1.2.3 La matrice ligno-cellulosique
Composée pour 50% de lignines tridimensionnelles et de 50%
de polysaccharides, la matrice
est généralement rendue responsable du
comportement mécanique différé
(viscoélasticité) du matériau bois. Elle suscite
néanmoins encore beaucoup d'interrogations quand à ses
propriétés mécaniques propres.
1.2.3.1 Propriétés mécaniques des
constituants macromoléculaires de la matrice
Les modules d'élasticité des
polymères constitutifs de la matrice (lignines,
hémicelluloses pour l'essentiel) sont clairement identifiés
dans la littérature. Ils doivent néanmoins être
considérés, comme des caractéristiques élastiques
de polymères obtenus très généralement par des
techniques d'extraction, c'est-à-dire mesurés sur des
molécules isolées de leur contexte structurel (organisation
dans un éventuel réseau, structure chimique différente
dans le milieu originel). Leur représentativité quant aux
caractéristiques élastiques des polymères in situ
(non encore mesurées) est donc encore à
démontrer.
Pour Cousin (1978), dont les résultats sont très
largement repris, les hémicelluloses ont une rigidité (à
l'état sec) de l'ordre de 8 GPa, tandis que les lignines ont un module
de l'ordre de 5
à 7 GPa.
1.2.3.2 Une isotropie élastique supposée
A l'intérieur des sous couches S1 et S2, certains des
polymères constitutifs de la matrice (une partie des
hémicelluloses et quelques lignines) sont en contact étroit
avec les microfibrilles
(Salmèn et al, 1998). Au sein de ces associations
supramoléculaires quelque peu complexes,
regroupées sous le terme de matrice et assimilables
à un véritable enchevêtrement, les lignines
généralement qualifiées de tridimensionnelles (elles ne le
sont en toute rigueur que dans la lamelle moyenne) apparaissent pour
certains auteurs comme des éléments importants du
comportement mécanique pariétal (Donaldson, 2003, Gindl et al
2002, 2003).
La présence de liens covalents entre lignine et
hémicellulose (Kerr et al, 1975 dans Salmèn
et
al, 1985), ou encore l'existence d'une orientation
privilégiée des hémicelluloses par rapport à l'axe
des chaînes de cellulose (Liang et al, 1960 dans
Salmèn et al, 1985, Cave, 1972, Hackney et al,
1994) suggèrent assez naturellement un comportement élastique
anisotrope de
la matrice ligno cellulosique.
Chez les essences feuillues, de tels liens entre lignines et
hémicelluloses ont d'ailleurs conduit certains auteurs (Yamamoto
et al, 2003) à modéliser le comportement
élastique pariétal du
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Inventaire des facteurs essentiels de la variabilité intra
arbre des propriétés mécaniques des tissus ligneux
bois de tension par celui d'un matériau composite
formé par un squelette de matrice amorphe
renforcé par des microfibrilles parallèles.
Néanmoins, une récente simulation du
comportement mécanique de la paroi des résineux
(Bergander et al, 2000, Bergander 2001), menée
via une modélisation multicouche à fibres parallèles a
montré, d'une part que l'arrangement des lignines et
hémicelluloses n'a pas d'influence majeure sur les
propriétés élastiques transverses de la paroi, et plus
généralement que la matrice ne joue pas un rôle
prépondérant dans le comportement élastique
pariétal global.
Pour ces raisons, mais aussi devant le manque de
données utiles à une évaluation de l'éventuel
degré d'anisotropie de la matrice et le caractère amorphe des
unités monomères des lignines, bon nombres de
mécaniciens du bois sont conduits à admettre l'existence
d'une matrice quasi amorphe au comportement mécanique isotrope.
Un module d'élasticité de la matrice de 2 GPa est alors
unanimement envisagé (Mark, 1967, 1980, Barrett, 1973, Bodig
et
al, 1982, Gril, 1987, Yamamoto 2001).
On notera enfin que, les homogénéisations
mécaniciennes rencontrées dans la littérature, font
nécessairement appel à une organisation spatiale
simplifiée du milieu bi phasique matrice- microfibrilles (Figure
1.4). La matrice ligno-cellulosique est ainsi assimilée à
un ensemble amorphe enveloppant les microfibrilles (elle se place sur
leur pourtour pour Mark 1980, Norimoto et al, 1985) à la
manière d'une gaine. Bien qu'assez éloignée de la stricte
réalité microfibrillaire, cette schématisation
permet néanmoins d'apprécier le comportement
mécanique global de la matière ligneuse à l'échelle
de la sous couche. Ainsi, Salmèn (2001) a montré que les
dispositions respectives des hémicelluloses en regard des microfibrilles
et des hémicelluloses en regard des lignines ne jouent qu'un
rôle mineur sur le comportement mécanique de la paroi.
Figure 1.4 : Schématisation du milieu bi phasique
constituant chaque sous couche pariétale
1.2.3.3 Perspective ultrastructurale envisagée
Dans le travail ici mené, il s'agit moins de prendre en
compte, dans le modèle adopté in fine,
de données ultrastructurales précises (qui
assureraient une description moléculaire stricte de la matière
ligneuse pariétale), que de traduire mécaniquement le
rôle du renfort filamentaire cellulosique. La matière
constitutive de la paroi cellulaire pourra donc être
assimilée, en première approximation, à un milieu bi
phasique constitué d'une matrice amorphe entourant
13
Inventaire des facteurs essentiels de la variabilité intra
arbre des propriétés mécaniques des tissus ligneux
des fibres de renfort quasi cristallines. Dans le terme de module
élastique de microfibrilles,
comme dans celui de module élastique de matrice
ligno cellulosique, il conviendra donc d'entendre plutôt des «
grandeurs » caractérisant un matériau mécaniquement
« équivalent » à une microfibrille non
homogène et à l'agrégat moléculaire quasi
amorphe (lignine, hémicelluloses, pectines,
éventuellement extractibles) qui comble l'interstice entre
les microfibrilles. Les deux phases de ce matériau devront être
vues comme étant parfaitement
« confondues » l'une dans l'autre (Sassus,
1998). L'échelle de description « moléculaire »
sera, par soucis de simplicité, ignorée (peu de travaux
atteignent un tel degré de finesse descriptive).
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