont le compte courant était débiteur
(1).
Quoiqu'il en soit, la jurisprudence marocaine montre en effet,
que l'action paulienne est un complément à des actions
spéciales qui échouent. C'est une garantie du droit commun des
obligations qui peut toujours venir comporter si nécessaire une
technique spéciale de protection des créanciers qui
s'avérerait défaillante, souligne le Professeur MESTRE (2).
A cet égard, l'action paulienne se rencontre aussi dans
le cas particulier où la réduction du capital d'une
société anonyme a été effectuée
frauduleusement.
La Loi n° 17/95 (3) régissant les
sociétés anonymes permet au représentant de la masse des
obligataires et à tout créancier, dont la créance est
antérieure à la date du dépôt au greffe, de faire
opposition dans les trente jours à la réduction du capital
non motivée par des pertes, décidée par l'Assemblée
Générale.
_____________________________________________________________________________________________________
(1) Jugement n° 2706 du 6/7/95 - dossier n° 150/95
TPI HAY HASSANI - jurisprudence non publiée (W C/ sieur AB. & C0)
copie en annexe 3
(2) IN : Revue trimestrielle de droit civil
français 1986 page 601, note du Professeur J. MESTRE
(3) Article 212 de la loi n° 1795 du 30/9/1996 relative
aux sociétés anonymes
-23-
En droit comparé, la Cour de Cassation française
a jugé que cette protection spéciale de la loi commerciale ne
privait pas les créanciers du droit d'exercer l'action paulienne contre
la décision de réduire le capital, prise par l'Assemblée
Générale, en parfaite connaissance du préjudice qui serait
causé aux créanciers (1).
Il importe ici de souligner qu'une telle jurisprudence
s'étend à toutes les hypothèses où la protection
des créanciers est assurée par un droit particulier
d'opposition.
Par ailleurs, l'action paulienne devient une action de droit
commun qui embrasse toutes les formes de la fraude, ce qui retentit sur sa
nature juridique et conduit la doctrine dominante en droit comparé
à y voir une action en inopposabilité.
A cet égard, la qualification d'action en
inopposabilité est due à l'acte valable entre les parties mais
dépourvu d'apports à l'égard du créancier victime
de la fraude.
En droit marocain, les juges du fond qualifient improprement
l'action paulienne d'action en nullité , au lieu d'une action en
inopposabilité, mais la cour de cassation française a
considéré que les parties à l'acte ne sont pas en droit de
se prévaloir de cette erreur dépourvue d'effets à leur
égard.
_____________________________________________________________________________________________________
(1) Arrêt rendu par la chambre commerciale près
la cour de cassation française du 11/2/86, IN : la revue
trimestrielle de droit civil 1986, page 601.
-24-
Par ailleurs, l'action paulienne porte
généralement, soit sur des contrats à titre
onéreux, soit sur des contrats à titre gratuit.
Concernant les contrats à titre onéreux, ce sont
ceux en vertu desquels une partie s'engage envers l'autre dans un but
intéressé, car elle doit retirer du contrat un avantage
pécuniaire, alors que dans la seconde catégorie, il s'agit d'un
contrat dans lequel le débiteur s'engage envers le créancier,
sans espérer de contre partie, c'est le cas notamment de la donation.
Cette distinction permet de relever outre le caractère
intuitu personae du contrat à titre gratuit, le fait que l'action par
laquelle le créancier peut attaquer pour fraude des actes accomplis par
son débiteur est plus facile à intenter lorsqu'il s'agit d'un
contrat à titre gratuit conclu par le débiteur, que lorsqu'il
s'agit d'un contrat à titre onéreux.
En effet, dans ce dernier cas, le créancier qui entend
attaquer un contrat frauduleux conclu par son débiteur, devra prouver
à la fois la fraude du débiteur et celle de son cocontractant.
Au contraire, s'il s'agit d'un contrat à titre gratuit,
il suffit de prouver la fraude commise par le débiteur.
