5 DE L'ECHEC DES REFORMES
Nombreuses sont les raisons avancées pour expliquer le
peu de résultats enregistré de ces réformes en Haïti.
Parmi elles, l'inachèvement des programmes, l'incohérence
des mesures, des problèmes séquentielles dans leur
application, une conditionnalité parfois mal adaptée, un
rythme de réformes trop élevé, le manque d'engagement des
acteurs étatiques sont parmi les éléments
avancés.
a) Interruption des mesures
De l'avis des institutions internationales, le manque
d'efficacité enregistré dans les réformes en Haïti
découle des responsabilités nationales. Pour elles, les
efforts ont été compromis du fait que les
différentes mesures ont été soit appliquées
partiellement soit interrompues en raison de troubles politiques
affectant la cohérence, la continuité et le calendrier de ces
réformes économiques. Il est vrai que depuis 1986 et à
plusieurs reprises, « les mesures d'austérité ont
été suspendues sous la pression
63 DEWIND ET KINLEY, op. cit., p. 69.
64 JACOB Sergot, op. cit, p. 80.
65 DOURA Fred, Ibid., p. 16.
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socio-politique pour être reconduites sous la
pression financière renouvelée [...] »66 et
que les gouvernements n'ont mis en application qu'une partie des programmes -
le plus souvent la partie qui
est la plus facile à mettre en oeuvre et à laquelle
les bailleurs de fonds sont le plus souvent sensibilisés.
En plus de cet aspect, il faudra considérer les
engagements non tenus des bailleurs. Cet élément, la suspension
des financements officiels, affecte autant les résultats que
l'interruption des réformes. La CNUCED dans son rapport 2000 sur les PMA
schématise à partir des travaux de Sachs et al.
(1997)67,
En effet lorsqu'un pays interrompt son programme, le FMI
suspend ses décaissements et il très possible que cela
entraîne un effondrement des ressources budgétaires, ce qui
est justement ce qu'on devrait chercher à éviter. [Or],
lorsque le FMI décide de suspendre ses
décaissements, il est imité par les autres
grands créanciers, notamment la Banque mondiale et les donateurs
bilatéraux. Cela aggrave considérablement la situation
budgétaire et donne l'impression qu'il a eu raison de suspendre
ses décaissements. Il en résulte une longue période
de blocage, suivie par des négociations difficiles en
vue d'une reprise des
décaissements (p.7).
Ceci illustre parfaitement le cas haïtien où
l'ensemble des bailleurs a bloqué leurs aides à partir de
1997 en gardant le strict minimum, la partie liée à
l'aide humanitaire. Ce qui a par exemple entravé la poursuite des
réformes agraires engagées à la fin de 1996,
les efforts de déconcentration
/décentralisation de l'Etat.
En plus, il faut aussi considérer à la fois, le
rythme et les conditions dans lesquelles se sont opérées ces
réformes, les préalables nécessaires, leurs
orientations et les mesures proposées qui n'avaient rien à
voir avec la réalité du pays.
b) Des problèmes de séquences
« La réussite des politiques par rapport
à leurs objectifs dépend de l'environnement international
et interne mais également de la cohérence des mesures (police
package), de l'ordre des séquences et de la rapidité de leur
mise en oeuvre »68. La séquence des mesures
adoptées ne s'est pas effectuée dans le sens de la
réussite des réformes: à titre d'exemple, la
déprotection des marchés nationaux a
précédé leur consolidation, alors que l'objectif
était de relancer les exportations.
c) La recherche de bénéfices
instantanés
Motivés le plus souvent par des considérations
politiciennes - calmer les tensions sociales en milieu urbain en pratiquant une
politique alimentaire à bas prix, préserver leur
légitimité politique, conserver
le soutien politique des couches populaires urbaines,
accélérer le décaissement de l'aide internationale pour ne
citer que celles là, etc., les gouvernements en place lors de leur
implémentation ont privilégié
les bénéfices ponctuels au détriment du
moyen et long terme en faisant fi des conséquences de leurs choix.
