1.2.4 L'angle des microfibrilles dans la sous couche S2 :
un paramètre micromécanique primordial
Comme cela a été évoqué, l'AMF
caractérise, au sein de chaque sous couche pariétale,
l'inclinaison des microfibrilles par rapport au grand axe
cellulaire. Ces fibres cellulosiques, qui assurent l'essentiel du renfort de la
paroi, permettent à cette dernière, de résister à
toutes sortes de sollicitations mécaniques. Leur inclinaison
constitue donc un critère déterminant dans la tenue
mécanique de la paroi cellulaire, voire dans les
propriétés élastiques « globales »
du matériau bois. Nous nous proposons donc de
faire un inventaire succinct de quelques sources majeures de
variabilité des mesures de l'AMF dans S2, puis de préciser, pour
chacune d'elles, comment les modélisations mécaniciennes les
plus « usuelles » les prennent en compte.
1.2.4.1 Une distribution uniforme de l'AMF dans la sous couche S2
?
Perturbations dues à la présence de
ponctuations
Certains auteurs, ont montré que la présence de
ponctuations dans la sous couche S2 engendre des déviations locales
de l'AMF relevé par diffraction rayons X (Sahlberg et
al, 1997). Cependant, la longueur de la trachéide
relevée sur les résineux (4 mm et plus, Keller dans
Jodin, 1994), comparée aux dimensions des ponctuations (diamètre
de 0,2 à 4 m, Siau, 1984) permet de considérer l'influence de
cette réorganisation ultrastructurale de la paroi comme non
strictement essentielle dans le comportement mécanique global
pariétal. Il est donc possible d'admettre, en première
approximation et uniquement sous un angle de vision
« mécanicien », une distribution homogène
de l'angle des microfibrilles dans la sous couche
S2.
Variations internes de l'AMF dans la sous couche S2
Des études ultrastructurales (Roland et
al, 1982) ont évoqué l'existence d'une distribution
gaussienne de l'AMF dans l'épaisseur de la sous couche S2. D'autres
observations montrent une répartition non uniforme de l'AMF le long de
la sous couche S2 de quelques Pins (Khalili
et al, 2001).
En dépit de ces deux types d'observations, la
grande majorité des auteurs mécaniciens se contente
d'assimiler, par soucis de simplicité, la sous couche S2 à une
enveloppe cylindrique
de composite dans lequel l'inclinaison des microfibrilles est
sensiblement constante aussi bien
dans l'épaisseur (directions transverses
cellulaire) que dans la longueur (direction longitudinale de la
cellule).
14
Inventaire des facteurs essentiels de la variabilité intra
arbre des propriétés mécaniques des tissus ligneux
Une différence d'inclinaison des microfibrilles entre
les parois d'une même cellule ?
Dans la plupart des modélisations
mécaniques du comportement pariétal, l'inclinaison des
microfibrilles entre les parois cellulaires radiales et tangentielles d'une
même cellule ligneuse n'est pas distinguée, et ce, contrairement
à des propositions déjà anciennes (Frey-Wissling,
1940, cité dans Botosso, 1997, Boutelje, 1962,
Boyd, 1974, Boyd et al, 1975). Cette différence d'angle
microfibrillaire (de 0 à 15 degrés, Preston, 1934,
Boutelje, 1962), initialisée durant la lignification de la paroi
secondaire (Boyd, 1974), constituerait pour Boutelje (1962) un facteur
explicatif de l'anisotropie élastique transverse pariétale
des résineux. Pour d'autres auteurs (Mark, 1967, Barrett, 1973),
la prise en compte de cette distinction entre les deux parois
transverses ne serait pas, à elle seule, suffisante pour
expliciter l'anisotropie transverse pariétale.
Ces différences, particulièrement délicates
à mettre en évidence expérimentalement,
s'avèrent
au demeurant assez faibles dans des travaux plus récents
(inférieures à 5 degrés pour Kataoka
et al, 1992, Khalili et al, 2001).
Elles ne sont généralement pas prises en compte par les
mécaniciens. Certains auteurs (Barrett, 1973) évoquent, sans la
modéliser, l'éventualité d'une anisotropie transverse
élastique pariétale due à une topo chimie des lignines
différente dans
les deux parois (Bosshard, 1956). Des
évaluations micromécaniques directes (nano indentation) de
la rigidité dans S2 montrent, cependant sur Picea abies, qu'il n'est
pas certain que les propriétés élastiques des parois
radiales et tangentielles différent significativement
(Wimmer et al, 1997).
1.2.4.2 Influence de la technique expérimentale sur la
disparité des mesures d'AMF
rapportées
La variabilité biologique de l'inclinaison des
microfibrilles (AMF), peut s'exprimer sur un ensemble de cernes
immédiatement voisins comme à l'intérieur d'un
même cerne de croissance, i.e. entre le bois initial et le bois final
(Sahlberg et al, 1997, Bergander 2001).
Les valeurs mesurées sur un même tissu
(bois initial, bois final) varient, en outre, très sensiblement
avec les techniques expérimentales mises en oeuvre (Tableau 1.2, mesures
sur Picea abies).