-25-
De ce fait, l'action paulienne en ce qu'elle suppose une faute
du débiteur, et un préjudice subi par ses créanciers, se
rapproche d'une action en responsabilité civile. Elle ne consiste pas
simplement en la mise en jeu de la responsabilité du débiteur,
dans la mesure où ses conditions et ses effets ne sont pas exactement
ceux d'une action en responsabilité.
Il ne s'agit pas non plus d'une action en nullité
relative à l'initiative des créanciers comme indiqué
précédemment, car l'acte attaqué par la voie paulienne
n'est pas anéanti « erga omnès », comme il
devrait l'être s'il était annulé.
En réalité, l'action paulienne est une action
originale qui ne saurait être ramenée à aucune autre
action. Son idée est simple : le contrat conclu est opposable aux
créanciers des parties parce qu'ils ont un droit de gage
général sur le patrimoine de leur débiteur et doivent
subir toutes les fluctuations de l'état de ce patrimoine qui
résultent des actes accomplis par le débiteur.
Elle présente donc un intérêt tout
particulier en ce qui concerne l'exception qu'elle constitue au principe de
l'opposabilité des contrats aux créanciers des parties.
-26-
Néanmoins, nous ne saurons traiter de l'action
paulienne en droit marocain sans omettre de se poser la question de savoir
pourquoi le législateur marocain n'a pas repris les dispositions
relatives à l'action paulienne en reprenant le code de Napoléon
de 1804 alors même que toutes les législations maghrébines,
voire arabes, prévoient cette action ? (1)
L'article 22 du D.O.C. stipule que « les contre
lettres ou autres déclarations écrites n'ont d'effet qu'entre les
parties contractantes et leurs héritiers. Elles ne peuvent être
opposées aux tiers s'ils n'en ont eu connaissance,.... »
De surcroît, l'article 22 précité sur la
simulation peut-il être considéré par le législateur
marocain comme suffisant pour réglementer l'action paulienne et ce, aux
côtés de l'article 1241 du même Dahir régissant le
gage général des créanciers ?
_____________________________________________________________________________________________________
(1) Article 306 alinéa 1er du C.O.C.
Tunisien
Articles 191 & 192 du C.O.C. Algérien
Articles 238,239 & 240 du C.O.C. Egyptien
Articles 238 & 240 du C.O.C. Syrien
Articles 263, 265, 268 & 269 du C.O.C. Irakien
Articles 240, 242 & 245 du C.O.C. Lybien
Article 278 du C.O.C. Libanais
Article 205 du C. CIV. Sénégalais
-27 -
L'intérêt d'une telle étude sur l'action
paulienne en droit marocain s'avère d'une importance capitale car en
l'absence de législation spéciale en la matière, nous nous
efforcerons d'analyser ce genre d'action en mettant l'accent sur les efforts
louables des magistrats marocains notamment les juges du fond qui prononcent
des décisions approuvant l'action paulienne, enrichissant ainsi le
palmarès de la jurisprudence marocaine.
De plus, ce travail revêt un second intérêt
qui réside dans l'analyse d'un thème basé sur la doctrine
et la jurisprudence marocaine et comparée, ce qui permettra de
dévoiler et de commenter des décisions récentes non
publiées rendues par les différents tribunaux du Royaume sur
cette action.
D'abord, il nous est opportun de souligner que Monsieur le
Doyen François-Paul BLANC (1) a eu le mérite d'annoter le Dahir
formant code des obligations et contrats marocain et partant, à mettre
en exergue l'apport de l'action paulienne et l'appauvrissement du
débiteur à travers la publication de certaines décisions
jurisprudentielles sur la base notamment des articles 77 et 229 du Dahir
précité.
En effet, parmi les premiers jugements réglementant
l'action paulienne à la lumière de l'article 77 du D.O.C., nous
retenons le jugement du tribunal de première instance de RABAT qui admet
expressément :
_____________________________________________________________________________________________________
(1) Agrégé des facultés
de droit - Doyen de l'université de Perpignan France.
