2 MAITRISER ET APPROFONDIR LES REFORMES
Toutefois, il ne faudra pas perdre de vue, que pour les
institutions internationales il n'est pas question
de revenir sur les réformes économiques et
de toucher à leur contenu. Cette nouvelle démarche
s'inscrit dans la perspective d'une meilleur maîtrise de ces
réformes par les entités nationales, laquelle maîtrise
devra favoriser la réduction de la pauvreté. De leurs points de
vue, la pauvreté ne peut être réduite que grâce aux
résultats des politiques macroéconomiques soutenues, des reformes
structurelle plus larges et plus approfondies, tout en mettant accent
sur le social, notamment à travers une meilleure
répartition des dépenses sociales favorables aux pauvres -
augmentation des investissements
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dans l'éducation, la santé, établissement
de filets sociaux. Elles n'en démordent pas pour autant avec ces
programmes qu'elles considèrent comme étant « une
étape essentielle d'une stratégie de croissance visant à
faire reculer la pauvreté et améliorer le niveau de vie
» des populations et qui sont
« susceptibles de constituer un cadre propice à
des investissements judicieux et à l'utilisation efficace des ressources
». Les pays en développement sont supposés améliorer
leur situation économique grâce essentiellement à ces
bonnes politiques macroéconomiques et structurelles qui doivent
être appliquées sous leur égide.104
L'adjonction de la dimension de lutte contre la
pauvreté s'inscrit donc dans la prise en compte par la Banque et le
FMI des impacts négatifs des politiques d'ajustement structurel
imposées aux pays pauvres. A l'évidence, cette adjonction ne
semble constituer qu'une inflexion mineure qui leur permet
de participer dans la conception du cadre stratégique
tout en consolidant leur contenu. De nos jours les politiques de
sécurité alimentaire et de lutte contre la pauvreté
formulées par les institutions internationales rentrent dans
l'objectif de corriger les effets pervers de la mondialisation
économique
et sont ainsi subordonnées à la quête des
équilibres financiers et la restructuration des économies des
pays en détresse. En fournissant des réponses palliatives aux
problèmes structurelles de ces pays, donc
de s'intéresser aux symptômes au détriment
des causes, à quoi doit-on espérer à terme ?
3 ETAT D'AVANCEMENT DU PROCESSUS EN HAITI
L'analyse du développement a beaucoup
évolué ces dernières années. Les
autorités internationales reconnaissent désormais que les
pauvres peuvent contribuer à cette réflexion et doivent de
ce fait y participer directement. Cette approche fondée sur la
participation a permis d'élargir la définition de la
pauvreté et de mieux répondre aux besoins des plus
démunis.105 L'accent est mis sur la consultation
des pauvres de manière à ce que la conclusion de
ces consultations doivent servir de base aux actions
nationales et locales. Il faut écouter la voix des
pauvres. Comment traduire cette vision de participation
en réalité quand on sait que les pauvres
haïtiens vivent en repli et attendent toujours les belles
promesses qui tardent encore à se réaliser ? En plus,
sont-ils suffisamment organisés pour faire entendre leur voix ?
Etat d'avancement
Les premiers pas semblent se dérouler sous la direction
de la représentation locale du PNUD qui, s'est montrée
très entreprenante dans le cadre des stratégies à mettre
en place. Déjà elle a réuni sous ses auspices l'ensemble
des secteurs de la vie nationale et élaboré un document
définissant les grands axes
104 La voie à suivre en matière
de politiques et de mesures : Poursuivre les reforme
macroéconomiques ; Compléter les réformes du commerce
extérieur et du secteur agricole, Restructurer les finances publiques,
et Créer des conditions propices à l'essor du secteur
privé
dans les différents secteurs de production de biens comme
dans le secteur des services. BANQUE MONDIALE, Op. Cit., p. 41 et
257.
105 ROBB, « Aider les pauvres à faire
entendre leur voix », Finances et Développement, 2000,
p.
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d'actions prioritaires de développement à
mener.106 De facto, le PNUD-Haiti joue le rôle de
coordinateur. Ce qui n'est pas surprenant quand on considère d'une part,
l'intérêt de cette organisation pour la thématique et,
d'autre part, son implication dans le processus d'élaboration
des cadres stratégiques de bon nombre de pays. Il y a risques pour que
les rôles soient inversés entre l'Etat haïtien
et le PNUD (Représentation locale). Dans une
certaine mesure l'Etat devient un invité - avec des charges plus
ou moins élevés - et l'organisation internationale, celle qui
fait les invitations. Dans un
tel scénario, quelles seraient les conséquences
sur l'appropriation recherchée ? Les autorités en Haïti
sont-ils suffisamment sensibilisés par rapport à ce
nouveau mécanisme et comment expliquer la lenteur dans la mise en
marche de la démarche ?
De notre point de vue, des considérations
politiques et techniques apportent en partie quelques
éléments de réponses à la seconde interrogation. Le
Gouvernement manque de crédibilité à la fois sur
le plan national aussi bien qu'international et n'a pas non
plus les moyens financiers adéquats pour lancer le processus, qui
à bien des égards est très coûteux. Le
retard dans le lancement du cadre stratégique (CSLP) vient du fait
que les pouvoirs publics mobilisent l'ensemble de leurs ressources dans la
résolution de la crise politique et sociale issue des élections
contestées de l'année 2000 et qui ont occasionné le gel
de l'aide financière internationale. Ses maigres moyens
l'empêcheraient de se lancer sur deux fronts parallèles,
d'autant que la résolution de cette crise est à même de
ramener la confiance de la société civile moyennant
l'établissement de compromis avec l'opposition, d'une part,
et le déblocage des fonds par la
communauté internationale. Ce qui ne suffit pas pour justifier
ce manque d'intérêt affiché par l'Etat haïtien qui a
toujours fait montre d'un certain laxisme face à ses
responsabilités. Vu sous cet angle, de nombreuses interrogations
sont à considérer : Au niveau des différents
secteurs sont-ils suffisamment motivés (pour ne pas dire au
courant) en ce qui a trait à l'élaboration du cadre
stratégique ? le PNUD-Haiti est-il entrain de déblayer le
terrain ? Suffira-t-il à sensibiliser l'ensemble des acteurs
appelés à participer à l'élaboration du document
?
106 Document disponible sur le site Internet du Pnud
Haiti : http://www.ht.undp.org/pnud-hai/ . Le bilan commun,
réalisé par le système des nations-unies avec la
participation des différents secteurs de la Capitale
(représentants gouvernement, bailleurs, des affaires) en 1999
constitue un diagnostic des domaines et secteurs de la
vie nationale. L'idée à la base de ce document est de
rassembler des éléments
d'informations et d'analyse en vue d'aboutir à
l'élaboration d'un cadre stratégique de développement.
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