CHAPITRE III : LA NOUVELLE DEMARCHE INTERNATIONALE
CONTRE LA PAUVRETE
« L'enjeu [aujourd'hui] consiste à
donner plus de pouvoirs à ces acteurs oubliés...
»
Jean Philippe Peemans
1 DE L'AJUSTEMENT A LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETE
a ) Vers une nouvelle démarche
La nécessité de revoir les anciennes
approches d'ajustement, de les rendre supportables et plus humain, de
redéfinir et repositionner le rôle de l'Etat et les acteurs
non-étatiques des pays par rapport aux réformes à engager
a incité les institutions de Bretton Woods à promouvoir un nouvel
instrument. Cette incitation découle des faibles résultats
enregistrés dans leur mise en oeuvre et des effets
générés sur les populations en terme de
coûts sociaux. Dès la seconde génération
des programmes d'ajustement, l'accent est d'abord mis sur la
fourniture d'assistance aux groupes vulnérables et l'affectation
de ressources adéquates aux secteurs sociaux. Ensuite il est
porté sur la pauvreté. La première initiative sera
de lier l'allégement de la dette des pays pauvres fortement
endettés à la
réduction de leur pauvreté.
Partant du constat que les paiements effectués au
titre du service de la dette absorbent des devises, réduisent
d'autant la capacité d'importer des biens d'équipement,
amputent les dépenses publiques consacrées aux secteurs
tels l'éducation, la santé, le Fond Monétaire
International et la Banque Mondiale ont lancé l'initiative PPTE
à l'intention des pays pauvres très endettés. Le principe
qui sous- tend à cette démarche est que l'allégement
convenu au titre de cette initiative doit libérer des
ressources, initialement affectées au service de la dette, pour
augmenter les dotations budgétaires destinées à
l'amélioration des programmes sociaux, surtout en matière de
santé et d'éducation de base
et des conditions de vie en général.72
Ainsi, tous les pays qui sollicitent une aide au titre de l'initiative
PPTE doivent pouvoir traduire les stratégies de
réduction de la pauvreté en résultats concrets, et
veiller
à ce que l'endettement ne redevienne plus un
obstacle au progrès social. Aussi est-il établi un lien
direct entre la réduction de la dette et la lutte contre la
pauvreté.
72 Cf. (Allégement de la dette dans le
cadre de l'initiative en faveur des pays pauvres très
endettés (PPTE), Fiche technique. Août 2002
http://www.imf.org/external/np/exr/facts/fre/hipcf.htm).
Pour plus de détails voir le site de la Banque mondiale consacré
au programme : cf
http://www.worldbank.org/hipc/french/fr-description/fr-description.html
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Crises, réformes économiques et pauvreté
en Haïti
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Rappelons que ce projet ne concerne qu'un nombre
restreint de pays pauvres identifiés suivant les critères
précis de sélection. Comme le dit le FMI, « le
surcroît d'allégement doit aller avant tout aux pays les plus
pauvres qu'un endettement excessif peut tout particulièrement freiner
lourdement dans leur développement »73. En 2002
à peine une quarantaine de pays sont admis à ce
programme. De nombreux pays pauvres non admis au programme PPTE et
fortement dépendant du financement extérieur, tel Haïti,
sont en butte à financer leurs politiques de lutte contre la
pauvreté.
Aujourd'hui il est question d'associer les pays
bénéficiaires potentiels de l'aide internationale dans la
définition même des politiques et des mesures à prendre.
Déjà en 1993, Marc Raffinot avançait qu'« il
[était] donc [devenu] nécessaire de rechercher
des modes de financement et d'ajustement qui, tout en reconnaissant le
rôle fondamental de l'Etat permett[rai]ent un essor des
dynamismes de la société civile, en tenant compte des
spécificités [de chaque pays] » 74. Ainsi, dans
ce nouveau cas de figure l'Etat, initialement décrié et mis
à l'écart, s'est vu confié certaines taches qui lui
assurent de passer du rôle d'exécutant à celui de
collaborateur ou de partenaire immédiat, les organisations de la
société civile sont-elles aussi impliquées et même
les pauvres devraient avoir leur mot à dire.
Depuis peu de temps des efforts sont entrepris au niveau des
institutions multilatérales de financement
du développement pour renforcer dans les pays
bénéficiant de l'aide de la coopération internationale,
dans le cadre des nouveaux objectifs internationaux de
développement, le sentiment qu'ils ont la paternité des
réformes à appliquer. Aussi les promoteurs internationaux
travaillent-ils à susciter un consensus national entre les
acteurs étatiques et non-étatiques en vu de déminer
le champ de leurs interventions. De nos jours dans le cadre des
nouvelles stratégies de lutte contre la pauvreté, les
organisations internationales sont peu à peu revenues aux
objectifs prioritaires de lutte contre la pauvreté des
années 60. Ce qui a induit une certaine inversion de l'ordre des
priorités internationales.
Ce retour constaté, pour le moins dans les discours et
dans la manière d'intervenir ne témoigne-t-il pas
de l'ampleur qu'a pris la pauvreté de par le monde en
général ?
Pour les pays en développement il s'agit
d'élaborer et de mettre en place des politiques et stratégies
pouvant ramener la croissance et réduire la pauvreté. A
ce titre, on accentue davantage sur leur capacité à
internaliser les ``nouvelles politiques''; insiste sur les
dimensions sociale et environnementale, institutionnel et politique, et
les horizons temporels. Ces considérations suffisent- elles à
assurer leur succès, à favoriser leur internalisation
quand les objectifs de développement, les objectifs sociaux sont
subordonnés aux objectifs d'équilibrages financiers?
73 En plus d'être un pays pauvre, le
bénéficiaire potentiel doit avoir une dette insoutenable
définie suivant des critères liés à des ratios
macro- économiques : Dette en Valeur Actuelle Nette/Exportations ;
Service de la dette /Exportations. Pour modalités de sélection et
plus de détails
voir sites FMI et Banque mondiale.
http://www.imf.org/external/np/hipc/prog2/fre/0499f.htm
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