-28-
« bien que l'action paulienne, telle qu'elle
résulte des dispositions de l'article 1167 du Code civil
français, ne soit pas mentionnée dans le D.O.C., on ne peut dire
qu'il n'existe, d'après ce Dahir, aucun recours pour les
créanciers contre le débiteur qui volontairement a cherché
à s'appauvrir ; en effet, les créanciers peuvent toujours
agir contre cet appauvrissement qui leur porte préjudice, en s'appuyant
sur le principe général édicté par l'article 77 du
D.O.C.
S'il s'agit d'une action tendant à faire
déclarer nulle pour simulation une donation faite par acte authentique,
cette action est ouverte aux créanciers du prétendu donateur,
même aux créanciers postérieurs à l'acte
simulé, qui ont qualité pour établir que leur gage au
moment où ils ont traité, comprenait en réalité le
bien soi-disant aliéné » (1)
Par ailleurs, la Cour d'Appel de RABAT avait rendu un
arrêt considéré de principe réglementant
également, l'action paulienne, et plus précisément
l'appauvrissement du débiteur.
Outre l'effet d'inopposabilité du contrat au
créancier saisissant, l'arrêt tend à mettre l'accent sur
l'intention de nuire aux tiers par le débiteur avec le concours de
l'acquéreur frauduleux.
_____________________________________________________________________________________________________
(1) Jugement du tribunal de première instance de Rabat
du 1/3/1933, G.T.M. 1933 - N° 538 - P. 119 IN : CODE ANNOTE DES
OBLIGATIONS ET DES CONTRATS par : Le Doyen François-Paul BLANC -
préface de Me. MAATI BOUABIB - édition AL MADARISS - 1981
(article 77 n° 53)
-29-
Ainsi, l'arrêt de la Cour d'Appel dispose que :
« un acte, tout en faisant loi entre les parties
contractantes, aux termes de l'article 229 du D.O.C., ne peut cependant nuire
aux tiers et peut, de ce chef, être attaqué par eux, en vertu de
l'article 77 du D.O.C.
L'intention de nuire aux tiers, en l'espèce le
créancier saisissant, peut résulter de la part du débiteur
saisi, auteur de l'acte incriminé, des circonstances de la cause,
indiquant sa volonté de frustrer le créancier du gage de sa
créance, ce avec le concours conscient de l'autre contractant, acheteur
prétendu de l'objet litigieux.
Les contrats de vente ainsi établis ne sont pas
opposables au créancier saisissant » (1).
Ensuite, il faut préciser que parmi les arrêts de
principe qui ont admis l'action paulienne par application des dispositions des
articles 22 et 1241 respectivement relatifs à la simulation et au gage
général des créanciers, et qui ont fait l'objet de
publication, nous citons l'arrêt rendu par la Cour Suprême de Rabat
le 19/10/1987. Il s'agit d'une vente simulée intervenue en fraude des
droits des créanciers, la Cour a retenu la pertinence du moyen
invoqué en soulignant que les biens du débiteur sont le gage de
ses créanciers en vertu de l'article 1241 du Dahir formant code des
obligations et contrats.
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(1) Arrêt de la Cour d'Appel de Rabat
du 24/3/1933 Recueil des arrêts de la Cour d'Appel de RABAT (R.A.C.A.R.)
tome VIII - P. 218 IN : Code annoté des obligations et des contrats
par M. Le Doyen François-Paul BLANC, préface de Me. MAATI BOUABID
- édition AL MADARISS - 1981 (article 77 n° 54)
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Elle a en outre, mis en exergue la position du tiers qui subit
un préjudice par le fait de conventions passées par son
débiteur, pour disposer de ses biens en fraude des droits du
créancier, en précisant qu'il est en droit d'attaquer ces
conventions par la voie judiciaire en invoquant la simulation. (1)
Enfin, la jurisprudence marocaine a repris un principe
prépondérant de l'action paulienne, à savoir qu'il n'est
pas nécessaire d'avoir un jugement définitif pour engager la dite
action, il suffit donc de pouvoir prouver la fraude du débiteur au
détriment des droits des créanciers, afin d'obtenir
l'inopposabilité de l'acte frauduleux aux créanciers sus
indiqués.
