III. Acteurs et facteurs de criticité
1. Les acteurs de la démarche KM8
La démarche KM crée de nouveaux
métiers et de nouvelles tâches. Ce qui exige de nouvelles
compétences de la part des acteurs. Au-delà de la
dénomination des postes, qui varie selon la littérature,
nous allons examiner les aptitudes et les rôles des
participants. L'accès à ces deux niveaux d'analyse, permet
de prétendre à la construction d'une équipe
efficace.
1.1. Le Chief Knowledge Officer (CKO)
L'apparition de ce nouveau poste reflète la
dimension stratégique des démarches KM. Elle est avant tout,
l'affaire de la direction qui doit donner une vision de l'avenir et aligner les
structures et les outils sur la stratégie de l'entreprise.
Une étude publiée par Earl M. et Scott I.9
, réalisée entre 1997 et 1999 sur 20 CKO en
Amérique du Nord et en Europe, révèle des
traits communs de personnalité :
Ils sont dynamiques, enthousiastes et prompts à
communiquer leur enthousiasme autour d'eux ;
Ils sont curieux ;
Ils pensent apprendre tout en évoluant dans leur
nouvelle mission ;
Ils ont une conviction forte des bénéfices que
la démarche Knowledge Management peut apporter ;
Ils ont de grandes ambitions pour leur compagnie ;
Ils sont flexibles dans leurs attitudes professionnelles
;
Ils ne sont pas obsédés par les produits de la
technologie, sans néanmoins en sous- estimer l'importance ;
7 Davenport T H. et Prusak I.,
Working Knowledge: How Organizations Manage What They Know,
Harvard
Business School Press, Boston, 2000, in norme CWA
14924-3, p.32.
8 Adapté de Prax J-Y.,
ibid., pp.359-371.
9 Earl M. et Scott I., What is
Chief Knowledge Officer?, Sloan Management Review, hiver 1999, cité
par Prax
J-Y., ibid., p.360.
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Ils se considèrent comme les architectes
d'un nouvel environnement social, de nouveaux processus professionnels
et du développement de nouvelles initiatives organisationnelles
;
Ils ont typiquement entre 40 et 50 ans et ont une bonne
expérience du changement des hommes et des organisations.
Les auteurs ont noté qu'une carrière
professionnelle riche et variée, ainsi qu'une très bonne
connaissance de l'organisation et du métier de leur
société étaient des atouts décisifs.
Pour définir le CKO idéal, les auteurs
proposent un profil basé sur quatre qualités principales
:
Un CKO entrepreneur : Le CKO
doit être motivé par l'idée de créer quelque chose
de nouveau et de le développer ; il ne doit pas se soucier
des risques qu'il encoure à prendre un job nouveau et incertain. Les
CKO sont des visionnaires en ce sens qu'ils voient l'image globale tout en
ayant la capacité de la traduire en résultats tangibles.
Ils sont enfin capables de conduire un projet à
travers les aléas, les résistances les inerties et les
oppositions ;
Un CKO consultant : Le CKO doit
être capable d'écouter les idées nouvelles et les vues
différentes, stimuler des discussions et nourrir le
développement des flux de connaissances. Son aptitude à
gérer les relations entre des personnes de différents bords est
un atout important. Le CKO n'a pas de réel pouvoir
opérationnel ou hiérarchique, il doit donc opérer par la
persuasion, le consensus, l'explicitation et l'exemplarité. Enfin il
doit avoir une vision très précise du modèle professionnel
de l'entreprise et pouvoir distinguer les compétences clés
qui peuvent apporter de la valeur ;
Un CKO technologue : Le CKO
doit avoir une connaissance assez affirmée des technologies mises
en oeuvre à travers l'organisation. Il devra travailler
étroitement avec la direction des Systèmes d'Information.
Idéalement, il aura auparavant été impliqué
dans la mise en place de systèmes comme l'Intranet ou un groupware. Sa
connaissance n'est pas technique, mais il s'approprie complètement les
usages qui peuvent être faits des différentes technologies, et
peut ainsi en juger les bénéfices et évaluer les obstacles
;
Un CKO environnementaliste :
Cette qualification nouvelle se réfère
à l'aptitude à créer l'environnement professionnel qui
facilite le dialogue, à la fois à travers des réunions
formelles et par des rencontres de couloirs ou de cafétéria. Le
CKO doit rechercher les événements et les processus qui
génèrent des contacts entre les individus. Cela passe par
l'urbanisme des locaux, par la mise en place de centre de documentation et
de formation, voire par des voyages d'études. Le terme
environnementaliste se réfère également à
l'ingénierie sociale, c'est-à-dire la capacité
à amener différentes communautés, normalement
séparées par leur métier, leur position
hiérarchique ou leur situation géographique, à
coopérer. Tout cela ne pourra s'opérer avec succès
que si le CKO sait convaincre le management intermédiaire
et le former.
