b) Reprise en main de la « pauvreté »
Après cinquante années de pratique du
développement axée sur le rattrapage des pays dits
développés,
où un grand nombre de stratégies et de politiques
de développement se sont succédées, la question de
la pauvreté est revenue au centre des
discours politiques internationaux. Discours orchestrés
particulièrement par la Banque mondiale au début des
années 90, suite au constat d'échec des politiques
d'ajustements structurel en terme de croissance et d'impacts sociaux
désastreux, qui a fait
de la lutte contre la pauvreté son cheval de
bataille, son objectif premier. A la base de ce
« revirement » ou du moins de cette attention
inattendue, il est observé qu'en plus d'avoir ses laissés
pour compte, le progrès social a aussi engendré la
pauvreté et fait explosé les inégalités
dans un monde devenu de plus en plus globalisé - globalisation
qui sous-tend l'intégration croissante des économies dans le
monde entier, au moyen surtout des courants d'échanges et des flux
financiers. En
ce qui a trait à cette attention suspecte
pour la question de la pauvreté, la première
moitié de la décennie 90 est déterminante dans la
mesure « qu'elle est marquée par la conjonction entre le
martèlement de la dénonciation de la pauvreté dans
le Tiers Monde [...] et la mise en exergue de l'exclusion dans les
pays développés »75.
Engager une lutte frontale pour la réduction de la
pauvreté est devenu plus qu'un impératif voire une guerre, comme
l'indiquent le titre révélateur du rapport 2001 de la Banque
mondiale, Combattre la pauvreté76 et les
instruments développés par le FMI tels la Facilité
pour la réduction de la pauvreté et
la croissance, l'alignement de la communauté
internationale et des agences d'aide au développement
et les objectifs internationaux définis lors du Sommet du
millénaire. Le consensus international dégagé
en accord avec cette lutte envisage de réduire
de moitié la proportion de personnes vivant dans l'extrême
pauvreté - en référence au seuil de revenu minimum
défini à un dollar US défini par la Banque
mondiale - d'ici 2015, l'intégration des efforts à
entreprendre, l'harmonisation des interventions pour que les pays
pauvres et leurs habitants puissent connaître un avenir meilleur.
Exigence est faite à tous les pays de s'y souscrire non seulement dans
le souci de réduire le nombre des pauvres mais aussi pour la bonne
marche du système économique mondial. Le FMI n'est pas
moins clair en soutenant qu'« aucun pays, et encore moins ceux qui sont
pauvres, ne peut se permettre
de demeurer en marge de l'économie mondiale. Tous les pays
devraient s'employer à lutter contre la pauvreté
»77. Ils sont donc invités, pour pouvoir
bénéficier des financements internationaux, à
préparer
et présenter un Document Stratégique de
Réduction de la Pauvreté (DSRP) (Poverty
Reduction
Strategy Paper : PRSP). Ainsi il s'agit de
définir et de mettre en oeuvre au niveau national des
74 Voir RAFFINOT Marc, op. cit., «
Ajustement , croissance et développement », chap. 14, pp.
195-204.
75 LAUTIER Bruno et P. SALAMA, « De l'histoire
de la pauvreté en Europe à la pauvreté dans le Tiers Monde
», Revue Tiers Monde, Tome
XXXVI, Numéro 142, Avril-Juin 1995, pp. 245-255.
76 Voir Banque Mondiale, Rapport sur le
développement dans le monde, 2000-2001 : Combattre la
pauvreté, Economica, Paris, 2001. Le
titre angalis l'illustre mieux : Attacking Poverty.
77 La mondialisation faut-il
s'en réjouir ou la redouter ?
Préparé par les services du FMI, 12
avril 2000, www.imf.org/external/np/exr/ib/20007fra/041200f.htm
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Crises, réformes économiques et pauvreté
en Haïti
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politiques, en accord avec les objectifs internationaux
de développement et pouvant profiter aux pauvres. Chaque pays
élabore son document de stratégie suivant les
procédures établis par les institutions promotrices, le
soumet à ces dernières pour évaluation et
validation. Il y a lieu de s'interroger sur les capacités
d'Haïti à s'y souscrire, sur les chances et les risques de ces
stratégies et sur les possibilités d'exploiter les
potentialités inhérentes des nouvelles approches internationales
pour implémenter et/ou renforcer les stratégies de
développement national.
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