Par conséquent, l'étude de l'action paulienne en
droit marocain nous permettra de traiter de deux volets :
les conditions d'exercice de l'action lors d'une
première partie en s'attardant sur celles relatives à l'acte
attaqué et celles relatives aux parties au litige en l'occurrence le
créancier poursuivant, le débiteur défendeur à
l'action et le tiers défendeur
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(1) Chambre sociale près la cour suprême de Rabat
- arrêt n° 529 du 19/10/1987 - affaire Ste. RM C/ KITABRI MOHAMED et
autres - IN : Revue Marocaine de Droit n° 16 P. 62 (en annexe 4)
-31-
Ce qui nous mènera à mettre en exergue lors
d'une seconde partie, les effets de l'action paulienne en soulignant d'une part
le principe fondamental de l'inopposabilité de l'acte frauduleux au
créancier poursuivant avec, bien entendu, l'apport de la jurisprudence
marocaine en la matière et la nuance qui s'en dégage (action en
inopposabilité - action en nullité) et d'autre part, la notion de
réparation du préjudice causé au créancier
poursuivant en cas d'impossibilité de rétablir l'état
antérieur et ce, en engageant simultanément avec l'action
paulienne, une action en responsabilité civile.
* *
*
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Ière PARTIE - LES CONDITIONS D'EXERCICE DE L'ACTION PAULIENNE EN
DROIT MAROCAIN
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Nous nous attarderons lors de cette première partie
à mettre en exergue les conditions relatives à l'acte
attaqué d'une part, et les conditions relatives aux parties au
litige.
A - CONDITIONS RELATIVES A L'ACTE ATTAQUE :
L'action paulienne concerne les actes.
Elle est soumise à une condition essentielle :
la fraude du débiteur (auteur de l'acte) dont l'importance a
quelque peu rejailli par rapport aux conditions relatives au demandeur à
l'action (notamment en ce qui concerne les caractères de sa
créance) et au tiers contre lequel l'action est intentée.
En droit marocain, la jurisprudence a permis de constater que
les actes unilatéraux notamment les donations entre époux et vers
la descendance, constituent, principalement, la cause d'exercice de l'action
paulienne.
Il ne faut pas omettre de souligner à toutes fins
utiles, que l'exercice de l'action paulienne n'est pas dépendant d'un
jugement définitif ou d'une action engagée au fond.
De façon générale, les conditions
relatives à l'acte attaqué impliquent deux questions
prépondérantes, à savoir : quels sont les actes
susceptibles d'être attaqués ? et quel préjudice doit
causer l'acte sus indiqué pour être attaquable ?
1 - La nature des actes susceptibles d'être
attaqués par l'action paulienne :
Le principe est que l'action paulienne est exercée
contre un acte juridique établi par le débiteur. Par exception
certains actes juridiques échappent à son emprise.
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a : - Le principe :
L'action paulienne ne peut être exercée que
contre un acte juridique. La fraude suppose, en effet, une manifestation de
volonté et, de surcroît, elle ne se conçoit pas lorsqu'il
s'agit d'un fait juridique.
En droit comparé, l'article 1167 du code civil
français régissant l'action paulienne ne peut faire l'objet
d'application lorsqu'il s'agit d'obligations extra contractuelles comme celles
résultant d'un délit par exemple.
Par ailleurs, tous les actes juridiques sont, en principe,
susceptibles d'être attaqués par l'action paulienne. Il s'agit
notamment des donations ou des donations déguisées.
A cet égard, il convient de souligner l'apport de la
jurisprudence marocaine quant aux décisions traitant de la
nullité des actes juridiques tels que des donations consenties par des
débiteurs en fraude des droits des créanciers.
Ainsi, un débiteur s'était porté caution
solidaire auprès d'une banque pour assurer le parfait remboursement de
la créance en principal, intérêts, frais et accessoires et
ce, à hauteur des engagement de l'emprunteur vis à vis du
créancier.
