CONCLUSION & PERSPECTIVES
« Les pays doivent envisager les
diverses options et, dans le cadre de processus politiques
démocratiques, choisir eux-mêmes. La tâche des
institutions économiques internationales doit être (et aurait
dû être) de leur donner les moyens de faire un choix
informé, en comprenant bien les conséquences et les risques
de chaque option. »
Joseph Stiglitz, La grande désillusion,
Fayard, 2002
L'échec des réformes en Haïti
Les réformes économiques mises en place dans les
pays en situation de crise, imposées ou choisies, internalisées
ont conduit à des constats nuancés d'autant qu'elles ont
été appliquées dans des contextes
différenciés d'économies situées sur diverses
trajectoires. Faisant fi des spécificités des
problèmes rencontrés ces en crise, des solutions à
caractère homogène leur ont été proposées.
Elles ont donné des résultats décevants pour certains, et
désastreux pour d'autres.
En Haïti ces réformes, instituées à
la faveur de la crise économique du début des années 80 -
crise précipitée par les agissements néfastes du
régime dictatorial en place à l'époque - n'ont pas abouti
à des résultats probants. En dépit de leur
nécessité, elles ont accéléré de
manière brutale et profonde la détérioration des
conditions de vie des populations notamment rurales,
l'appauvrissement des populations et dégradation de l'environnement.
Au-delà des querelles de statistiques et d'appréciation,
le développement humain est très faible, la
pauvreté est généralisée à l'ensemble de la
population, les inégalités se sont accentuées et sont
devenues criantes (coefficient de Gini de l'ordre de 0,5). Au moins un
haïtien sur deux est concerné par la pauvreté
monétaire et est affecté par les problèmes de
d'insécurité alimentaire. Elles ont été
particulièrement poussées en ce qui concerne la
libéralisation des prix et du commerce particulièrement dans le
secteur agricole. A leur actif sont inscrits, pour ne citer que ces
éléments, la fermeture de nombreuses usines et
ateliers, l'accélération de la décapitalisation de
l'agriculture, la perte d'emplois, la baisse des revenus,
l'accélération des migrations, la quasi inexistence
d'investissements privés; le recul de la production et la chute
des exportations, la pauvreté de masse. Comme l'indique le bilan commun
pays élaboré par le PNUD107,
« le pays est passé d'une économie de
production à une économie de consommation » où
l'ensemble
des acteurs socio-économiques se livrent à la
débrouillardise pour survivre - dans le sens de ne pas
mourir.
107 PNUD-HAITI, Bilan commun de pays,
Port-au-Prince, 1999.
_________________________________________________________
_________________
Crises, réformes économiques et pauvreté
en Haïti
68
De nombreuses reproches sont adressées aux
réformes économiques engagées en Haiti, qui pour
certains et nous autres, compte tenu de ce qui précède, ont
passé totalement à coté de leurs objectifs de
rétablir la croissance, de réduire la pauvreté, et
d'arriver au développement économique du pays :
- Ces réformes n'ont pas suffisamment pris en
considération de facteurs qui peuvent limiter la réponse
positive aux incitations tels les faiblesses structurelles du pays, la
pénurie d'entrepreneurs nationaux, la fragilité des institutions
du marché, le manque d'infrastructures ;
- Elles ont fortement contribué à éroder les
bases productives du pays, tout en favorisant le maintien
en place des rigidités structurelles.
- Elles ont été insuffisantes, inadéquates
et incohérentes.
- Elles se sont substituées aux efforts de
développement nécessaires pour sortir le pays de la spirale
de régression totale l'ayant affecté.
Pour d'autres, ces réformes ont
été paralysées essentiellement par des facteurs
externes aux programmes, tels crise socio-politique,
détérioration institutionnelle et faible engagement politique des
autorités, qui ont empêché d'aboutir aux
bénéfices envisagés.
La mise en oeuvre des programmes de réformes
adoptés en Haïti a été entachée de
turbulences
pour la plupart internes et conjoncturelles qui ont
handicapé l'efficacité des mesures. Ces facteurs ont rendu
vulnérables les réformes et paralysé leurs impacts nets.
[...] Plusieurs fois, les mesures d'austérités ont
été suspendues sous la pression socio-politique pour
être reconduites sous la pression financière renouvelée, ce
qui a contribué a aggravé leurs coûts
humains. Les avancées ont été bien
souvent anéanties par des reculs108.
|