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1.2. Le Knowledge Manager
Au niveau du département, la coordination
du processus global de création des connaissances incombe au
Knowledge Manager. Il alterne des périodes d'écoute des attentes
des acteurs et d'appuie aux projets en cours. Il a pour mission principale
d'expliciter la vision
de l'entreprise dans le domaine du KM et de la transformer en
actions sur le terrain. Il met en place aussi les standards d'évaluation
et de justification des projets retenus.
Idéalement, il devrait avoir les qualités suivantes
:
Capacité d'articuler une vision pour donner du sens
à l'action ;
Découvreur de talents ;
Habilité à interagir avec les membres
des équipes projet et de solliciter leur motivation et leur
adhésion ;
Une vision systémique du processus global de gestion
des connaissances.
1.3. Cas des projets Intranet
Comment faire pour que l'Intranet soit un support pour le KM ? La
problématique se résume dans la difficulté de concilier
deux tendances antagonistes :
La première «libérale» qui
consiste à laisser la production des informations sur l'Intranet
à la seule initiative des personnes, le résultat
est un ensemble inexploitable de contributions incohérentes
;
La deuxième «dictatoriale» qui consiste
à faire de l'Intranet un média uniforme, de communication
descendante au service de la direction et qui n'intéresse
personne.
Pour mener à bien la démarche de mise en place d'un
Intranet, il convient d'impliquer les instances décisionnaires
adéquates et de réunir les compétences indispensables.
1.3.1. Les instances décisionnaires
Un projet doit être conduit par quatre instances
principales10 :
Les instances stratégiques
(producteur ou maîtrise d'ouvrage), qui
décident des grands axes du projet : cible, délai, budget, et
veillent à leur respect ;
Les instances opérationnelles
(réalisateur ou maîtrise d'oeuvre), qui
définissent le moyen d'arriver à la cible ;
Les consultants qui orientent,
font gagner du temps et éviter des pièges, grâce à
la mutualisation de leurs expériences extérieures ;
Le chef de projet qui coordonne
l'ensemble de ces acteurs.
a. L'équipe de production
C'est l'instance de décision stratégique qui se
situe au niveau de la Direction Générale et dont le
représentant est le CKO. Elle se charge de réunir un
comité de pilotage ou de maîtrise d'oeuvre. Ce comité
réunira quelques représentants des métiers (unités
utilisatrices) et des
10 Prax J-Y utilise ici un vocabulaire tiré
du domaine cinématographique (producteur, réalisateur...etc. dont
le professionnalisme dans la production d'oeuvres artistiques, mettant en
scène des acteurs, n'est plus à démontrer.
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fonctions concernées (RH, finance, R&D...
etc.), le chef de projet, le responsable informatique.
b. L'équipe projet
Elle est animée par le chef de projet et regroupe
l'ensemble des compétences nécessaires
au bon déroulement du projet : acteurs des politiques
stratégiques, représentant des métiers, informaticiens. Le
rôle de l'équipe projet est de :
Mettre en oeuvre les orientations fixées par le
comité de pilotage dans les meilleures conditions possibles
(qualité, respect des délais et budgets...etc) ;
Mettre en place et suivre des groupes de travail autour de
différents sujets concernant
le Portail ;
Créer un groupe technique en charge de la
résolution des problèmes d'interconnexion
et de sécurité ;
Créer des groupes utilisateurs chargés de
travailler sur les usages validés par le comité de
pilotage ;
Définir la charte graphique appliquée sur le
Portail, veiller à la qualité de la page d'accueil et à
l'ergonomie de navigation au sein du Portail.
Le chef de projet Portail va être le «chef
d'orchestre» : il va animer et coordonner les travaux, s'assurer,
en collaboration avec le coordinateur informatique, que les questions
techniques trouvent les bonnes solutions, que les contenus auront une valeur
ajoutée effective.