Il a ensuite consenti un acte de donation à ses
descendants en fraude des droits du créancier afin de créer son
insolvabilité et partant, dilapider son patrimoine.
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Les juges du fond ont décidé, à bon
droit, l'annulation de l'acte attaqué souscrit frauduleusement et l'ont
déclaré inopposable au créancier (1)
L'action peut, également, être intentée
contre des actes de vente conclus avec des montants fictifs. C'est le cas
notamment d'une Cour d'Appel française qui, sans inverser la charge de
la preuve, et pour caractériser la fraude paulienne commise par une
caution et partant déclarer inopposable aux créanciers la vente
de biens immobiliers consentie par celle-ci à une société
civile immobilière, a relevé, dans le cadre de l'exercice de son
pourvoir souverain d'appréciation, que le prix de vente a
été payé hors la comptabilité du notaire, que la
preuve n'est pas rapportée de ce que le titulaire ait apporté les
fonds correspondants à sa quote part de la valeur vénale des
biens acquis, et en déduit, par rapprochement avec la date de
constitution de la société et celle de la mise en liquidation
judiciaire du débiteur principal, que le prix de vente a
été payé de manière fictive par la caution à
elle-même. (2)
D'une manière générale, la doctrine
française enseigne qu'il importe peu que l'acte soit unilatéral
ou conventionnel, à titre onéreux ou gratuit, créateur,
translatif ou extinctif de droits.
Néanmoins, certains auteurs prétendent que les
actes créant des obligations échappent à l'action
paulienne au motif que le débiteur n'est pas dessaisi de la gestion de
son patrimoine en ce qui conduirait vraisemblablement à supprimer
l'action paulienne (3)
Quoiqu'il en soit, l'exercice de l'action paulienne est
limité par l'exigence de conditions strictes, nécessaires pour
éviter que les créanciers ne s'immiscent sans un motif
très sérieux dans le patrimoine de leur débiteur.
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(1) Jugement n° 12723 rendu par le
T.P.I. de CASA ANFA le 4/11/1999 dans le dossier civil n° 3863/99 -
affaire BM. C/ B.A..... jurisprudence non publiée. Copie en annexe 5
(2) Arrêt de la Première
Chambre près la Cour de Cassation française du 4 Juin 1996 -
rejet - dossier n° 93-13870 - Jurisprudence publiée - IN :
CD-ROM « Intégrale Cassation » collection Legisoft
Bulletin n° 235 - copie en annexe 6
(3) IN : Droit Civil - les obligations
par MAZEAUD & CHABAS page 1025 prg. 982.
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C'est ainsi qu'un créancier n'aura aucun
intérêt pour agir lorsque le débiteur est solvable. La
solvabilité sera appréciée en tenant compte des biens du
débiteur situés sur le territoire marocain, ou sortant d'une
réalisation facile. Mais, il aura intérêt à agir si
son débiteur, bien que solvable, compromet ses sûretés en
diminuant la valeur d'un immeuble hypothéqué ou en consentant un
bail de longue durée, à titre d'exemple.
Par ailleurs, la doctrine arabe s'est pour sa part,
préoccupée de traiter de l'action paulienne en la distinguant de
l'action oblique, de l'action directe ou encore de l'action en
déclaration de simulation.
A cet égard, le Docteur Abderrazak SANHOURI (1) a mis
l'accent sur les conditions relatives à l'acte attaqué par
l'action précitée, notamment à travers l'acte
juridique.
Il précise que « lorsqu'un
débiteur remet un bien, lui appartenant, à un tiers jusqu'au
transfert de la propriété de ce bien par l'effet de la
prescription , le créancier ne peut en aucun cas intenter une
action paulienne contre cet acte matériel. Mais, il peut en revanche,
avant le délai de prescription, intervenir au nom du débiteur
pour empêcher la dite prescription et partant, récupérer le
bien à travers l'action indirecte » (2).
