3.2 Hétérogénéité
tissulaire et anisotropie élastique du bois normal
Pour rendre compte de l'anisotropie élastique
macroscopique du cerne, les homogénéisations prédictives
évoquées au chapitre 1 et mises en oeuvre au chapitre 2 (Passage
3), assimilent le cerne d'accroissement à un ensemble composite de
couches (strates) élaborées à partir de tissus
ligneux (bois initial et final) supposés morphologiquement parfaitement
différenciés (en terme d'épaisseurs de paroi comme en
terme de diamètres cellulaires).
Pourtant, la bibliographie relative aux
différences morphologiques expérimentalement observables
entre des cellules de bois initial et de bois final, présente un
caractère fortement contradictoire. Une des raisons de cette
disparité tient en une variabilité inter spécifique
et intra spécifique de forme cellulaire fortement
dépendante des conditions de croissances
(Botosso, 1997) auquel s'ajoute l'effet « âge du cerne
». Il a ainsi été montré sur Picea abies
(Sarèn et al, 2001) que la morphologie
cellulaire varie selon la position de l'examen microphotographique par
rapport à la moelle ; de cellules quasi circulaires proches du
centre,
on arrive à des cellules approximativement
rectangulaires au fur et à mesure d'une progression
centrifuge radiale vers le cambium.
Par conséquent, seront évoquées par la
suite, des informations se référant à un cerne de bois
adulte d'essence résineuse, et ce, pour des conditions de croissance
fixées. Ces éléments, pour
la plupart bibliographiques, n'auront alors pour
objectif que d'expliciter les tendances générales
accompagnant, en terme de modifications morphologiques, la transition d'un bois
initial à un bois final dans un ensemble de cernes proches en
âge.
69
Hiérarchisation des paramètres descriptifs de
l'anisotropie élastique du bois normal
Ces informations seront ensuite employées pour
étayer, via deux simulations analytiques intra
cerne, une discussion du rôle de la morphologie cellulaire
sur l'anisotropie élastique du cerne dépourvu de rayons
ligneux.
3.2.1 Différence de morphologique cellulaire entre
le bois initial et le bois final
3.2.1.1 Une distinction visuelle parfois délicate
Des tentatives de définitions des limites entre le bois
initial et final en termes géométriques ont été
réalisées mais souvent discutées. Parmi elles, le
critère de Mork (1928, cité dans Denne, 1988 et
illustré sur la Figure 3.4), liant épaisseurs de paroi (e) et
largeur des lumens
(LL), a été très souvent employé afin
de « formaliser » analytiquement une distinction entre bois initial
et final qui n'était jusqu'alors que visuelle (et donc entachée
d'une incertitude liée
à l'observation humaine). Néanmoins, une
récente synthèse (Denne, 1988) a montré la
nécessité de rediscuter certains
résultats admis par Mork (1928) et repris en l'état par de
très nombreux auteurs (représentativité des
dimensions de cellules relevées en regard des variations
inter cerne, interprétation des formules initialement
proposées).
Denne (1988) fait ainsi état de l'existence,
dans la littérature, de deux définitions
géométriques différentes des trachéides de bois
final (Figure 3.4, Formules 1 et 2).
Utilisant tour à tour les deux formulations du
critère avancé par Mork (1928), ce dernier auteur montre,
sur quelques Pins (Tableau 3.4), d'une part que la proportion calculée
de bois final dans un cerne diffère notablement selon l'expression
employée, et d'autre part, que les deux formules
précitées ne peuvent être appliquées à
toutes les espèces (Pinus contorta et Pinus strobus
présentent alors une texture nulle !).
Dans le cas ou les deux inéquations (Formules 1 et 2,
Tableau 3.4) conduisent à des résultats plausibles,
l'écart entre les deux prédictions est d'autant plus
sensible que les différences morphologiques relevées entre le
bois initial et final sont faibles (Tableau 3.4, Pinus pinaster, cas c).
![](inventaire-parametres-proprietes-mecano-physiques-tissus-ligneux35.png)
Figure 3.4 : Les deux interprétations du
critère de définition du bois final proposé par Mork
(1928)
L : double épaisseur cellulaire,
LL : largeur de lumen, e : épaisseur de
paroi
Tiré et adapté de Denne
(1988)
70
Hiérarchisation des paramètres descriptifs de
l'anisotropie élastique du bois normal
Pinus
|
% de bois final calculé par application de
|
Formule 1
|
Formule 2
|
a) taeda
|
30
|
28
|
b) pinaster
|
27
|
13
|
c) contorta
|
29
|
0
|
d) strobus
|
0
|
0
|
Tableau 3-4 : Pourcentage de bois final calculé
à partir des deux interprétations du critère de Mork sur 4
essences
résineuses, tiré et adapté de Denne
(1988).