Avec la technique fondée sur l'exploitation des
spectres de diffraction des rayons X, des différences sensibles
d'AMF relevé peuvent même apparaître selon le plan
réticulaire (002 ou
040) sujet de l'étude. Sahlberg et al (1997)
soulignent ainsi que bien que le plan (002) ait été
le plus souvent étudié (diffraction
présentant la plus grande intensité), il ne fournit
qu'une mesure indirecte nécessitant une calibration. La
détermination de l'AMF à partir du plan
(040) ne présente pas, pour l'auteur, ce genre
d'inconvénient technique.
Sahlberg et al (1997), ont comparé les
résultats obtenus via des méthodes expérimentales
distinctes (Tableau 1.2). Ils expliquent les différences entre
les AMF caractérisés via des déviations d'une
lumière polarisée et celles obtenues par l'exploitation de
spectre de diffraction rayons X, par des perturbations locales de l'AMF
autour des ponctuations.
Pour ces auteurs, la technique utilisant une
lumière polarisée, lorsqu'elle est appliquée aux
parois cellulaires tangentielles, prend uniquement en compte la portion
de microfibrilles présentes en dehors de l'environnement local
des ponctuations. La valeur moyenne alors obtenue n'intègre donc
pas les singularités ponctuelles. La méthode
d'interprétation des
15
Inventaire des facteurs essentiels de la variabilité intra
arbre des propriétés mécaniques des tissus ligneux
spectres de diffraction rayons X, en plus d'être la plus
rapide, présente quant à elle l'avantage
d'évaluer l'AMF tout autour de la paroi. Cette
technique permet donc d'accéder à une information globale.
Toujours selon Sahlberg et al (1997), la dispersion des mesures
d'angle dans les parois radiales est directement attribuée à un
nombre important de ponctuations.
Auteurs
|
Nature de la fibre testée
|
AMF
|
Technique employée
|
Ollinma
(1961) dans
Sahlberg et al (1997)
|
Moyenne dans le cerne
|
25,5
|
Lumière polarisée
|
Marton
(1970) dans
Sahlberg et al (1997)
|
BI
|
20,4
|
Lumière polarisée
|
BF
|
18,1
|
Lumière polarisée
|
BI
|
11,5
|
Diffraction R.X (002)
|
BF
|
12,0
|
Diffraction R.X (002)
|
Paakkari
(1984)
|
BI
|
4,9
|
Diffraction R.X (002)
|
BF
|
4,3
|
Diffraction R.X (002)
|
Sahlberg et al
(1997)
|
BI
|
9,7
|
Diffraction R.X (040)
|
BF
|
8,3
|
Diffraction R.X (040)
|
Moyenne sur le cerne
|
5,1
|
Cristaux d'iodes
(Senft et al, 1985)
|
BI en
moyenne
|
9,0
|
Diffraction R.X (040)
|
BF en moyenne
|
8,1
|
Diffraction R.X (040)
|
Bergander
et al (2001)
|
BI normal
en moyenne
|
10
|
Polarisation confocale (CLSM)
|
8
|
Diffraction R,X,
|
Ruelle
(2003)
|
Bois normal en moyenne
|
20,18
|
Cristaux d'iodes (Senft et al,
1985)
|
Tableau 1-2 Valeurs d'AMF relevées sur le bois
initial (BI) et le bois final (BF) de Picea abies
1.2.4.3 Une distinction parfois délicate des AMF dans les
cellules de bois initial et de bois final
Les différences d'AMF relevés entre les sous
couches S2 des cellules de bois initial et de bois final sont aussi (et a
fortiori) très fortement dépendants de la technique
expérimentale mise en
16
Inventaire des facteurs essentiels de la variabilité intra
arbre des propriétés mécaniques des tissus ligneux
oeuvre (Sahlberg et al, 1997). Certaines mesures
laisseront donc apparaître une différence
nette dans l'inclinaison microfibrillaire de ces deux tissus
tandis que d'autres ne permettront aucune distinction (valeur globale
commune).
Des résultats établis via la technique de
diffraction des rayons X, montrent ainsi des différences minimes
entre l'AMF du bois initial et celui du bois final (1 à 2
degrés pour Paakkari et al, 1984, Sahlberg et al,
1997, Bergander et al, non publié). D'autres, fournis par des
mesures plus « locales » (lumière polarisée,
orientation des cristaux d'iodes, Senft et al,
1985), suggèrent de plus grands écarts entre les
deux tissus (jusqu'à 30 degrés pour McMillin,
1973, Herman et al, 1999).
L'utilisation directe, dans une modélisation, des
résultats rapportés dans la littérature, exige donc une
connaissance précise des conditions expérimentales :
précision de la mesure effectuée, technique
expérimentale employée, mesure individuelle sur une
trachéide (fibre unique) ou mesure plus globale (paquet de fibres). La
littérature ne présente que très rarement
de telles informations ce qui conduit bon nombre d'auteurs
à insérer des valeurs médianes au sein de leurs
modèles. Une étude numérique parait indispensable
pour élucider le rôle de l'inclinaison des microfibrilles
sur l'anisotropie pariétale tout en s'affranchissant des
difficultés expérimentales de sa détermination.
Nous admettrons ici, comme certains auteurs mécaniciens
(Barrett, 1973, Mark, 1967, 1980, Mark et al, 1970, Navi et
al, 1995), une distinction nette entre l'angle des microfibrilles du bois
initial et celui du bois final.
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