La liberté fiscale sur Internet( Télécharger le fichier original )par Romain-Jean Pichardie Université de Rouen - Master Droit des Affaires et Fiscalité 2006 |
Section 3. Les outils d'investigation propres à l'administrationPour le contrôle de l'activité économique sur Internet, les douanes et l'administration fiscale sont compétents. 1. Les outils de l'administration douanière Depuis le 1er juillet 1968, l'Union douanière communautaire a supprimé les droits de douanes entre les pays de l'Union. A la même date, un tarif douanier commun a été institué pour les importations en provenance de pays tiers, pour éviter les détournements de trafic. a. Pour les biens matériels Si le commerçant et le client sont établis dans l'Union Européenne, aucun droit de douane n'est dû, conformément au droit communautaire. Cependant, une déclaration d'échange de biens (DEB) doit être remplie, afin d'établir les statistiques du commerce extérieur, pour les échanges intracommunautaires d'une entreprise de l'Union à une entreprise d'un autre pays de l'Union. La DEB permet en outre de vérifier le respect des règles fiscales concernant la TVA. Si les biens proviennent d'un pays tiers, les droits de douane sont dûs lors du passage physique de la frontière, selon l'espèce tarifaire qui leur est applicable. Les droits sont également éventuellement dûs lors de l'exportation vers des pays tiers. Les techniques de contrôle des douanes sont applicables seulement pour la vente de biens qui sont physiquement livrés en France. Un contrôle systématique n'est pas possible. L'expéditeur déclare la nature, l'origine et la valeur des biens importés. Cette déclaration définit le montant des droits de douane à payer. Malheureusement, les contrôles sont aléatoires, et peu fréquents. Ainsi, chez Chronopost, environ deux à trois colis postaux sur cent sont contrôlés par les douaniers, pour les envois provenant de pays tiers. Toutefois, les systèmes informatisés des douanes permettent, en cas de constatation de fraude, d'assurer le contrôle systématique de tous les futurs colis provenant du même expéditeur. De plus, la combinaison de certains éléments de fait entraîne une plus grande fréquence de contrôle. On parle alors de « ciblage ». Mais dans le cas d'un contrôle mettant en lumière le non-paiement des droits de douane ou de la TVA il y a des difficultés pour remonter à l'expéditeur. En effet, les factures des produits achetés à l'étranger sur Internet comportent en général le nom de plusieurs sociétés, dans différents pays. De plus, le nom de l'expéditeur est en général modifié, pour ne pas attirer les voleurs dans les centres de traitement du courier.
Les droits de douane ne sont pas appliqués aux livraisons de biens dématérialisés, comme par exemple des téléchargements payants. Ceux-ci sont assimilés, en France et dans l'Union Européenne, à des prestations de services, sur lesquels les droits de douane ne sont pas exigibles. Pourtant, les États-Unis considèrent ces opérations portant sur des virtual goods11(*) comme des livraisons de biens virtuels. La difficulté technique est dûe au fait que ces biens traversent bel et bien les frontières de la communauté, mais par le biais des réseaux de télécommunication. Une déclaration commune des États-Unis et de l'Union Européenne est intervenue le 9 décembre 1997. Elle exonère les biens immatériels de droits de douane. De ce fait, les douanes n'interviennent pas dans le contrôle des livraisons de biens immatériels. 2. Les outils de l'administration fiscale Les contribuables sont tenus de déclarer de façon sincère et exacte la matière imposable, afin de déterminer l'assiette de l'impôt. Le contrôle fiscal est destiné à s'assurer du respect de ces obligations. La multiplicité des acteurs économiques sur Internet pose un problème. Il est matériellement impossible, pour l'administration, de contrôler les sites marchands de façon systématique, même en se limitant à ceux en français. De plus, dans le cas de sites implantés à l'étranger, la coopération internationale n'est pas toujours possible. L'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle (ESFP) a pour but de vérifier la sincérité et l'exactitude de la déclaration d'ensemble des revenus. Dans l'exercice de cette mission, le vérificateur compétent demande la communication des relevés de comptes à la personne vérifiée ainsi qu'aux établissements bancaires12(*). Mais des revenus tirés d'Internet peuvent être absents de ceux-ci. Dans le cas où un contribuable s'est vu verser des revenus par une société étrangère, ceux-ci peuvent être visibles sur les relevés de compte. Mais si les revenus sont versés sur un compte bancaire à l'étranger, il est plus difficile de les déceler. Toutefois, en dressant la balance de trésorerie, il est parfois possible de mettre en évidence des incohérences. Par ailleurs, l'article L16 B du livre des procédures fiscales prévoit les perquisitions. L'autorité judiciaire peut autoriser les agents de l'administration des impôts à « effectuer des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents (...) sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support. » Dans le domaine de la monnaie électronique, Paypal, filiale d'Ebay, est le leader mondial. PayPal (Europe) Ltd. est autorisé et réglementé par le Financial Services Authority (FSA) du Royaume-Uni en tant qu'institution émettrice de monnaie électronique. Ce système fonctionne comme un compte bancaire. Il est d'ailleurs obligatoire d'avoir un compte bancaire pour créer un compte Paypal, car un numéro de carte bancaire est utilisé pour prélever 1,50 euros lors de la création du compte. Un code chiffré apparaît alors sur le relevé de banque du client, et permet de valider le compte. Seul ce prélèvement sur le compte peut éveiller les soupçons de l'administration fiscale. Le client ouvre son compte, puis le crédite lui même, s'il est acheteur, ou grâce à des objets ou des services vendus sur Internet. Pour payer, ses clients doivent connaître le nom d'utilisateur, qui est l'adresse e-mail du vendeur. La gestion du compte se fait exclusivement par Internet. Les opérations réalisées sont conservées en mémoire pendant deux mois sur le site paypal.fr , mais peuvent être effacées par le titulaire du compte. Pour utiliser l'argent disponible sur le compte Paypal, on peut, soit réutiliser les sommes, soit procéder à un virement bancaire. Si les sommes sont seulement réutilisées, les revenus tirés d'Internet n'apparaissent nulle part. Compte-tenu de l'immense variété des objets et des services payables par Paypal, il est facile de dépenser l'argent gagné. Mais si la personne le souhaite, elle peut procéder à un virement bancaire depuis Paypal vers son compte bancaire. Il est possible de virer l'argent sur tout compte bancaire, dans le pays de son choix. Si la personne effectue le virement sur son compte en France, les sommes vont apparaître sur son relevé de compte. Mais si le virement est fait à l'étranger, l'opération est dissimulée.
* 11 virtual goods signifie « biens virtuels» * 12 LPF art L47, al 3 |
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