3.2.1.2 Tendances générales
D'après Ferrand (1982), dans le bois normal des
conifères, c'est l'épaisseur de paroi qui augmente le plus
fortement lors de la transition physiologique bois initial bois final
; le diamètre (essentiellement radial) des cellules varie
également, mais sans changer d'ordre de grandeur. Decoux et al
(non publié) relient, quant à eux, l'augmentation de
densité observée par micro densitométrie, essentiellement
à des augmentations d'épaisseurs pariétales.
Des études microphotographiques ont montré sur
quelques résineux, que les changements de dimensions cellulaires
(diamètres comme épaisseurs) sont plus prononcés
dans la direction radiale que dans la direction tangentielle du cerne (Picea
abies, Erickson et al, 1974, Latix laricina, Picea glauca, Picea
mariana, Marguerie et al, 2000, Picea abies, Douglas Fir, Pinus
sylvestris, Decoux et al, non publié).
Les recherches menées par Marion (2001), sur
Picea abies, établissent, par construction analytique de
cellules moyennes de bois initial et final (à partir
d'un ensemble de photographies de plan ligneux et analyse d'images), que le
diamètre tangentiel évolue peu lors
du passage d'un bois de printemps à un bois
d'été. Pour cet auteur, l'expansion cellulaire
(ovalisation) du bois normal se fait principalement dans la
direction radiale.
Admettant la conservation du diamètre tangentiel
à l'intérieur du cerne de croissance, et assimilant
à un carré la morphologie de la cellule de bois initial, Fengel
et al (1973), Boyd
(1974b), considèrent pour leur part, que
l'essentiel des modifications géométriques accompagnant la
transition morphologique bois initial bois final peut être
résumée à un doublement de l'épaisseur de la
paroi radiale.
Pour Bergander (2001), le passage bois initial bois final sur
Picea abies, s'accompagne d'une modification majeure et plus complexe de la
géométrie cellulaire ; d'un bois initial présentant des
cellules de forme hexagonale on arrive, dans le bois final, à
des cellules de forme rectangulaire. Les variations de l'épaisseur et
des diamètres ne sont pas explicitées dans ses travaux.
L'examen de ces tendances générales,
présentées dans la littérature, et leur comparaison aux
valeurs caractéristiques des cellules virtuelles dites de bois
initial et final, élaborées au chapitre 2, suggère
quelques commentaires.
Les paramètres géométriques des cellules
dites de bois initial et de bois final, (Tableau 2.4 du chapitre 2) obtenus via
la démarche d'optimisation précédemment explicitée
(construction du RSV), répondent assez bien aux propositions
bibliographiques avancées par l'ensemble des auteurs
précités.
71
Hiérarchisation des paramètres descriptifs de
l'anisotropie élastique du bois normal
Le passage d'une cellule de bois initial à une cellule de
bois final est ainsi caractérisé par :
une relative constance du diamètre tangentiel cellulaire
(de DTi = 30 um à DTf = 35
um, valeurs optimisées),
une augmentation au moins double de l'épaisseur radiale
(eRi = 0.85 um, eTi = 1.06
um ; eRf = eTf =2.8 um),
une diminution importante (plus de 50%) du diamètre
radial (de DRi = 37.5 um à DRf
= 15 um).
S'il est ainsi possible, pour chacun des types de
cellules rencontrées dans le cerne de bois normal, de disposer
d'un jeu de paramètres géométriques (DR, DT, eR,
eT) spécifiques, la simulation analytique du passage d'une
catégorie de cellule (bois initial, bois final) à l'autre
est délicate. En effet, devant l'actuelle absence
d'étude faisant état des liens biologiques reliant les
variations d'un paramètre géométrique à celles
d'un autre, il apparaît délicat d'adopter un pas de
variation relative pour un paramètre géométrique,
dont seules sont connues les valeurs bornes.
Pour ces raisons, et avec objectif unique de rendre compte de
l'effet d'une ovalisation sur les caractéristiques élastiques
tissulaires, nous serons conduits à simuler le passage d'une cellule
de bois initial à une cellule de bois final par
un ensemble de modifications géométriques simples (deux types
de simulation).
La cellule de bois initial sera en premier lieu
assimilée à une cellule carrée, d'épaisseur
constante, ne subissant de modifications géométriques qu'en
terme de diamètre radial (conformément aux propositions de
Fengel et al, 1973 et de Boyd,
1974b, 1977).
Dans un second temps, la transition d'une cellule de bois
initial à celle d'un bois final sera simulée par des variations
simultanées simples de diamètre radial et d'épaisseurs.
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