La liberté fiscale sur Internet( Télécharger le fichier original )par Romain-Jean Pichardie Université de Rouen - Master Droit des Affaires et Fiscalité 2006 |
Section 2. Rigidité et attraits de la législation françaiseOn peut en théorie domicilier son activité de prestation de services ou de vente de biens à l'étranger, alors que le client et le fournisseur sont tous les deux situés en France. L'opération est ainsi conclue, de façon entièrement électronique, entre un client français et une société étrangère. Mais en dehors de la fiscalité, en quoi l'extradition est attirante ? Car aussi attractive qu'elle soit, elle fait perdre le bénéfice des régimes fiscaux de faveur français. 1. Une législation contraignante En dehors de la fiscalité, l'extradition du site Internet permet le choix de la législation à laquelle l'activité est soumise. Car en France, la loi est très contraignante dans ce domaine. Ainsi, il n'est possible de bénéficier des douceurs de la fiscalité française qu'en se soumettant au droit de la consommation.
En France, la loi pour la confiance dans l'économie numérique, dite loi LEN, du 21 juin 2004 est le texte principal de la vente en ligne. Elle transpose en partie des textes communautaires, et complète la directive du 8 juin 2000 et l'ordonnance du 23 août 2001. La loi LEN veut responsabiliser les pratiques des marchands et des fournisseurs. De ce fait, elle est particulièrement protectrice des internautes. L'article 14 définit la notion de commerce électronique. C'est « l'activité économique par laquelle une personne propose ou assure à distance et par voie électronique la fourniture de biens et de services (...) y compris lorsqu'ils ne sont pas rémunérés par ceux qui les reçoivent. » Ainsi, il est extrêmement simple de voir son activité soumise à la LEN. La loi LEN du 21 juin 2004, dans son article 15 a créé une « responsabilité globale » du marchand en ligne. Celle-ci couvre l'ensemble de la vente, de la passation de la commande jusqu'à la fourniture de biens ou la prestation de services. Il ne peut s'en dégager qu'en prouvant la faute du consommateur, ou le fait imprévisible et insurmontable d'un tiers, ou la force majeure. Par ailleurs, il existe un «droit de rétractation». Ainsi, le client peut exiger de renvoyer la marchandise et d'être remboursé intégralement, à l'exception des frais de port pour renvoyer le colis au vendeur, pendant un délai de sept jours sans indication de motif et sans qu'aucune pénalité ne puisse lui être imposée. Selon l'article L. 121-20-3 du Code de la consommation, le vendeur est tenu de rembourser sans délai et au plus tard dans les trente jours suivant la date à laquelle le droit a été exercé. Au-delà, la somme dûe est de plein droit productive d'intérêts au taux légal en vigueur et le vendeur s'expose à des sanctions pénales. Le délai de 7 jours peut être porté à trois mois si le vendeur ne communique pas les informations mentionnées à l'article L. 121-19 du Code de la consommation. Il s'agit notamment des coordonnées du professionnel, du prix TTC, des frais de livraison, des modalités d'exercice du droit de rétractation ou encore des informations relatives au service après-vente. Ces règles sont applicables dans les relations avec tout vendeur établi sur le territoire européen. Par ailleurs, l'acheteur peut saisir le tribunal de son domicile si le commerçant l'a sollicité préalablement à l'achat ou si son site a été conçu pour toucher le marché français. Enfin, l'article L. 121-20-6 du Code de la consommation répute non écrite toute clause attributive de compétence juridictionnelle. La motivation de l'exil juridique n'est donc pas nécessairement purement fiscale.
2. Les attraits insoupçonnés de la fiscalité française Le serveur informatique est peu encombrant. Il y a donc une grande souplesse pour son positionnement sur le territoire. La seule limite est celle de la possibilité d'un accès à Internet. Dès lors, toutes les exonérations sont à étudier, dont celles de re-dynamisation rurale. Il est possible, cumulativement au bénéfice d'un régime fiscal de faveur, que les locaux et entrepôts soient moins chers, car éloignés des grandes villes. Il convient ici de prendre l'exemple des Zones Franches Urbaines (ZFU): elles permettent entre autres choses une exonération d'impôt sur les sociétés de 100% sur 60 mois, dans la limite de 61.000 euros exonérés par période de 12 mois. Six conditions doivent être remplies : · exercer une activité industrielle, commerciale, non commerciale ou artisanale et avoir un chiffre d'affaire à l'exportation qui n'excède pas 15%. · être imposable au titre des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou des bénéfices non commerciaux (BNC) ou encore être soumis à l'impôt sur les sociétés (IS). · avoir au minimum un établissement situé en ZFU. · avoir un effectif, tous établissements confondus, ne dépassant pas 50 salariés équivalents temps-plein (c'est-à-dire que deux personnes travaillants à mi-temps seront comptabilisées comme un seul salarié) au moment de la délimitation de la zone ou de l'implantation de l'entreprise. · recruter (ou avoir des salariés déjà employés au moment de la mise en place de la zone) en CDI ou CDD de 12 mois au minimum, à temps complet ou à temps partiel. · un cinquième des salariés doit résider dans la ZFU. Toutes ces conditions peuvent être remplies dans le cadre de l'administration d'un site Internet. Les exonérations offertes sont multiples : impôt sur les bénéfices, taxe professionnelle, taxe foncière sur les propriétés bâties ainsi que certaines charges patronales. Les exonérations sont totales pendant 5 ans, et partielles au delà. Mais de toutes les façons, les effets de mode rendent l'activité inintéressante assez rapidement, par perte d'attrait ou trop grande concurrence. En général, la création de sites marchands est faite dans un but spéculatif. Le site est créé et développé dans le but d'être cédé ultérieurement. La concentration commerciale est très importante, et les plus gros intervenants, comme Google, n'hésitent pas à acquérir les start-up prometteuses. Ainsi, il est permis de considérer que, dans la mesure où l'activité exercée est légale en France, il est avantageux d'y être domicilié. L'attrait est juridique, et plus spécifiquement, fiscal. Même s'il est possible, grâce à Internet, de dissimuler des bénéfices à l'administration, cette éventualité est à écarter, car aussi désavantageuse qu'immorale. * 24 Libération, 8 avril 2006, « Avec les casinos virtuels, rien ne va plus pour Partouche » |
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