En droit musulman, il convient de souligner que l'acte
de donation ou de vente souscrit lors de la dernière maladie (maladie
précédent la mort) prend la qualité d'un testament et, le
créancier n'a pas à attaquer cet acte, ni même le testament
car il récupère sa créance du patrimoine du « DE
CUJUS » avant l'octroi au bénéficiaire du testament de
sa quote part (3)
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(1) Docteur d'Etat en Droit - Professeur
à l'université du Caire - Egypte
(2) IN : « Précis dans
le droit civil annoté - les effets de l'obligation » Tome II -
page 1009 - prg. 574, par le Dr. A. SANHOURI - université du Caire -
Egypte
(3) IN : « Précis au droit civil
annoté - le Contrat » page 791 - Prg. 733 n° 6
par le Dr. A. SANHOURI - professeur à
l'université du Caire - Egypte
-37-
Ainsi, après avoir évoqué le principe
selon lequel les actes juridiques sont seuls susceptibles d'être
attaqués, et indépendamment de la question de savoir si
l'ensemble des conditions de l'action paulienne sont réunies, certains
actes constituent l'exception et échappent à son emprise en
l'occurrence notamment, les actes relatifs à des droits insaisissables
attachés à la personne ou encore le partage.
b/ Exceptions au principe :
L'action paulienne ne saurait être exercée contre
certains actes pour des raisons qui tiennent soit à leur nature, soit
à leur objet, ne correspondant pas à la logique de l'action.
Il s'agit de prime abord, des actes relatifs à des
droits exclusivement attachés à la personne, en ce sens que
lorsqu'un débiteur renonce à percevoir une indemnité pour
un dommage moral par exemple, ou bien lorsqu'il se désiste de l'action
en contrefaçon du brevet d'invention dont il est titulaire - action
qu'il a seul le droit d'exercer - , ses créanciers ne peuvent pas
attaquer cette renonciation ou ce désistement par l'action paulienne car
en cas d'annulation de l'acte souscrit par le débiteur, les
créanciers sus visés seraient dans l'impossibilité
d'exercer au nom de leur débiteur, l'action oblique afin de
récupérer leur créance. Mais cette
« immunité » dont jouit le débiteur, peut
être écartée lorsqu'il contracte, frauduleusement, un
engagement excessif à l'égard d'une victime d'un dommage
moral.
Il s'agit en second lieu, des jugements qui peuvent être
pour les parties, le moyen de frauder les droits des tiers, ce qui permet
à ces derniers, de lutter contre la fraude du débiteur non pas
par l'action paulienne, mais par la voie de recours extraordinaire en
l'occurrence : la tierce opposition.
-38-
Elle est réglementée par l'article 303 du code
de procédure civile marocain et définit comme étant
« une voie de recours qui tend à faire rétracter ou
réformer un jugement au profit d'un tiers qui l'attaque pour qu'il soit,
à nouveau, statué en fait et en droit ».
Cependant, même si un jugement ne semble pas porter
atteinte aux intérêts des tiers, puisqu'il ne produit ses effets
qu'à l'égard des parties, plusieurs situations peuvent se
présenter démontrant l'insuffisance de la règle de
l'autorité de la chose jugée, notamment suite à un acte
consenti par l'une des parties agissant en fraude des droits de ses ayants
cause, ce qui oblige les créanciers à défendre leurs
intérêts à posteriori.
En somme, la tierce opposition a pour objet de rendre
inopposable au tiers la décision attaquée par ses soins, à
la condition qu'il n'ait pas été partie au procès et que
la décision lui porte préjudice.
La doctrine égyptienne s'est, pour sa part,
préoccupée de la tierce opposition qu'elle a qualifié de
frein à l'exercice de l'action paulienne.
En effet, le Docteur A. SANHOURI souligne que « le
créancier n'attaque pas l'acte juridique contracté par son
débiteur, mais plutôt le jugement intervenu contre ce dernier,
suite à une connivence avec son adversaire afin que ledit jugement
puisse intervenir à son encontre ou bien, suite à une
négligence manifeste du créancier pour la défense et la
sauvegarde de ses intérêts.