66 JACOB Sergot, Ajustement Structurel en
Haïti : Evaluation et études d'impacts, Mémoire de
Master en gestion et évaluation de projets, Institut de Politique et de
Gestion du Développement, 1999-2000, p.80.
67 CNUCED, Les pays les moins avancés, Rapport
2000, Nations-unies, New York et Genève, 2000, p. 117.
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Rappelons que par rapport au premier, les
négociations du second PAS se sont déroulées dans
un climat pour le moins houleux qui ont conduit notamment à la paralysie
du pouvoir exécutif en raison des divergences d'opinion entre la
présidence et la primature, à son instrumentalisation par
les différents acteurs et décideurs politiques.69
d) le poids du contexte socio-politique
Il est reconnu une relation entre politique et croissance
économique, d'autant que cette dernière est influencée
par des caractéristiques très diverses des systèmes
politiques. L'environnement socio- politique haïtien est
caractérisé par des turbulences plus ou moins fortes
suivant les périodes. Pour certains, ces turbulences seraient
à la base de l'insuccès des reformes économiques mises en
place. Cependant si elles ont joué un rôle dans l'échec,
elles ne sauraient être le facteur déterminant. Elle ne peuvent
expliquer qu'en partie cet échec. On a noté que les reformes et
les différentes mesures, le plus souvent impopulaires, ont
été pour la plupart d'entre elles mises en place durant
des périodes de troubles socio-politiques ou de calme
précaire. Ceci n'est pas sans raison. Question de justifier leur
nécessité ou de trouver des explications quant à leur
éventuel échec.
Au milieu de la décennie 80, les réformes ont
été engagées peu de temps après la chute du
régime dictatorial trentenaire des Duvalier et durant la décennie
90, elles ont servi comme conditions de retour
au pouvoir en octobre 1994 du gouvernement élu
démocratiquement trois ans plus tôt. Ainsi, elles ont
donc été établies durant des
périodes très difficiles et très
particulières marquées par le dysfonctionnement des
structures démocratiques, la faiblesse institutionnelle et
l'incapacité des gouvernements et organisations nationales en
place, notamment du secteur privé des affaires à formuler
une contre-proposition. Choix délibéré ou simple
conjoncture, il est difficile à faire la répartition.
e) L'incapacité du secteur privé
haïtien
L'autre élément à prendre en compte est
l'incapacité du secteur privé haïtien. S'il est vrai que
dans les pays pauvres, les contraintes structurelles et la fragilité des
institutions ont empêché le secteur privé de
répondre positivement aux incitations qui sont censées
être la pièce maîtresse du processus
d'ajustement, ceci n'explique qu'en partie le cas du secteur
privé haïtien, notamment celui communément
appelé ``secteur des affaires''. Son incapacité à
anticiper voire à prendre le relais suite
au retrait de l'Etat est inhérente à sa nature et
à son mode historique de fonctionnement.70 Opaque, non
concurrentiel, intérêt de classe, ce secteur a
toujours su composer avec le système de prédation pour en
68 GERRAOUI, op. cit, p.40.
69 Voir à propos, Fritzner GASPARD, Les
implications politiques d'un programme d'ajustement structurel en Haïti
après le retour au pouvoir
du Président Aristide, Mémoire pour
l'obtention du DES en études du développement. IUED,
Genève, novembre 1997, pp. 84-85.
70 Pour une analyse du secteur privé
haïtien, de ses faiblesses, des défis et des rôles qui
l'attendent, voir Henri BAZIN, Le secteur privé haïtien
à l'orée du troisième millénaire : défis et
nouveaux rôles, Imprimeur II, Port-au-Prince, 2000.
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tirer les avantages au moindre effort. Exportateurs et
industriels dans les premières heures, ils se sont tous mués en
importateurs des mêmes produits qu'ils produisaient (sucre, ciment, etc.)
et des produits alimentaires. Ce qui a poussé bon nombre d'observateurs
à avancer que ce secteur devrait aussi faire l'objet de restructuration
au vu de ses performances qui ne diffèrent pas de celles de l'Etat.
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