Il doit être identifié et reconnu par tous les
acteurs du projet. Il sera désigné par le comité de
pilotage et devra bénéficier, tout au long du projet, du soutien
de la Direction Générale.
Il doit posséder les qualités de :
Négociation ;
Communication ;
Organisation, planification ;
Initiative, coordination, animation.
II doit disposer d'une bonne connaissance des services de
l'entreprise et de leurs missions.
Si on ne lui demande pas d'être un
spécialiste des systèmes d'information, il est toutefois
indispensable qu'il ait une forte sensibilité aux TIC pour
pouvoir comprendre les enjeux techniques (sécurité,
interconnexion de réseaux) liés à la mise en place d'un
portail Intranet.
c. L'équipe de réalisation
Elle prend en charge l'animation du site, la réalisation
technique et la fonction éditoriale.
1. L'animateur de services multimédia
(webmaster)
Il regroupe et accompagne une équipe de
contributeurs de domaines, qui sont des représentants d'une
entité ou des porteurs d'une thématique transverse (RH,
communication, international...etc.). La compétence technique est
celle qui met en oeuvre les pages HTML, l'administration des serveurs
et des accès, l'ouverture des forums, le développement
des applications. Un groupe de travail technique, animé par le
coordinateur technique, réunira les correspondants et responsables
informatiques des services qui pourront ainsi envisager
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ensemble les questions de connexion à Internet, de
sécurité, d'hébergement, de maintenance...etc.
2. Le coordinateur informatique Portail
Le coordinateur informatique Portail sera chargé des
tâches suivantes :
Etre le réfèrent technique pour le chef de
projet ;
Conduire les discussions avec les services concernés
pour les choix techniques sur
la base de la solution préconisée par la
direction informatique ;
S'assurer que toutes les dimensions techniques
(sécurité, hébergement...) sont correctement
intégrées dans le projet ;
Rédiger le cahier des charges pour
l'hébergement ;
Piloter et coordonner la mise en oeuvre des moyens
techniques associés au Portail.
3. L'équipe éditoriale
L'équipe éditoriale est en charge de faire vivre
l'Intranet au quotidien ; dynamique et plaisante, elle est centrée sur
l'actualité, la nouveauté, tant au niveau des activités et
de la vie de l'entreprise, qu'au niveau de l'Intranet lui-même. Elle
s'assure de l'actualisation des rubriques et elle gère les liaisons avec
les usagers (FAQ, réponses...etc.).
4. Les fournisseurs d'informations
Ils sont responsables de la qualité et de la
validité des informations qu'ils publient et qui doivent se mettre en
conformité avec la charte qui est publiée par l'équipe de
réalisation et relayée par les responsables de thèmes.
Les groupes de travail thématiques
Des groupes thématiques (sujets transverses RH, gestion,
juridique, management...etc.)
ne font pas de travail éditorial mais interviennent
plutôt sur la constitution de sites référentiels sur leurs
domaines respectifs par un travail de collecte de documents de
référence et d'animation de forums de discussion. Ils sont
garants de la qualité du contenu de leur domaine :
rédaction des pages, validité des informations...etc.
Ils définissent le cahier des charges fonctionnel pour le
développement de services et de contenus adaptés aux attentes
des utilisateurs. On peut imaginer qu'ils sont animés par
des
«responsables de thèmes».
Le responsable de thème
En général, le responsable de thème
ou de domaine cumule ses fonctions liées au dispositif Knowledge
Management avec des activités plus traditionnelles de management
opérationnel ou d'expertise métier : c'est un expert ou un chef
de projet confirmé. Il est en quelque sorte garant du contenu :
Il identifie les actions, les productions, les
expériences, les dossiers thématiques au sein de son
équipe en vue de les publier ;
Il sensibilise et forme les acteurs, internes ou externes
;
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Il est en relation avec le responsable du
réseau documentaire pour organiser la collecte et faire respecter
les procédures ;
Il propose la politique d'achat d'ouvrages, de publications
;
Il organise la fonction veille : analyse des secteurs
sensibles, en forte évolution ;
Il s'assure de la cohérence rédactionnelle
(complétude, fiabilité, mise à jour...etc.) et
de la qualité de l'indexation (descripteurs,
thésaurus...etc.) ; il peut à cet effet diffuser une charte
rédactionnelle.
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