Il va de soit qu'un tel jugement rendu à l'encontre du
débiteur, diminuera le gage général des autres
créanciers et partant, soustrait la créance du patrimoine du
débiteur »(1)
_____________________________________________________________________________________________________
(1) IN : « AL WASSIT FI CHARH
AL KANON AL MADANI NADARIAT A L'ILTIZAM » (précis dans le
droit civil annoté) par Dr. Abderrazak SANHOURI- tome II, page 1011,
prg. 576 (traduction personnelle)
-39-
En troisième lieu, la question du partage demeure
ambiguë et mérite une analyse comparative exhaustive entre le droit
français et le droit marocain inspiré du rite Malékite.
En droit comparé, le code civil français a
apporté une restriction au droit des créanciers d'exercer
l'action paulienne contre les partages de successions et de communautés
(1)
Cette restriction s'explique par la volonté d'assurer
la stabilité du partage et par l'existence de procédures
spéciales permettant de protéger les droits des
créanciers.
Cependant, des exceptions peuvent survenir et
déclencher l'action paulienne, c'est le cas notamment d'un partage
fictif de communauté dissimulant une donation.
Par ailleurs en droit marocain, l'absence de texte
spécifique réglementant l'action paulienne, ne nous empêche
pas de traiter ce volet relatif au partage.
En effet, le statut personnel marocain issu du rite
malékite et partant du droit musulman, permet de relever les conditions
du partage notamment entre cohéritiers et dans le cadre du régime
matrimonial qui demeurent différents du système
français.
Comme nous l'avons précédemment indiqué,
le partage de la succession en droit musulman, qui trouve sa source dans le
Saint Coran (2), intervient après le paiement des créanciers du
défunt (débiteur) d'une part, et la réalisation du
testament à hauteur de 1/3 de la succession d'autre part.
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(1) Article 1167 alinéa 2 du code
civil français
(2) Sourat « AN
NISSAA » verset 11
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Ainsi, les créanciers sont amenés à
réclamer le recouvrement de leur créance avant le partage de la
succession, mais peuvent être contraints à exiger des ayants
droits du défunt le reliquat de la créance si la succession ne
suffit pas à rembourser ces derniers.
Néanmoins, il nous paraît opportun de souligner
qu'un arrêt de la Cour d'Appel de Rabat a jugé, à bon
droit, qu'il y a lieu d'exercer l'action paulienne à l'encontre d'une
épouse en sa qualité de légataire et
d'héritière d'un débiteur décédé
à la suite d'une maladie ; legs consenti en fraude des droits des
créanciers.
La Cour a estimé par application des dispositions de
l'article 419 du D.O.C., que « Revêt le caractère de
libéralité déguisée et doit être
annulé comme entachée de fraude, conformément à
l'article 419 du D.O.C., la reconnaissance de dette envers son épouse
souscrite par un musulman au cours de la maladie dont il est
décédé.
En effet, en droit successoral musulman malékite, les
parts héréditaires fixées par le Coran sont intangibles.
Le cumul de la qualité d'héritier et de la qualité de
légataire est interdit. Il ne peut y avoir de legs en faveur d'un
héritier »(1)
Par ailleurs, dans le cadre du régime matrimonial, une
distinction entre les deux systèmes s'impose.
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(1) Arrêt de la Cour d'Appel de Rabat
du 19/6/1942 - R.A.C.A.R. TOME XI - P.495 - IN : CODE Annoté des
obligations et des contrats par le Doyen François-Paul BLANC,
préface Me. MAATI BOUABID article 419 n° 15 - édition AL
MADARISS 1981
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En droit marocain, le principe demeure le régime de la
séparation des biens entre époux. Toutefois, ce principe
dégage quelques exceptions, à titre d'exemple, l'exigence de
l'épouse lors de la conclusion du contrat de mariage, la moitié
du patrimoine de l'époux en cas de répudiation volontaire de ce
dernier.
Il convient ici de rappeler à toutes fins utiles, que
la société civile marocaine reste, aux côtés des
problèmes culturels d'analphabétisation, attachée aux
principes traditionnels notamment en ce qui concerne le mariage et le divorce.
Néanmoins, certaines catégories sociales, voire modernes,
contournent le principe sus indiqué pour faire insérer dans le
contrat de mariage, leurs exigences réciproques et partant, lui donner
un aspect contractuel.
Par ailleurs, contrairement au droit marocain, le
régime matrimonial français est basé sur la
communauté des biens mais nous pouvons déroger du principe, par
le biais d'un notaire, qui établit dans un contrat spécifique le
partage des biens entre époux.
Quoiqu'il en soit, l'article 1167 du code civil
français constituant une garantie de droit commun au
bénéfice des créanciers, permet d'attaquer les partages
autres que de succession ou de communauté par l'action paulienne.
C'est le cas notamment du partage de société, ou
encore des « donations-partages » car le caractère
de donation l'emportant sur celui de partage dans la jurisprudence
moderne.(1)
En dernier lieu, la doctrine étrangère est
unanime quant au principe que le paiement d'une dette, en matière
civile, par un débiteur à l'un de ses créanciers ne peut,
en aucun cas, être attaqué par l'action paulienne. En effet, un
débiteur peut avantager un de ses créanciers par un paiement
intégral de la dette échue.
___________________________________________________________________
(1) A titre d'exemple : arrêt de
la Cour d'Appel de METZ du 05/11/1980 publié au JURIS DATA N° 80344
- IN : JURIS CLASSEUR CIVIL - étude du professeur Jean DEVEZE -
FASC. 39 P. 10
-42-
Par contre, l'action est recevable si le débiteur
profite du paiement d'une dette en effectuant des procédés
anormaux inspirés par la fraude aux droits des créanciers,
notamment par la cession de créance.
Néanmoins, il en est autrement en matière de
redressement ou de liquidation judiciaire des entreprises, car tous les
créanciers sont unis sur un piédestal et il leur est interdit
d'engager des poursuites individuelles.(1)
De plus l'alinéa 1er de l'article 657 du
nouveau code de commerce marocain stipule expressément que
« le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein
droit, interdiction de payer toute créance née
antérieurement au jugement d'ouverture... »
Ceci étant, la loi permet à tout
intéressé de faire déclarer inopposable à la masse
des créanciers, les paiements effectués par le débiteur en
état de cessation de paiement.
En droit comparé, la jurisprudence de la Cour de
Cassation française a confirmé dans un arrêt du 6/12/1994
que :
« la situation financière du
débiteur était obérée lors de la donation
consentie à ses enfants ..... et l'acte litigieux intervenu dans les 6
mois précédent la date de la cessation des paiements du donateur,
mis en règlement judiciaire, n'avait pour but que de soustraire à
ses créanciers, en fraude de leurs droits, un ensemble immobilier, la
Cour d'Appel n'a fait qu'user des pouvoirs qu'elle tient de l'article 29,
dernier
alinéa de la loi du 13 Juillet 1967, en
déclarant la donation inopposable à la masse »
(2)
_____________________________________________________________________________________________________
(1) Articles 653 et suivants du nouveau code de commerce
marocain
(2) Arrêt de la chambre commerciale près la cour
de cassation française du 6/12/1994 dossier n° 92.20.078 - rejet de
la demande - IN :collection Légisoft, CD ROM
« intégral cassation » bulletin n° 371
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En conséquence, l'ensemble des exemples
précitées ne constitue pas vraisemblablement un frein à
l'exercice de l'action paulienne car, comme nous l'avons indiqué, la
fraude du débiteur en dehors des actes juridiques, permet aux
créanciers de déclencher l'action et partant, solliciter
l'inopposabilité à leur encontre.
Ceci étant, après avoir traité de la
nature juridique de l'acte attaqué par l'action paulienne, il nous
importe à présent d'analyser la notion de préjudice
causé au créancier par l'effet de l'acte frauduleux du
débiteur.
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